Autoroute A69. Ecologie "d'urgence" contre écologie "à la française", le débat entre Thomas Brail et le député Jean Terlier

La construction de l'autoroute A69 dans le département du Tarn oppose partisans du développement économique et défenseurs de l'environnement. Initié dans les années 1990, ce projet est aujourd'hui au cœur d'une bataille juridique et idéologique. France 3 Tarn a réuni pour en débattre : Thomas Brail du GNSA et Jean Terlier, député du Tarn (Renaissance).

Entre partisans et opposants, la construction de l'autoroute A69 dans le département du Tarn ne cesse de faire polémique. Ce projet remonte aux années 1990 et devait initialement être un élargissement de la route nationale 126 entre Castres (Tarn) et Toulouse (Haute-Garonne). Le coût de l'A69 est estimé à 500 millions d'euros, avec un coût écologique difficilement quantifiable. France 3 Tarn a décidé d'inviter deux figures de cette actualité afin de débattre de ce dossier : le militant et créateur du GNSA (Groupe National de Surveillance des Arbres), Thomas Brail, actuellement en grève de la faim, et le député du Tarn et membre de la majorité présidentielle (Renaissance), Jean Terlier. Débat que vous pouvez regarder en intégralité ci-dessous ou de lire le verbatim complet.

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La construction de l'autoroute A69 dans le département du Tarn oppose partisans du développement économique et défenseurs de l'environnement. Initié dans les années 1990, ce projet est aujourd'hui au cœur d'une bataille juridique et idéologique. France 3 Tarn a réuni pour en débattre : Thomas Brail du GNSA et Jean Terlier, député du Tarn (Renaissance). ©France 3 Tarn - FTV

France 3 Tarn : Jean Terlier, vous avez déclaré que les personnes se mettant dans les arbres sont "des délinquants". Ne pensez-vous pas que ces propos risquent d'envenimer la situation d'un dossier déjà complexe, et pensez-vous que Thomas Brail est un délinquant ?

Jean Terlier :  En disant cela, je pensais que les gens qui s'introduisent sur des propriétés privées sans y avoir été autorisés et qui montent dans des arbres qui ne leur appartiennent pas sont effectivement en infraction vis-à-vis de la loi. J'ai utilisé ce raccourci "délinquants perchés dans les arbres" pour caractériser celles et ceux qui aujourd'hui entendent contester un projet, un projet autoroutier entre Castres et Toulouse, au mépris de décisions administratives qui sont aujourd'hui en vigueur, qui font l'objet de recours devant les juridictions administratives mais qui, en l'état actuel de notre droit, sont dans la légalité. Donc venir contester la légalité d'un projet autoroutier qui a été décidé, vous l'avez rappelé, il y a presque 30 ans, c'est 20 ans de démocratie locale qui se sont exprimés autour de ce projet. Mais je considère aujourd'hui que cette contestation a le droit d'exister. On se connaît, monsieur Thomas Brail et moi, on s'est tous les deux rencontrés à Mazamet, et je considère aujourd'hui qu'il est dans l'illégalité, même si je comprends son combat. Mais j'ai aussi le devoir, en tant que parlementaire, d'être soucieux du respect de la loi, de considérer que lorsqu'on est perché dans un arbre sur une propriété privée sans y avoir été invité, on commet un acte délictueux et donc on est un "délinquant perché dans un arbre."

France 3 Tarn : Thomas Brail, vous sentez-vous vous-même comme un délinquant, ou est-ce que c'est faute d'être entendu que vous vous êtes obligé d'utiliser ce genre de méthode ?

Thomas Brail : Alors, je tiens à rappeler que je suis le fondateur du Groupe National de Surveillance des Arbres. Cette association est reconnue d'intérêt général par le gouvernement. Donc je suis tout à fait dans mon droit. Mais il faut savoir que ce matin, on était au tribunal administratif de Toulouse, justement parce qu'il n'y a pas de dérogation au L350-3 du code de l'environnement, qui est un article de loi qui interdit l'abattage des arbres d'alignement. Et cette dérogation n'est pas incluse dans l'autorisation environnementale. Donc, jusqu'à ce que cela soit jugé, nous sommes en droit de protéger ces arbres qui sont sur le domaine public (Cet entretien a été réalisé vendredi 6 octobre dans la matinée avant la décision du Tribunal administratif de Toulouse rejetant la demande de suspension de l'Autoroute A69.)

France 3 Tarn : Jean Terlier, vous êtes avocat, justement, c'est paradoxal pour vous de construire cette autoroute alors qu'il y a encore des recours qui existent ?

