Ce complément alimentaire n'est pas une nouveauté. Aurélien Cathala en cultive dans le Tarn depuis 2009. Retour sur la spiruline, une cyanobactérie en vogue dans le monde entier que certains présentent comme l'aliment du futur.
De la verdure à perte de vue. Le soleil tape très fort. Nous sommes en plein mois de février, dans l'exploitation d'Aurélien Cathala. Dans son jardin un chien et un poney déambulent. Et trois serres fermées gardent la chaleur. A l'intérieur, il fait dans les 30 degrés. On se croirait en plein été, ou dans un pays tropical. A l'intérieur de chaque serre, deux bassins hébergent une eau verdâtre toujours en mouvement. Ce vert, c'est de la spiruline. A l'origine, sa couleur c'est le bleu. C'est la raison pour laquelle on dit que c'est une cyanobactérie, du mot cyan (la couleur bleu). Cette spiruline, c'est l'unique produit que vend Aurélien Cathala, depuis presque 12 ans. L'agriculteur a découvert ce complément alimentaire par hasard. Ses connaissances lui ont permis de perdurer toutes ces années, et de fidéliser sa clientèle. Si cette micro-bactérie (comme on l'appelle communément) est à la mode, elle n'est pourtant pas nouvelle. Ses bienfaits sont encore à prouver scientifiquement mais la spiruline pourrait bien être l'un des grands aliments du futur. Voyez les explications d'Aurélien Cathala :
Une découverte inattendue
Ses mains sont tâchées par sa profession. Les matins de récolte, il se lève bien avant l'aube. Travailleur acharné, Aurélien Cathala n'aurait probablement jamais eu le temps de découvrir la spiruline, s'il n'avait pas passé un séjour à l'hôpital. L'expression "un mal pour un bien" prend alors tout son sens. Alors qu'il devrait être au travail, il prend le temps d'écouter, pour une fois, une émission de radio sur France Inter depuis son lit d'hôpital. Les invités parlent de la spiruline. Le soir même, l'agriculteur dévore les travaux de Jean-Paul Jourdan, un chimiste aux multiples publications sur la spiruline, l'un des premiers a avoir vanté les mérites de cette bactérie. Un aliment à produire dans l'eau ? C'est pile le milieu de prédilection d'Aurélien, qui a fait des études de géo-sciences à Paul Sabatier (université de Toulouse) ainsi qu'un BTS (brevet de technicien supérieur) en gestion de l'eau. Il travaille alors dans un bureau d'études où il évalue les niveaux de pollution et de dépollution des sites industriels. Dès 2009, il se met à produire de la spiruline chez lui. A l'époque, peu de personnes connaissent cet aliment du futur, seulement une dizaine d'agriculteurs cultive cette bactérie en France. Désormais, ils sont plus de 250. Il existe même une fédération des spiruliniers de France.
Je me suis informé et j’ai tenté le pari. Et comme j’avais quand même le bagage de mon ancienne profession et de mes études, il y avait quand même une petite une petite liaison.
Bienfaits non prouvés de la spiruline
Passionné, Aurélien pourrait parler pendant des heures de sa cyanobactérie. Pourtant, il lui est interdit de vanter les mérites de cette micro-bactérie. En effet, aucune étude scientifique ne prouve pour l'instant ses bienfaits. "Mais si elle ne servait à rien, ça ferait longtemps que je n'arriverais plus à en vendre" constate Aurélien. Pour lui, s'il n'y a pas d'études, c'est parce qu'on manque de moyens financiers pour les réaliser dans les règles des lois scientifiques, pharmaceutiques et industrielles. "Il y a peu de travaux sur la spiruline aussi parce que c'est un éco-système minuscule qui s'observe à l'aide de microscopes qui valent 100 000 euros. Et il faudrait au moins dix ans pour comprendre toutes les interactions" précise Aurélien. Ce qui est sûr, c'est que ses clients sont satisfaits. Parmi eux, des sportifs qui l'utilisent pour leur récupération, des personnes âgées qui en font usage pour une meilleure digestion ou encore des femmes enceintes pour un apport en fer. Ecoutez les explications d'Aurélien :
Forme d'utilisation et prix de la spiruline
Dans la maison familiale, les murs anciens en pierre attirent l'attention. Tout comme les sachets marron de spiruline. "En comprimé, en poudre, ou en paillette" précise Aurélien. D'un côté il y a le produit qu'il vend et de l'autre, sa consommation personnelle ou plutôt, familiale. "Quand mon fils était petit, au moment du séchage de la spiruline, il était alors en couche culotte et tenait à peine de debout et déjà il ramassait des petites poignées de spiruline qu'il avalait", se souvient l'agriculteur. "C'est donc une question d'habitude" répond t-il, au sujet du goût de cette bactérie, que certains jugent neutre et d'autres trop fort. "Il ne faut pas la faire cuire" tient-il a préciser. Il est donc possible d'ajouter des paillettes de spiruline à sa salade, de la poudre à ses smoothies ou d'avaler un comprimé. Certains consomment de la spiruline toute l'année.
