Un plan d'aide sectoriel dédié à la viticulture a été annoncé lundi soir. Il prévoit entre autres des exonérations de charges sociales et l'ouverture d'une distillation de crise. Une première étape qui satisfait l'audois Jean-Marie Fabre, représentant national des vignerons indépendants.
La crise sanitaire liée au coronavirus touche de plein fouet le secteur de la viticulture. Nombre de viticulteurs et de vignerons ont vu leur chiffre d'affaire fondre comme neige au soleil depuis la fermeture administrative de la restauration le 15 mars 2020 et l'arrêt des marchés à l’exportation.
Selon Jean-Marie Fabre, président du syndicat des vignerons indépendants, il était grand temps que le gouvernement réagisse :
80 % des indépendants ont déjà perdu en moyenne 72% de leur chiffre d'affaire !
Après avoir annulé à la dernière minute la réunion prévue la semaine dernière, elle a finalement eu lieu par visio-conférence lundi 11 mai en fin de journée, avec trois ministres et les principaux acteurs de la filière vitivinicole française, dont les caves coopératives.
85 000 entreprises concernées en France
A son issue, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, et Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, ont annoncé trois mesures de soutien exceptionnelles et spécifiques au secteur :
- des exonérations de cotisations sociales pour les TPE et PME les plus en difficulté ;
- un dispositif de distillation de crise à hauteur de 140 millions d’euros ;
- une relance de notre demande d’un fonds de compensation au niveau européen.
85 000 entreprises telles que exploitations vitivinicoles, caves coopératives et négociants vinificateurs sont concernées partout en France par ce plan sectoriel, le second, après celui annoncé pour le secteur culturel.
Des exonérations bienvenues
Ce nouveau plan d'aide spécifique va plus loin que celui annoncé pour les entreprises en général (fonds de solidarité, prêt garanti par l’Etat, report de cotisations sociales et d’impôts, chômage partiel) car il prévoit des exonérations à 100% des cotisations sociales et charges sociales patronales pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) en difficulté.
Je salue la mise en place de ce plan sectoriel même si le compte n'y est pas encore.
Car pour Jean-Marie Fabre, vigneron à Fitou dans l'Aude et président national des vignerons indépendants qui a participé à cette réunion au sommet, "les volumes financiers débloqués restent insuffisants pour être efficaces".
Les exonérations de cotisations sociales annoncées sont estimées à 100 millions d'euros alors qu'il en faudrait quatre fois plus : c'est aussi l'avis de la confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB) qui par exemple réclamait 400 millions.
Éviter de vider sa trésorerie
En attendant, cette première salve de mesures va faire du bien aux finances des petits domaines comme celui de Gilles et Séverine Contrepois, dans les Corbières.
Pionnier du vin naturel depuis 25 ans dans l'Aude, ce couple de vignerons indépendants produit en moyenne 15 000 bouteilles par an. Une petite production haut de gamme vendue jusqu'à présent sur place, aux cavistes, aux restaurants et à l'étranger.
Nous avions des commandes importantes vers les USA, le Danemark et l'Allemagne, tout est à l'arrêt ! L'export, c'est 40% de nos ventes.
Les restaurants et les cavistes représentent 30 % du chiffre d'affaire du domaine qui a fait un plongeon de 70%.
"Nous sommes en mode survie, on commence à piocher dans nos deniers personnels, alors cette exonération de charges est vraiment une bonne nouvelle, elle devrait nous permettre d'économiser 4000 euros" explique Gilles Contrepois.
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Compenser les taxes américaines
L'autre mesure qui pourrait donner un peu d'air aux viticulteurs, si les états européens parviennent à se mettre d'accord, serait la création d'un fonds de compensation au niveau européen.
En novembre 2019, la filière avait déjà été fortement touchée par l’instauration des sanctions américaines sur les importations de vin.
Des nouvelles taxes sur le vin français ont été décrétées par Trump en octobre en représailles au conflit Airbus/Boeing et cela nous a fait mal. Le marché américain est l'un de nos marchés majeurs à l'export !
Jean-Marie Fabre se réjouit donc de cette relance du processus annoncée par le gouvernement.
La distillation en question
Le plan d'aide annonce aussi l'ouverture d'une distillation de crise de deux millions d'hectolitres de vin en excédent à un prix moyen de 70 eur/hl (soit 140 millions d'euros).
Là aussi, nous sommes satisfaits de la démarche même si elle est trop faible financièrement : il faudrait consacrer 260 millions d'euros à cette distillation de crise.
Jean-Marie Fabre a conscience que cette solution de distillation ne plait pas à tous : transformer son vin en alcool pour vider ses cuves avant les vendanges n'intéresse pas les vignerons qui travaillent des vignes aux rendements faibles, comme dans les appellations Faugères ou Terrasses du Larzac.
"Ce plan d'aide, il faut s'en servir comme d'une boite à outils. Certains auront besoin de distiller leur vin, d'autres non. L'important c'est que cela devrait éviter à la filière d'avoir trop d'invendus sur le marché à la rentrée et que les prix du vin dévissent." explique le responsable syndical.
En Italie, les viticulteurs ont distillé deux millions d'hectolitres. Le vin a été transformé en alcool neutre, qui lui a ensuite servi à fabriquer du gel hydroalcoolique, selon le vigneron audois.
Une idée que défend le socialiste audois Eric Andrieu. L'euro député en charge des dossiers agricoles en parle depuis début avril.
Prochain rendez-vous d'ici deux semaines
"Les ministres ont insisté sur le fait que le plan proposé est une première étape et qu’il y aura une clause de revoyure organisée dans les prochaines semaines pour renforcer le plan si nécessaire, notamment via une aide supplémentaire aux distilleries." peut-on encore lire dans le communiqué de presse du gouvernement.
Ce n'est donc qu'une étape, on part sur de bonnes bases mais il faut aller plus loin et faire évoluer les propositions du gouvernement.
Jean-Marie Fabre, patron des vignerons indépendants qui représentent 60% du chiffre d'affaire de la filière viticole en France, reste confiant. Il sait qu'il sera bientôt de retour à la table des négociations, aux côtés du représentant des caves coopératives.