Jean Terlier : J'entends l'argument juridique qui est ainsi présenté par Thomas Brail, et il a le droit de le faire dans un cadre qui est celui aujourd'hui du respect du droit administratif. Une décision administrative, on a parlé des autorisations d'abattage, on a parlé de cette déclaration du type public environnemental, ce sont des documents administratifs qui sont exécutoires. C'est-à-dire que malgré les recours dont ils font l'objet devant les juridictions administratives, ils peuvent être exécutés. Et donc je ne voudrais pas laisser à penser qu'aujourd'hui on abat des arbres dans la parfaite illégalité. Cet abattage d'arbres se fait en fonction de décisions administratives qui sont certes contestées, mais qui aujourd'hui permettent au concessionnaire qui est en charge de l'abattage de ces arbres de le faire, et il le fait dès qu'il en a la possibilité. Donc, je crois qu'il ne faut pas, vous avez parlé d'avocat, inverser la charge de la preuve.  Aujourd'hui, on a un processus démocratique qui s'est exprimé sur le territoire du sud du Tarn, du côté de la région, du côté du département, du côté de l'État, mais aussi du côté du député de la 3ème circonscription, qui s'est présenté face à un candidat de la France Insoumise qui était opposé à ce projet autoroutier, et j'ai remporté les élections législatives en 2022. On a un processus démocratique qui s'est exprimé autour du soutien de cette autoroute entre Toulouse et Castres. Donc je crois qu'il faut aussi du côté des opposants qu'on respecte cela. C'est à travers mon propos et à travers l'utilisation de "délinquants perchés dans les arbres" que j'ai voulu en fait dire : n'inversez pas les choses. C'est-à-dire que nous, nous avons été respectueux de ces procédures, nous avons attendu cette autoroute, respectueux de ces décisions qui ont été prises parfois dans la douleur. Souvenez-vous, post-Covid, ça a été compliqué de relancer les choses. Nous avons obtenu la déclaration d'unité publique signée par Elisabeth Borne, le financement du projet par l'État, qui était très attendu, a été fait en 2019. Ce sont des décisions récentes qui, je crois, engagent et doivent être respectées.

France 3 Tarn : Thomas Brail, justement, vous habitez, vous, sur ce territoire, vous habitez à côté de Mazamet, donc pas loin du futur tracé de l'autoroute. Qu'est-ce qui vous a fait vous opposer à ce projet ? Qu'est-ce que vous dénoncez à travers lui ?

Thomas Brail : On parle aujourd'hui de projet d'utilité publique. L'utilité publique, est-ce qu'elle n'est pas plutôt de prendre un peu soin de ce qui reste à préserver ? Est-ce qu'elle n'est pas plutôt de prendre soin des terres agricoles qui vont pouvoir nourrir nos enfants demain ? On connaît la problématique en Ukraine, qui est quand même le grenier un peu de l'Europe, avec la Russie. On a artificialisé l'équivalent d'un département tous les dix ans. Donc, c'est toutes ces questions-là que je pose. Et puis quand vous parlez de démocratie, moi, je veux bien, mais on a eu une réunion avec Mme Delga qui nous a dit qu'il y a 2000 élus qui sont pour ce projet. On attend de voir désormais qui sont ces élus. Nous, en tout cas, ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'aujourd'hui, on en avait 150 la semaine dernière, on en est à 200 aujourd'hui. Nous avons 6 députés du Tarn et de la Haute-Garonne qui sont contre. Nous avons 1500 scientifiques qui ont signé une tribune. Nous avons l'opinion publique qui est complètement avec nous et qui nous soutient. Je ne sais pas quoi dire d'autre. Est-ce qu'un projet qui date d'il y a 30 ans est à l'ordre du jour ? Les températures caniculaires du mois d'octobre, est-ce qu'elles ne nous ramènent pas un peu à une réalité ? De se dire qu'il fait 30 degrés au mois d'octobre. Enfin, je ne sais pas, moi, tous ces signaux d'alerte, je pense qu'aujourd'hui, il va falloir un peu remettre au goût du jour."

France 3 Tarn : Jean Terlier, comme nous tous, vous avez entendu ce que dit le GIEC sur le réchauffement climatique, sur l'urgence climatique. Ce projet a été décidé dans les années 90, à une époque où on n'avait pas forcément conscience de tout cela et où ce n'était pas aussi mis en exergue. Vous ne dites pas que ce projet est celui d'une autre époque, d'un autre temps ?