Si on raisonne en kilos, certains vont dire que la spiruline est chère en comparaison avec du poisson par exemple. On est à 175 euros le kilos. Sauf qu'avec 100 grammes de spiruline à 17,50 euros, on va tenir une quarantaine de jours. C'est un certain prix ... mais c'est comme pour le safran par exemple, à une autre échelle car le safran c'est plutôt 35 000 euros le kilo. Dans les deux cas c'est un travail de fourmis ! Et on ne sort pas 30 kilos par jour donc c'est compliqué. Je ne pense quand même pas que ce soit une grosse dépense. Pour les fumeurs, c'est l'équivalent de deux paquets de cigarettes par mois ! Là on parle d'un aliment nutritif. Les gens qui l'ont testé, pour eux, ça fait maintenant partie de leurs dépenses.
Production minutieuse et périlleuse
Le vocabulaire du quarantenaire est celui d'un véritable chimiste. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'est pas simple de produire de la spiruline. "Difficile pour un géant comme l'homme de comprendre l'infiniment petit comme la spiruline" résume Aurélien. De manière simple : chaque producteur commence sa production en achetant de la spiruline à un autre producteur ou à un laboratoire. Puis la production peut commencer. La spiruline est en constante circulation dans les bassins, elle ne peut pas arrêter d'être en mouvement au risque de mourir. Elle est nourrie avec de l'azote, du potassium, du phosphate, du magnésium et du fer à des quantités extrêmement précises et différentes selon le stade de production. Elle est ensuite prélevée grâce à des filtres. Et ce, dès 5h30 du matin. Puis c'est le moment de la presser, ça devient une pâte qui est stockée à 3°C au frigo avant d'être séchée et transformée en paillettes, en poudre ou en comprimés, tous les jours. Des éléments compréhensibles comme les aléas climatiques par exemple, peuvent tout à coup faire mourir toute une production. D'autres éléments, incompréhensibles, peuvent également mettre un terme à toute une production. C'est donc un travail minutieux et périlleux.
En juillet par exemple, on se retrouve souvent avec des chaleurs très fortes. Il y a des souches qu'on n'arrive plus à tenir, qui deviennent ingérable. Les saisons se rallongent avec le réchauffement climatique, et ça rajoute des problématiques. Là normalement, février c'est censé être le mois le plus frais et on a des températures anormalement élevées.
Chaque année Aurélien produit ainsi en moyenne 500 kilos de spiruline. Sauf en 2019, l'année où une tornade a détruit ses serres. Il n'a alors produit que 350 kilos. Cette année, "c'est la tornade Covid qui a compliqué les choses. Les gens achètent moins, il y a un frein global à la consommation" explique l'agriculteur. Pour l'instant, même en travaillant seul sur son exploitation, Aurélien arrive à vivre de sa seule production de spiruline. "On est pas des hyper consommateurs non plus, on vit juste convenablement" explique-t-il. "Ca va un peu avec le modèle spiruline : on prône la ferme familiale en auto consommation de spiruline mais aussi de légumes etc... on a notre équilibre" détaille celui qui ne veut pas forcément agrandir son exploitation parce que pour lui, ce sont justement les très grandes échelles de productions "qui ont tuées l'agriculture Française". Plus qu'une cyanobactérie, la spiruline fait probablement partie d'un véritable mode de vie en pleine expansion.