Guerric Jehanno comparaît devant les assises du Tarn pour l'enlèvement, le viol et le meurtre d'Amandine Estrabaud en 2013. Au dernier jour de son procès, ses avocats ont plaidé l'absence de preuve et d'éléments matériels dans ce dossier pour lequel il encourt 30 ans de réclusion criminelle.
"Mesdames et Messieurs les jurés, je suis innocent. Je travaillais. Je n'ai pas quitté le chantier du Mas d'Enfau et à 17h30, je suis rentré chez moi." C'est par cette phrase que s'est achevée la dernière audience du procès de Guerric Jehanno devant les assises du Tarn, à Albi. Peut-être la plus longue phrase de l'accusé au cours de son procès, prononcée juste avant que les jurés ne partent délibérer.
Avant cela, ses deux avocats se sont attachés à démonter point par point l'accusation et les éléments qui ont conduit leur client devant une cour d'assises où il comparaît pour l'enlèvement, la séquestration, le viol et le meurtre d'Amandine Estrabaud, le 18 juin 2013 à Roquecourbe, dans le Tarn.
"Où sont les preuves ?"
"Est-ce que les preuves de sa culpabilité ont été apportées ?" interroge Marie-Hélène Pibouleau, l'une des deux avocates de Guerric Jehanno. "La preuve de la réalité des crimes dont il a à répondre aujourd'hui vous a-t-elle été apportée ?"D'abord, elle s'emploie à démonter point par point tous les éléments de l'enquête qui ont conduit à son client.
Elle s'attache surtout à démontrer qu'il n'existe aucun élément matériel dans cette affaire. Les ballerines et les boucles d'oreilles retrouvées chez Amandine Estrabaud ? "Qu'est-ce qui prouve que ce sont bien les siennes ? Et qu'est-ce qui prouve qu'elle les portait bien le jour de sa disparition ?"
Le témoignage de la voisine d'Amandine qui a vu l'homme qui l'accompagnait de dos ? "A-t-elle formellement reconnu Guerric Jehanno ? Elle vous a dit à l'audience que non".
Le comportement étrange de Jehanno ? "Un délire", lié à son licenciement et à sa rupture.
Le témoignage des anciens co-détenus ? "Une fable ! Chacun a inventé sa version."
L'absence d'éléments matériels
L'absence d'éléments matériels, c'est ce qui pèse depuis le début dans ce dossier. Pas de corps, pas de traces de sang, pas d'ADN, un seul témoin direct qui n'a vu le suspect que de dos... C'est ce que la défense de Jehanno s'est appliquée à répéter pendant près de 4 heures, ce mercredi 14 octobre.Comme dans une litanie, pour chaque question du dossier, Simon Cohen, l'autre avocat de Guerric Jehanno répète à chaque fois "y a-t-il un seul élément matériel, un lambeau de chair, une trace de sang, un atome d'ADN, un cheveu, un bout de vêtement ?"
Les "seuls témoignages à charge", ceux des anciens co-détenus de Jehanno, il les écarte aussi. Trop de versions différentes et pas de preuve, encore une fois.
Il n'y a pas de mobile, dit-il, pas de traces réelles de lutte chez Amandine Estrabaud, pas d'arme du crime non plus. "Vous ne trouverez pas un seul élément matériel susceptible de corroborer l'accusation."
"Pas de preuve, pas de trace" insiste-t-il encore, explorant encore une fois la thèse de la disparition volontaire d'Amandine Estrabaud.
"Cet homme ne doit pas être condamné sans preuve." a-t-il dit aux jurés en attaquant sa plaidoirie et en leur rappelant le long combat pour défendre en France la présomption d'innocence. "Cet homme taciturne, sans verbe, sans poésie, d'une certaine façon, il est un symbole que vous allez défendre ou que vous allez sacrifier. Personne ne vous en demandera compte, sauf votre conscience."
Il y revient en conclusion. "Je ne pense pas qu'il soit possible de condamner Guerric Jehanno. Ce n'est pas possible que le bénéfice du doute s'efface".