Jean Terlier : Non, je ne le dis absolument pas. Alors effectivement, il y a un projet qui a été décidé, j'allais dire, par une population, il y a une trentaine d'années. Mais je vous rappelle quand même que les déclarations d'utilités publiques datent de 2018. Donc on est sur un projet qui s'est basé sur des éléments qui sont, pour le coup, très récents. Vous savez, moi, je n'aime pas qu'on oppose écologie et développement économique. Je crois qu'on peut avoir une autoroute, et c'est justement en ce sens-là que le concessionnaire a été choisi, qui est aussi respectueuse de l'environnement. Le concessionnaire a été choisi parce qu'il était le mieux disant du point de vue des compensations environnementales, sur le fait de planter six ou sept fois plus d'arbres, sur le fait de conserver deux fois plus de zones humides que ce qu'il y avait, sur le fait qu'encore une fois, et à la demande de l'association de M. Thomas Brail, on cherchait à réduire au maximum l'impact environnemental. Mais il faut aussi considérer qu'on est sur un territoire qui est enclavé, j'aimerais bien qu'on le rappelle, qui souffre d'un déficit de population, qui est un peu plus que les autres territoires en France peut-être en souffrance par sa part à la désertification médicale, et qui a besoin qu'on ait une sécurisation de l'axe entre Toulouse et Castres. Moi, vous savez, je discute avec les habitants de ce territoire, notamment les pompiers, les pompiers qui vont prendre en charge des patients au centre hospitalier de Castres-Mazamet. Et quand ils les prennent en charge pour aller à l'hôpital de Purpan, ils vous disent "15 minutes sur une route sécurisée, ça permet de sauver des vies". C'est le service public aussi qui fait aujourd'hui défaut, c'est l'attractivité de ce territoire qui a besoin d'être redimensionné à travers ce projet autoroutier. Donc on voit qu'il y a des considérations écologiques et elles sont tout à fait légitimes, mais encore une fois, ne pas oublier qu'il y a des habitants, des personnes qui vivent sur ce territoire, et qu'on peut concilier cela avec un développement économique.

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France 3 Tarn : Justement, est-ce que les 500 millions d'euros de l'autoroute ne seraient pas plus utiles pour développer les services publics à Castres ?

Jean Terlier : Je vous ai parlé des services publics, mais je vous ai aussi parlé de l'attractivité, et j'ai mentionné la sécurisation de cet axe entre Toulouse et Castres. C'est un ensemble de choses qui contribueront à faire en sorte que demain, ce territoire sera moins enclavé et souffrira moins de l'attractivité. Vous savez, je prends un exemple aussi. Je vous avais dit la dernière fois que j'étais avocat. Vous avez 100 avocats qui sont inscrits au barreau d'Albi, pardon. Pour un même volume de dossiers, seulement 50 avocats sont inscrits au barreau de Castres. On voit bien qu'il y a un défaut d'attractivité de ce territoire à toutes les échelles. Je crois et je suis persuadé que cette autoroute permettra justement de pallier ce défaut d'attractivité.

France 3 Tarn : Thomas Brail, vous entendez les arguments du député ?

Thomas Brail  : Quand j'entends dire que les villes comme Mazamet suintent la misère, ça m'attriste.  Et je trouve que c'est très dégradant pour les personnes qui vivent là-bas. Moi, j'ai une entreprise, je suis patron. On croit que je ne fais que rester perché dans les arbres. J'ai une entreprise qui fonctionne. Ce que je veux dire, c'est qu'on ne construit pas une autoroute pour 1 000 véhicules par jour. Il n'y a pas du tout de fréquentation sur cette nationale. Pour avoir vécu dans un arbre à Vendine avant qu'on les abatte et avoir filmé pendant 2 heures le matin, je peux vous assurer qu'il n'y a pas de fréquentation. On construit une autoroute pour 24 000 véhicules par jour, et une autoroute est saturée à 60 000 véhicules par jour. C'est un problème social. On dit que c'est une injustice sociale par rapport au fait qu'on n'ait pas d'autoroute. Est-ce que l'injustice sociale, aujourd'hui, ce n'est pas 17 € ? Qui va pouvoir se permettre cela ? Pensez-vous que ce sont les personnes qui ont le moins de moyens qui pourront débourser 17 € pour un aller-retour sur une autoroute ? De plus, l'enquête publique environnementale a donné 90 % d'avis défavorables. Il y a eu également une étude réalisée par le cabinet de sondage Odoxa, sur 600 personnes, où on les a appelées pour recueillir leur avis. Le sondage de l'enquête publique environnementale, c'est 6 200 avis. Il y a donc un gros écart entre les deux. Ensuite, le Comité national de la protection de la nature a donné un avis défavorable, de même que l'autorité environnementale. De plus, la commission à l'investissement a estimé que cette autoroute serait déficitaire. Malgré tout cela, on continue à s'engouffrer dans ce projet. Mais qui va payer cette autoroute lorsqu'elle sera déficitaire ? Ce sera nous. Et nous allons perdre. Les deux voies qui ont été payées par le contribuable, à hauteur de 75 millions d'euros il y a 10 ou 15 ans, seront perdues. Donc nous devrons emprunter à nouveau les petites routes avec leurs 12 ronds-points. Voilà, c'est cette aberration que nous dénonçons aujourd'hui.

