Jean Terlier, député sud tarnais, favorable au projet de l'autoroute A69 est président de la commission d'enquête parlementaire lancée à l'Assemblée nationale à la demande de la députée écologiste de Haute-Garonne Christine Arrighi. Il répond à la polémique qu'a suscitée sa nomination.
Jean Terlier, député sud tarnais, favorable au projet de l'autoroute A69 est le président de la commission d'enquête créé à l'Assemblée nationale. Cette nomination a fait polémique. C'est la députée écologiste de Haute-Garonne Christine Arrighi qui a lancé cette commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet à l'Assemblée nationale. Jean Terlier revient sur son ambition et ses motivations quant à sa candidature comme président de cette commission.
France 3 : cette commission d'enquête parlementaire a été lancée il y a peu de temps. Qu'a-t-elle mis en œuvre ?
Jean Terlier : nous avons réuni ses membres, élu le bureau de cette commission d'enquête. Nous avons commencé un cycle d'audition pour faire un peu la genèse de l'autoroute A69 : comment on est passé de la volonté des élus, il y a 30 ans, de désenclaver le sud du Tarn au choix du passage en concession de ce projet autoroutier aujourd'hui. On a concentré nos auditions sur la venue d'anciens présidents de Région, d'anciens préfets du Tarn.
Hier, on a auditionné le maire actuel de Castres, Pascal Bugis, et son ancien maire, Arnaud Mandement mais aussi l'ancien président du conseil départemental Thierry Carcenac. Ils ont pu revenir sur la manière dont eux avaient vécu les épisodes qui ont permis d'aboutir à cette déclaration d'utilité publique, à ce contrat de concession et à ce début des travaux.
France 3 : c'est l'aspect financier que vous allez devoir étudier ?
Jean Terlier : la commission va enquêter sur le montage juridique et financier de l'autoroute A69. Pour dire les choses très clairement, c'est tous les actes administratifs qui ont précédé à la déclaration d'utilité publique et tous les actes subséquents jusqu'au contrat de concession passer entre l'État et le concessionnaire NGE Atosca.
Donc le rôle de la Commission, ça va être de vérifier que tous ces actes juridiques, tous ces actes administratifs, que toutes les procédures ont bien été respectées pour déterminer qu'il n'y a pas de difficultés sur ce montage juridique et financier de l'autoroute A69.
France 3 : la commission va enquêter jusqu'à l'été. Que lui reste-t-il à faire ?
Jean Terlier : la commission d'enquête est prévue pour un délai de six mois. Le choix qui a été fait de terminer aux alentours du 15 juillet, c'est en raison évidemment des Jeux Olympiques, pour nous permettre d'avoir une visibilité quant aux conclusions qui seront rendues.
Ça va se dérouler en trois temps. C'est ce qui a été décidé d'un commun accord avec la rapporteur sur les auditions. On a au départ une genèse : comment est-ce qu'on est arrivé d'une idée de désenclavement au contrat de concession autoroutière, en passant par la volonté d'avoir une 2X2 voies qui vienne de désenclaver le sud du Tarn.
Ensuite un aspect administratif qui va plus porter sur : est-ce que les aspects environnementaux dans le cadre des différents contrats et documents administratifs ont bien été appréhendés ? Il faudra qu'on soit évidemment très vigilant parce qu'aujourd'hui, vous le savez, il reste encore un contentieux devant le Conseil d'État sur la légalité de l'autorisation administrative.
Il n'appartient pas au Parlement et au pouvoir législatif de se substituer au pouvoir judiciaire, et donc au Conseil d'État, pour apprécier la légalité de tel ou tel acte mais on entendra les personnes. On vérifiera que les actes ont bien été rendus que les procédures ont bien été vérifiées, qu'elles sont bien conformes et qu'elles ont abouti à l'autorisation environnementale.
France 3 : justement que pensez-vous du fait d'ouvrir cette commission parlementaire aux questions environnementales comme le veulent certains députés de l'opposition ?
Jean Terlier : je suis président et je suis en charge de contrôler le fait que l'ensemble des personnes qui sont auditionnées, ont un rapport direct avec l'objet de la commission d'enquête qui est le montage juridique et financier l'autoroute A69.
Il n'aura échappé à personne que dans le cadre du montage juridique, il y a le respect des procédures. Le respect des procédures qui ont abouti avec la déclaration d'utilité publique, à l'autorisation environnementale, à tous les actes. Et donc toutes les personnes qui sont intervenues pour permettre d'aboutir à ces actes administratifs, on les auditionnera pour qu'ils viennent nous dire ce qu'ils en pensent sur le fond (...), mais surtout on doit vérifier que le montage juridique ayant abouti au chantier de l'autoroute A69 a bien été respecté.
France 3 : cette commission ne pourra jamais aboutir à la remise en cause de cette autoroute ?
Jean Terlier : Non et elle n'a pas vocation à le faire. On est dans un Etat de droit et dans un Etat de droit, il y a des documents des actes administratifs qui sont pris, qui font la force probante de cette autoroute : le contrat de concession par exemple, la déclaration d'utilité publique, l'autorisation environnementale également. Elles ne sont pas contestables dans le cadre d'une Commission d'enquête parlementaire mais devant les juridictions administratives.
Donc ce sont les juridictions administratives qui détermineront la légitimité de ce chantier autoroutier dans le cadre de l'appréciation de la légalité de ces différents actes. Nous, nous devons vérifier que les actes, les procédures ont bien été respectées et qu'il n'y a pas de difficultés ce point de vue là.
