TEMOIGNAGE. "On se dit qu'on a pris perpète", deux ans après le suicide de son fils, la lente reconstruction d'une mère

A l'occasion de la Journée mondiale de la prévention du suicide, ce dimanche 10 septembre, Christelle Rouchon organise au nom de son association une "marche des étoiles" à Duilhac-sous-Peyrepertuse, dans l'Aude. Son fils Dimitri y a mis fin à ses jours en 2021. Elle témoigne.

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Elle pense à lui tous les matins en se réveillant depuis deux ans, avec l'impression de replonger dans un cauchemar dont elle ne sortira jamais. Ce cauchemar a commencé le 17 février 2021, le jour où son fils Dimitri s'est jeté du haut du château de Duilhac-sous-peyrepertuse, dans l'Aude, alors qu'il n'avait que 16 ans. Christelle Rouchon n'a rien vu venir. "C'est une douleur inimaginable, comme si tous vos os vous faisaient mal d'un coup, et contre laquelle vous ne pouvez rien faire." Puis viennent des sentiments de colère intense, et de culpabilité immense, d'un parent qui n'a pas su voir que son enfant souffrait.

Pas de lettre, ni d'explications. Christelle et son mari ont découvert plus tard que Dimitri souffrait d'hypersensibilté. "Tout était décuplé chez Dimitri, ses sentiments, ses sens, et il prenait beaucoup plus à cœur les souffrances des autres. L’hypersensibilité peut faire basculer dans la dépression." Une déception amoureuse ou des moqueries de certains camarades ont pu pousser Dimitri à en finir. Mais Christelle en est aujourd'hui convaincue, "c'est un ensemble de choses mises bout à bout qui ont entraîné son geste. Dimitri a encaissé des douleurs toute sa vie sans jamais en parler à personne."

Réapprendre à vivre

"Au début, tout a éclaté." La vie de Christelle, de son mari, et de leur fille Coralie, jumelle de Dimitri, n'a plus jamais été la même. "Ma fille s'est mis la pression, se pensant fautive elle aussi." Et il a fallu vivre son deuil, différemment. Christelle a tout de suite eu besoin de parler, de s'ouvrir aux autres, à la différence de son mari. "Mais nous nous sommes tous les trois soutenus et respectés. Aujoud'hui, nous sommes une famille très soudée."

Mais ce deuil est long, et douloureux. "Au début, on se dit qu'on a pris pérpet', puis on accepte qu'une deuxième vie commence pour nous". Chaque jour, depuis le suicide de Dimitri est une première fois, et chaque geste un déchirement. "Il a fallu tout réapprendre à faire, mais sans lui. Chaque repas, chaque sortie. Tout notre quotidien a disparu."  Comble du chagrin, l'anniversaire de leur fille Coralie, née le même jour que Dimitri, sonne désormais comme un crève-cœur.

Thérapie par la marche

Christelle Rouchon s'est d'abord tournée vers des associations, avant de commencer des thérapies avec des professionnels. C'est pourtant tout autre chose qui a sauvé le couple endeuillé. Christelle et son mari ont découvert la marche : "Depuis un an, c'est vraiment notre ressource pour aller mieux."

Thérapie naturelle s'il en est, la randonnée est une fidèle allégorie des montées et des descentes que traverse le couple depuis deux ans. "La marche est symbolique, d'une certaine façon on réapprend à marcher, donc à repartir de zéro. Ça nous apaise."

L'année dernière, Christelle et son mari ont traversé le GR10 en 27 jours. Une prouesse réitérée sur le GR5 en juin dernier. Ce samedi 9 septembre au soir, le couple organise sa deuxième "fête des étoiles". Une marche à 19 heures de 6,5 kilomètres, et un trail à 21h15 de 7 kilomètres au départ de Duilhac-sous-Peyrepertuse. Cette course est ouverte à tous, les 8 euros demandés pour la participation iront à l'association du couple. 

L'espoir

Christelle et son mari ont créé l'année dernière "Au cœur de notre sensibilité". L'association a pour but d'aider et d'accompagner les enfants et adolescents hypersensibles. "Je veux recevoir ces parents et ces enfants pour les aider, je ne veux pas qu'ils restent dans le silence et qu'ils aient honte, comme l'a fait Dimitri."

Aider les personnes, une "mission" que s'est donnée la mère de famille, son association en est la consécration. Car si elle n'a jamais retravaillé depuis le drame, Christelle ne s'est pas arrêtée d'aller de l'avant : "Honnêtement je ne sais pas où j'ai trouvé toute cette énergie."

Christelle mène aujourd'hui une formation pour animer des groupes de parole, et une autre pour devenir sophrologue. "Je veux vraiment faire passer un message d'espoir, par tout ce que je fais depuis deux ans. Il y a beaucoup de choses à faire changer autour de l'hypersensibilité. "

Ce soir là, Christelle et son mari iront là où ils se sentent le mieux, sur les sentiers. Là où le couple s'évade et se reconstruit doucement. Ils marcheront cette fois sous les étoiles, perdues dans un ciel ou Christelle espère, un jour, revoir son fils. 

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