Jean Terlier : On peut entrer dans une bataille de chiffres. Je vous dirais que si l'on prend en compte les aménagements qui ont été réalisés sur les deux voies, ils ont été intégrés dans le coût global du projet. Ils ne sont donc pas perdus. Si nous avions dû les construire, cela aurait encore augmenté le coût du projet. J'entends les arguments de l'enquête publique environnementale. Il y a des commissaires enquêteurs indépendants qui ont pris en considération un certain nombre d'avis, mais aussi des données techniques, et qui ont validé ce projet du point de vue de sa déclaration publique environnementale. On m'oppose également des chiffres en me disant qu'il y a un sondage indiquant que 75 % des Tarnais interrogés sont favorables à cette autoroute. D'un autre côté, on me dit que 6 200 personnes ont exprimé leur opposition à ce projet dans le cadre de l'enquête publique environnementale. Je vous invite à examiner qui sont ces personnes. Beaucoup d'entre elles habitent à Paris et ont déposé des commentaires similaires, des copiers-collés très bien organisés. Il faut également considérer d'où émanent ces opinions. Pour ma part, lorsque nous faisons intervenir des personnalités comme Mme Rousseau ou M. Coquerel, nous avons affaire à des individus qui n'ont jamais mis les pieds sur ce territoire. Leur vision de l'écologie est peut-être très parisienne. Il est vrai que pour aller travailler dans le Tarn, nous sommes obligés d'utiliser nos voitures. Nous n'avons pas de tramway ni de métro. Notre réseau de bus peut parfois être défaillant. Nous avons donc besoin de nos voitures. C'est vrai que du point de vue de ces territoires très parisiens – et je n'aime pas faire d'opposition entre Paris et la province, mais sur ce dossier en particulier –, lorsque nous avons observé la mobilisation de la manifestation contre l'autoroute, 90 % des participants venaient de l'extérieur du département du Tarn.

France 3 Tarn : Justement, on va parler de fréquentation de l'autoroute. On part sur 8000 voitures jour. Si on n'est pas aux 8000 voitures jour, qu'est-ce qui se passe ? Qui paie Atosca ?

Jean Terlier : Je ne suis pas dans la confidence des modalités du contrat de concession entre l'Etat, le département et le concessionnaire. Moi, ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui, on a une prévisibilité de fréquentation qui est un élément qui est soumis, d'ailleurs, dans le cadre de la contestation à la déclaration de l'utilité publique. Donc, elle sera appréciée par les magistrats. On a parlé d'un prix du péage, et là, moi, je vous rejoins. Je crois qu'aujourd'hui, on a besoin, les uns et les autres, d'avoir une réflexion sur le prix du péage. Les collectivités territoriales qui sont au financement, et l'État, d'ailleurs, qui sont au financement de l'autoroute, ont payé à peu près dix fois moins que ce qu'ils auraient dû payer initialement dans le cadre de ce qui était envisagé sur le financement à part égale avec le concessionnaire.

Thomas Brail : Donc, vous convenez que cette autoroute est trop chère ?

Jean Terlier : Alors, ce n'est pas ce que je suis en train de dire.

Thomas Brail : Vous ne l'avez pas formulé, en fait.

Jean Terlier : Non, je ne l'ai pas formulé. Je suis en train de vous dire qu'on doit avoir un effort à faire sur le prix du péage, qui ne correspond pas du tout au prix que vous avez évoqué, parce que vous savez très bien que si on est sur un phénomène d'abonnement avec un véhicule électrique, on arrivera à des prix qui sont bien moindres que ceux que vous avez évoqués. Mais ce que je veux vous dire à travers l'expression que j'ai, c'est qu'on doit pouvoir au moins s'entendre si vous considérez que le prix du péage est quelque chose qui peut être en évolution. Pourquoi pas ? Je crois que la présidente Carole Delga, dans le cadre de la réunion qu'elle a eue avec vous, a pris l'engagement, notamment, que cette question du prix du péage soit discutée. J'ai envie de dire "Banco !". Mettons-nous autour de la table avec l'État, le département, la communauté d'agglomération pour voir si on peut pas faire un effort sur ce sujet-là.