France 3 : mais est-ce que la création de cette commission n'est pas une tentative de contester cette autoroute ?
Jean Terlier : évidemment, il faudrait être naïf pour penser le contraire. Nous voyons bien que du côté de nos oppositions, cette commission d'enquête a été demandée sur un droit de tirage du groupe écologiste à l'Assemblée nationale. Les différentes associations environnementales, les groupes écologistes mais aussi le groupe la France insoumise utilisent tous les moyens en leur possession pour tenter de remettre en cause la légitimité de ce projet.
Ça, tout le monde le sait. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je me suis porté moi comme candidat pour en être le président. On avait une rapporteur Madame Arrighi qui était profondément opposée au chantier de l'autoroute A69, donc j'estimais, moi, que si on voulait avoir une commission d'enquête équilibrée, il fallait que quelqu'un qui soit favorable au projet puisse se porter à la présidence pour pouvoir équilibrer les prises de parole. Que ce ne soit pas une commission d'enquête qui procéderait à de l'Inquisition mais qu'elle nous permette vraiment d'éclairer le débat sur le respect et la conformité du montage juridique et financier qui a conduit au chantier de l'autoroute A69.
France 3 : Comment avez-vous vécu la saisie du déontologue vis-à-vis de votre femme ?
Jean Terlier : La saisie du déontologue s'est faite à mon initiative. J'ai fait l'objet d'une campagne que j'ai qualifiée de dégueulasse parce que quand ça touche des membres de votre famille, vous êtes évidemment toujours affecté. On me reproche le fait que mon épouse travaillant pour les Laboratoires Pierre Fabre, je puisse être dans un conflit d'intérêts.
Pour tout vous dire, je n'avais pas envie de donner raison à ceux qui colportaient ce type de fausses informations qui sont pour moi de la diffamation mais je voulais aussi dans le même temps qu'on puisse avoir une commission d'enquête qui soit irréprochable sur tous les aspects. Je ne veux pas prêter le flanc à celles et ceux qui vont dire : la commission d'enquête n'a pas pu se tenir correctement, telle personne n'est pas légitime.
Je ne veux pas que des opposants au projet puissent trouver quelque chose pour contester la légitimité de l'autoroute A69 à travers la tenue de cette commission d'enquête. Donc j'ai saisi le déontologue. Il a rendu un avis circonstancié de quatre pages qui établit très clairement que le seul fait que mon épouse travaille pour les laboratoires n'est pas de nature à constituer un quelconque conflit d'intérêts ni à remettre en cause la possibilité pour moi de me présenter à la présidence de la commission d'enquête.
J'avais anticipé ces critiques mais j'avoue que je les ai très mal vécues parce qu'elles viennent de personnes qui ne sont pas tout un chacun, mais qui sont des collègues députés qui connaissent très bien la situation et savent très bien ce que c'est juridiquement un conflit d'intérêts, ou alors s'ils ne savent pas c'est grave. Ils avaient à la lecture des éléments qui est en leur possession, une parfaite analyse du fait que rien dans le fait que mon épouse travaille pour une entreprise qui a effectivement manifesté son soutien à l'autoroute A69, n'était de nature à constituer un conflit d'intérêts (...).
France 3 : justement, est-ce que c'était une bonne décision de votre part de demander à présider cette commission ? Vous vous seriez épargné cette question de votre partialité...
Jean Terlier : je suis le député de la troisième circonscription qui est le premier concerné par la réalisation de ce chantier de l'autoroute A69. Je ne me serais pas désengagé de cette responsabilité surtout, comme je vous l'ai dit, parce que la rapporteur madame Arrighi est profondément opposée et je sais très bien qu'il y a un risque, qui existe toujours, de détournement de cette commission à d'autres fins que celles de l'analyse du montage juridique et financier de l'autoroute A69.
Je dois être vigilant à la place qui est la mienne de vérifier que tout cela est bien conforme puisque le président de la commission d'enquête, il est là aussi également pour convoquer les personnes qui sont auditionnées. Il peut s'opposer à la convocation de telle ou telle personne si il estime qu'elle n'est pas en lien avec l'objet même de la commission d'enquête (...) et c'est la commission qui tranche.
Il faut avoir ces garde-fous dans une commission d'enquête. Ce n'est pas le défouloir de la France insoumise ou du groupe écologiste contre le projet de l'autoroute A69. Ça, je ne le permettrai pas (...)
France 3 : vous n'auriez pas pu en être un simple membre ?
Jean Terlier : pour assurer la fonction de président, il faut avoir la connaissance de ce qu'est l'autoroute A69. J'ai été élu en 2017. Je me suis positionné tout de suite en faveur du projet autoroutier. J'en connais beaucoup des tenants et des aboutissants. J'habitais déjà Castres lorsque des débats ont eu lieu il y a 20 ans. Il était inconcevable pour moi de pas avoir des responsabilités au sein de cette commission d'enquête, surtout compte tenu des risques qui sont bien présents de détournement de l'objet de cette commission par la rapporteur.
Donc je serai la vigie de ce que l'objet de la commission d'enquête sera bien respecté. À la présidence, il faut quelqu'un qui connaisse le dossier et évidemment ça s'imposait à moi compte tenu du fait que je suis encore une fois le député qui est principalement concerné par le projet et par le chantier de l'autoroute A69.