Le projet de l'A69 entre Toulouse et Castres se trouve à un point de basculement crucial. Ce lundi 9 décembre, le tribunal administratif tranchera un dossier qui oppose frontalement enjeux économiques et impératifs environnementaux. Voici les 5 informations essentielles pour comprendre cette bataille juridique et écologique.
Est-ce le début de la fin de la polémique autour du projet de l'autoroute A69 visant à relier Toulouse (Haute-Garonne) à Castres (Tarn) ? Le tribunal administratif de Toulouse devrait rendre lundi 9 décembre sa décision dans un dossier qui enflamme le département du Tarn depuis plusieurs mois. Ce chantier jugé "dévastateur" pour l'environnement par les écologistes devra-t-il stopper ou le feu vert sera-t-il donné pour la poursuite des travaux. Voici les principales informations pour comprendre le déroulé et les enjeux de ce projet.
Une autoroute réclamée depuis 30 ans
Le projet de l'autoroute A69, représentant un investissement total de 450 millions d'euros, vise à relier Toulouse (Haute-Garonne) à Castres (Tarn) sur 53 kilomètres, "dont 44 km de tracé neuf et 9 km de section réaménagés". Cette infrastructure est réclamée depuis plus de 30 ans, notamment par le groupe Pierre Fabre, afin "de désenclaver" un territoire rural présenté comme isolé. La société Atosca espère que "8 000 véhicules légers par jour en moyenne, et près 900 poids lourds", emprunteront ce tronçon d'autoroute lors de la mise en service en 2025.
Selon la préfecture de la région OccitanieNouvelle fenêtre, l'A69 doit permettre "un gain de temps significatif (25 minutes en moyenne) sur la totalité du trajet entre la sortie de l'autoroute A68 et l'entrée de la rocade de Castres". Un chiffre faux selon les opposants au projet qui estime le gain de temps à seulement 15 minutes.
6,77 euros l'aller et 13,54 euros l'aller-retour ont été durant longtemps les tarifs de la future autoroute. Des prix élevés et dont le concessionnaire peine à confirmer les montants.
Un coût environnemental
Mais cette infrastructure a également un coût environnemental. La superficie totale de l’emprise définitive de l'autoroute représente 420 ha, dont 316 ha de surfaces agricoles. Plus de 200 arbres ont déjà été coupés. Entre 120.000 et 200.000 m3 d'eau seront nécessaires pour ce chantier.
Pour Christophe Cassou ce projet "est incompatible avec la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de la France", le scientifique estime avec d'autres chercheurs dans une tribune dans L'Obs (Nouvelle fenêtre) que l'A69 constitue "un de ces projets auxquels il fallait renoncer".
"On a estimé que, si on garde le même trafic entre Toulouse et Castres, mais à 130 km/h au lieu de 90 et 110, il y aurait entre 5 000 et 8 000 tonnes de CO2 supplémentaires émises par an", détaillait à France Info en 2023 le géologue Odin Marc, chargé de recherche au CNRS.
Avancer le plus rapidement possible vs retarder au maximum le chantier
Depuis le lancement du projet, Atosca et la préfecture du Tarn avancent coûte que coûte et clament à qui veut l'entendre que l'autoroute n'est plus un projet mais une infrastructure sur le point d'être finalisée. De leur côté, les opposants déploient tous les moyens possibles pour tenter de retarder les travaux, dans l'espoir que l'A69 soit enterrée.
Des actions sur le terrain de la mobilisation, en s'attaquant notamment au matériel et aux installations du chantier, et sur celui judiciaire afin de s'opposer un passage en force d'Atosca et des pouvoirs publics, selon les anti A69. Les référés devant le tribunal administratif de Toulouse se sont multipliés contre l'autoroute, sans succès au cours des derniers mois. L'objectif était de maintenir la mobilisation jusqu'au procès sur le fond de ce dossier.
L'avis explosif de la rapporteure publique
Ainsi le 25 novembre 2024, lors d'une audience au tribunal administratif de Toulouse, la rapporteure publique Mona Rousseau s'est prononcée de manière inattendue en faveur de l'annulation des autorisations du chantier de l'A69. Elle a estimé qu'il n'existait pas de "raison impérative d'intérêt public majeur" (RIIPM) justifiant la construction de cette autoroute.
Salué par les militants anti-A69, l'avis de Mme Rousseau a provoqué l'inquiétude des partisans de cette nouvelle infrastructure de 53 km.
La pression des pro A69
"Il y a des gens qui ne comprennent pas que, à ce stade de la réalisation des travaux, on puisse remettre en cause la construction de l'autoroute. Les gens voient bien l'ensemble des travaux qui ont été engagés", a déclaré vendredi à l'AFP le député macroniste Jean Terlier, ancien président de la commission d'enquête parlementaire sur l'A69 jusqu'à la dissolution de l'Assemblée en juin.
Le constructeur et futur concessionnaire de l'autoroute, Atosca, souligne les travaux déjà réalisés pour un coût de 300 millions d'euros - sur un budget prévisionnel de 450 millions et annonce une mise en service de l'A69 fin 2025.
"Je constate depuis quelques jours une forme de stupeur, d'incompréhension, voire de colère", poursuit M. Terlier, soulignant que, outre les laboratoires Pierre Fabre, des élus ou des personnalités comme le président de la Chambre de commerce du Tarn, "ont tous alerté sur le fait que ce serait évidemment très désastreux pour le sud" du département si les travaux devaient s'interrompre.
Julien Betaille, Maître de conférences en droit public à l’Université Toulouse Capitole, souligne que "l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'État, depuis plusieurs années, demande de plus en plus aux juges de prendre en compte l'impact de leurs décisions, notamment dans les dossiers complexes." Mais le juriste précise : "il est crucial de rappeler que le respect du droit ne doit jamais être secondaire. Si un projet est jugé illégal, les juges doivent s'y tenir, même si cela entraîne des conséquences économiques. C'est la règle de l'État de droit".
Les magistrats du tribunal administratif de Toulouse doivent désormais trancher : stop ou encore pour l'autoroute A69 ?