Thomas Brail : est-ce que vous ne pensez pas qu'on met la charrue avant les bœufs ? Il ne faudrait pas d'abord qu'il n'y aurait peut-être pas eu une aussi grosse pression de la part du peuple si les choses avaient été bien faites dès le début. Là, en fait, on dit maintenant qu'il faut revoir le prix. C'est pas logique, en fait.

Jean Terlier Oui, mais une charrue avant les bœufs pour des gens qui habitent un territoire et qui attendent cette infrastructure autoroutière depuis plus de 30 ans, je pense qu'ils ont vraiment du mal à vous entendre. Il y a une urgence à réaliser ce désenclavement du sud du Tarn. Il y a vraiment une urgence.

Thomas Brail : On parle d'économie, on parle de problèmes sociaux, du portefeuille, on parle du modèle... et là, vous annoncez là, qu'en fait, 17 €, on peut essayer de le revoir. En fait, ça ne fonctionne pas. Il y a quelque chose qui ne va pas.

Jean Terlier : C'est l'engagement qui a été pris par Carole Delga. Au moins qu'on puisse avoir une discussion sur le fait de revoir ce péage à la baisse.

France 3 Tarn : Et vous, Jean Terlier, c'est une parole que vous allez porter ?

Jean Terlier : Moi, je l'ai déjà exprimé à plusieurs reprises en considérant qu'il fallait qu'on ait dans les prochains enjeux électoraux, notamment. Vous savez qu'il y a d'ici à quelques mois des élections, que ce soit municipale, départementale ou même régionale. Et je crois que le financement de ce coût du péage pour, au fond, faire quelque chose qui serait une justice au sein du département du Tarn. C'est-à-dire qu'on aurait un équilibre. Moi, je suis très défenseur, évidemment, du sud du Tarn par rapport au nord du Tarn, qui, elle, évidemment, bénéficie, le nord du Tarn, d'une autoroute qui serait, en termes de coût de péage, bien moins chère.

France 3 Tarn : Mais justement, pourquoi ne pas avoir défendu ce projet d'une autoroute quasi gratuite ? Parce que, du coup, il n'y a pas d'équité entre les deux territoires. Une autoroute à 1,70 € pour aller à Toulouse versus une autoroute à 17 €.

Jean Terlier : Comme je vous ai dit, au moment où ça a été décidé il y a 30 ans, ce n'est ni Thomas Brail ni moi-même qui avons décidé de réaliser ce projet.

France 3 Tarn : Oui, mais en 2018, quand ce projet a accéléré, vous étiez déjà député.

Jean Terlier : Oui, j'étais déjà député. Mais, encore une fois, sur la base d'éléments et d'un contrat de concession, évidemment, moi, je n'étais pas à la manœuvre et en discussion. Ça, c'était l'accord entre l'État et les collectivités territoriales et le concessionnaire qui allait être choisi. Moi, je pense qu'il faut aujourd'hui qu'on se pose la question. Mais il ne faut pas qu'on patiente. Il ne faut pas que nous ayons ce moratoire. Parce qu'en fait, celles et ceux, au fond, qui veulent ce moratoire et la suspension de ces travaux, veulent en fait que rien ne se fasse sur le sud du Tarn. On a, évidemment, l'économie, les entreprises, les agriculteurs, et puis le quotidien de ces habitants-là. La circulation sur les routes départementales, on le sait, pose de très nombreux problèmes.

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France 3 Tarn : Justement, Thomas Brail, vous dites quoi à cela ? Et vous dites quoi quand à Atosca, ils disent qu'ils vont replanter 5 fois plus d'arbres ?

Thomas Brail : Écoutez, déjà, moi ça me fait bien rigoler, parce qu' avant de savoir combien nous allons replanter 5 fois plus d'arbres, il faudrait qu'on sache combien on va en couper. Personne sait. Donc ça, déjà, c'est réglé.

France 3 Tarn : Vous avez le chiffre, monsieur le député ?

Jean Terlier : Je n'ai pas le chiffre précis, mais je sais aujourd'hui qu'il y a un peu plus de 80% de tous les arbres qui ont été visés.

Thomas Brail : 80%, c'est pas un chiffre, monsieur le député.

Jean Terlier : Je ne tiens pas ennnote le chiffre du nombre d'arbres qui ont été coupés. En tout cas, je sais qu' en termes de comptage, le concessionnaire est tout à fait à même de vous produire les chiffres.

Thomas Brail : ce projet alternatif où vous affirmez qu'il coupera plus d'arbres, est-ce que, comme c'est une seule seconde, depuis 4 ans que je me bats et où j'ai créé une association pour la défense des arbres, est-ce que vous pensez que je cautionnerai un projet qui va couper plus d'arbres ? Là, vous parlez du projet et en plus de ça, c'est totalement faux. Vous parlez du projet, à la limite, où on aurait pu réaménager la nationale. Mais même en aménageant la nationale, il était hors de question de couper des arbres. Et le projet alternatif qui est proposé par Karim, d'accord, puisque cette nationale n'est pas saturée, vu qu'il y a des terres qui ont été préemptées pour cette autoroute, là, on vous propose un projet qui est totalement novateur et qui serait le premier... Je termine, s'il vous plaît, parce que sinon...Voilà, et du coup, ça pourrait être un projet novateur qui serait une première en Europe et vous pourriez avoir la chance, vous, en tant que représentant et député du Tarn, de porter ce projet et ça pourrait être quelque chose qui pourrait faire boule de neige un petit peu partout. Franchement, ce projet-là, il est juste exceptionnel. Alors, tout le monde dit, oui, mais les vélos, personne ne va travailler en vélo, mais attendez, on n'oublie pas la nationale. Moi, je vous dis, la nationale n'est pas saturée, on l'emprunte, mais en parallèle, puisque tout a été dégradé et commence à être dégradé, qu'on a coupé des constructions où déjà on habitait et où on a mis plus de centaines d'agriculteurs sur le carreau, eh bien, il faudrait peut-être essayer de récupérer ces terres-là pour en faire quelque chose d'autre. Et le projet qui a été fait par ce jeune architecte qui a travaillé six mois bénévolement dessus, je peux vous assurer qu'il a une grande portée, une grande écoute auprès de l'opinion publique et auprès de nos politiques aussi qui soutiennent, enfin, qui ne soutiennent pas l'A69. Donc, je vous invite à le relire, à revoir, mais comme je dis, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

Jean Terlier : Je ne suis pas certain de vouloir changer d'avis par rapport à ce projet.  Moi, des éléments dont je dispose, ce contre-projet est cinq fois plus consommateur en termes de coupe d'arbres. Cinq fois plus. Donc, moi, je veux bien qu'on nous dise qu'il y a des solutions alternatives, mais il y a des solutions alternatives qui sont aussi très préjudiciables pour l'environnement. Mais, encore une fois, on est sur un projet, je m'excuse de vous le dire, si jamais il était abandonné, qu'il serait un reniement pour la démocratie, pour vingt années de démocratie.

France 3 Tarn : Mais justement, le ministre a dit qu'il y avait d'autres projets qui allaient être annulés, d'autres projets qui allaient être réaménagés. Sauf, jusqu'à présent, l'A69, même s' il s'est engagé à essayer de limiter a priori l'impact environnemental dans certaines parties. Ce serait pas bien de revoir tous les projets et de réfléchir à plat en attendant la fin des recours ?

Jean Terlier : Je m'excuse, ça fait vingt ans qu'on patiente, vingt ans que du personnel politique local est élu sur la base de la réalisation de ce projet. Au niveau départemental, au niveau régional, au niveau de l'État, on a obtenu toutes les autorisations administratives. Au moment où on nous a opposé ce contre-projet, les travaux avaient déjà commencé dans le cadre d'une autorisation administrative qui avait été donnée. On a un travail, un projet, qui est ficelé, qui est terminé d'un point de vue de l'ensemble des autorisations administratives. On est dans un État de droit. On est en France aujourd'hui dans un État de droit. Qui je serais, moi, pour venir remettre en cause l'ensemble de décisions qui sont aujourd'hui, nonobstant les recours qu'il y a, des décisions qui font force de loi ? Et donc, on n'abandonne pas et on ne remet pas en cause un projet qui a vingt ans, qui a toutes les autorisations administratives, sur une simple décision sous prétexte que, d'un point de vue louable, on dit, posons-nous la question pour les projets à venir, de savoir quel est leur impact environnemental. Evidemment. Mais ceux qui sont aboutis, comme l'est aujourd'hui l'autoroute A69, avec des travaux qui sont en cours avec des autorisations administratives qui sont effectives, évidemment qu'on ne peut pas mettre sur la même position que ceux en gestation.

France 3 Tarn : Et là-dessus, vous avez toutes les garanties de l'État ? Que le projet ira jusqu'à son terme ?

Jean Terlier : On a eu 2017. J'ai fait venir d'abord la ministre des Transports, Elisabeth Borne, qui avait déclaré que ce projet était d'utilité publique. Nous étions en 2018. C'est ensuite Jean Castex qui est venu à mon invitation et a annoncé le nom du concessionnaire. Emmanuel Macron, le Président de la République, lui-même, dans l'entre-deux-tours des élections législatives, est venu rappeler que le projet de l'autoroute A69 était un projet d'intérêt public. Donc, j'ai eu, on a eu l'assurance, les assurances aussi également du nouveau ministre des Transports, Clément Beaune, qui a été très ferme sur le fait de dire que ce projet se poursuivrait et qu'il n'y aurait ni moratoire, ni suspension des travaux dans le respect d'un État de droit qui est celui de ce que les opposants ont le droit de s'opposer, les opposants ont le droit de faire valoir leurs arguments devant les juridictions administratives pour que, in fine, le juge et la justice française déterminent la validité, la légalité définitive de ce projet. Mais dans l'attente, encore une fois, on a un projet qui est, d'un point de vue des décisions politiques, qu'elles soient locales ou au niveau national, ne fait aucune ambiguïté sur le fait qu'on ira jusqu'au bout.

France 3 Tarn : Thomas Brail, justement, que répondez-vous face à cela ?

Thomas Brail : Moi, je suis toujours en contact avec le ministre, monsieur Beaune, on change tous les deux. J'aspire à ce qu'il y ait des choses qui changent en tout cas, voilà. On va passer à tout autre chose, mais je pense que vous avez des enfants, monsieur Terlier, comme moi, moi j'ai un petit garçon de 6 ans, moi je me bats pour lui en fait. Je me bats parce que vous parlez du modèle économique, mais si la planète va mal, il n'y aura plus de modèle économique. Et là, une fois de plus, et je permets de finir, parce que vous parlez beaucoup, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. 

France 3 Tarn : Quels sont aujourd'hui vos recours, vos modes d'action dans les semaines qui viennent ? Parce que vous allez, j'imagine que la mobilisation pour vous ne va pas cesser à l'issue du débat ?

Thomas Brail : J'ai clairement annoncé à monsieur Beaune qu'on ne sera plus maître de ce qui va se passer le 20 et 21 octobre. On ne sera plus maître de ça. On a essayé d'alerter dans la bienveillance, dans la pédagogie. Là, il y a des choses qui sont en train de se passer. On va très certainement revivre un Sainte Soline et on ne pourra plus rien faire. Moi, j'ai alerté tout le monde là-dessus. Je suis désolé. Ça frémit de partout. On est en contact avec tout. Bien entendu, ce sont ces associations qui sont contre ces projets-là parce qu'ils sont destructeurs. Parce que si on ne fait rien dans 20 ans, on va tous rouler dans le mur. Alors moi, je ne cautionne pas la violence auprès de mon association. Ce n'est pas le but. Je peux vous assurer qu'il y en a qui ne vont pas reculer. Et là, tout le monde est prévenu.

France 3 Tarn : Jean Terlier, quelle est votre réaction face à ces déclarations ?

Jean Terlier : Je réponds à deux choses. D'abord, parce qu'on a évoqué le fait que, monsieur Thomas Brail, il y a un enfant de 6 ans et moi, j'en ai également un de 17 ans et un de 14 ans. Et je me bats aussi pour leur futur.

Thomas Brail : Je n'ai pas l'impression Monsieur le Député.

Jean Terlier. Je ne vous permets pas de juger du fait que je me bats pour que mes enfants puissent habiter sur leur territoire, continuer à habiter dans le sud du Tarn et un emploi et accès à des services publics.  Vous avez effectivement ces jeunes qui préfèrent quitter leur territoire plutôt que d'y rester faute d'avenir professionnel. C'est pour ça que je me bats. Après moi, sur ce que j'ai entendu, je ne suis évidemment pas rassuré. Vous l'avez compris. On reçoit M. Thomas Brail et ses amis du côté des ministères. On leur propose à l'amiable de venir discuter. On rentre dans quelque chose qui est, me semble-t-il, constructif. Il y a eu des avancées. On entend qu'au bout du compte, comme on n'a pas eu ce qu'on veut, on va rentrer dans une discussion qui n'est plus une discussion mais qui est sinon des agissements très violents. Moi, je voulais dire aujourd'hui que je trouve que ces positions-là, elles sont déplorables. On va voir encore une fois arriver des gens qui ne sont pas très éloignés des préoccupations des Tarnaises et des Tarnais et qui vont se livrer à des phénomènes de violence. Alors qu'encore une fois, les juridictions sont saisies. Moi, j'en appelle au respect de l'état de droit, au respect des décisions administratives.

Thomas Brail : ce que l'on fait depuis le début. Et je n'appelle pas à la violence.

Jean Terlier : Dites alors à vos amis qu'ils viennent dans le cadre de la bienveillance. Ils ont parfaitement le droit de manifester. Mais qu'ils le fassent encore une fois dans un cadre légal. Le Tarn, vous savez, a subi les épisodes de violences à Sivens. Ça a laissé des traces. Je ne voudrais sûrement pas, et j'espère que vous en faites le porte-parole, que les choses aussi dégénèrent comme dans le passé par une minorité.

Thomas Brail : Je n'en suis pas responsable, Monsieur le député.

Jean Terlier : Vous portez à travers votre message indirectement des choses qui appellent à la phase de la violence.

Thomas Brail : Non, pas du tout. Je tiens à préciser que j'ai travaillé pendant un an et demi avec le ministère de la Transition écologique. Donc je ne suis pas un inconnu des services de l'État.

France 3 Tarn : Je vais vous proposer de finir en vous posant l'un à l'autre une question.

Jean Terlier. Non je n'ai pas vraiment de question, mais je voudrais dire à Thomas Brail que je suis ravi de voir qu'après 35 jours de grève, de la faim, il se porte plutôt bien et je m'en réjouis. Je voulais déjà commencer évidemment par cela.

Thomas Brail : Je sens une petite pique.

Jean Terlier : Non, non, absolument pas. C'était sincère. Je voudrais dire également que je considère que votre combat est un combat qui est légitime. Je le considère et j'aimerais, si vous voulez, qu'il continue à être exercé de la manière dont vous le faites encore aujourd'hui, dans le calme, dans la bienveillance et dans le cadre du respect de l'Etat de droit. J'ai moi aussi des craintes sur cette manifestation du 21 et du 22 octobre. Et j'aimerais que des gens, et je sais que vous l'êtes, raisonnables, responsables, aient un discours qui soit très clair sur les appels au calme dans le cadre des manifestations. Ces manifestants ont tout à fait le droit de s'exprimer, mais effectivement dans un cadre légal pour ne pas que nous ayons des débordements comme à Sainte-Soline. Si j'avais une remarque ou un souhait c'est que vous parliez à vos amis dans le cadre de cette contestation au projet de l'A69, pour que les choses se passent dans un cadre qui soit apaisé.

Thomas Brail : Alors, j'entends bien ce que vous me dites, Monsieur le député, mais je ne peux pas me faire le porte-parole pour les citoyens. Ça, c'est votre devoir à vous, en tant qu'élu de la République.

Jean Terlier : Vous êtes une icône, vous représentez quelque chose.

Thomas Brail : De mon côté, je réitère ma remarque de tout à l'heure. Si Monsieur le député a des enfants, il faut qu'il réfléchisse aujourd'hui à quel avenir il veut pour eux. Surtoutprenez bien en considération que vos enfants, très certainement si vous faites les mauvais choix aujourd'hui, vous jugeront demain.

Jean Terlier : Écoutez, vous savez, moi, mes choix sont portés par l'avenir de mes enfants. Je souhaite qu'ils vivent dans un territoire où ils puissent travailler. C'est ce à quoi je m'emploie. Ce territoire a besoin d'être soutenu. On a besoin d'avoir un développement économique autour de ce projet autoroutier. Il y a des gens, encore une fois, qui y vivent et qui ont appelé massivement à ce que ce projet aille jusqu'au bout. Respectez l'Etat de droit dans lequel nous sommes. Moi, je respecte la personne que vous êtes, les combats que vous menez, dans un cadre légal. J'aimerais qu'on puisse sur ce dossier-là continuer à se parler. Il y a eu des ouvertures qui ont été faites par la présidente de région, Carole Delga, et le ministre Clément Beaune. Nous sommes favorables à ces concerations, mais il ne faut pas qu'nous soyons débordés par celles et ceux qui n'ont pas d'autre ambition que de venir casser et abîmer le sud du Tarn. Je sais que vous y êtes très attachés, et donc j'aimerais aussi qu'à travers votre belle prise de position, on puisse avoir ces appels au calme lors des prochaines manifestations.

Thomas Brail : Vous avez eu mes prises de position, Monsieur le député. Maintenant, ils attendent le vôtre, je pense.

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