Comme 3,1 millions de Français, Monica vit au SMIC à temps partiel. Sauf qu'en 2023, il n'y a jamais eu autant de salariés français au salaire minimum, qui vient d'être revalorisé. Avec l'inflation, Monica tente de joindre les deux bouts, seule, avec ses quatre enfants dans les Hauts-de-Seine, l'un des départements les plus chers de France.
Un salarié sur 5 est payé au salaire minimum en France. Monica, trentenaire, en fait partie. "Je suis là pour mes enfants. Ils me voient, même si je ne sais pas grand-chose !", avoue celle qui a choisi de sacrifier une part de son salaire pour s'occuper de ses enfants.
Chaque semaine, Monica se rend à une distribution alimentaire de l'association Société de Saint-Vincent-de-Paul, dans le 16e arrondissement de Paris. Parmi les bénévoles, elle y retrouve "Madame Brigitte" qui l'accompagne au quotidien.
"Même si c'est loin, ça m'aide énormément. J'essaye de m'organiser pour pouvoir être chez moi à temps pour récupérer mes enfants", esquisse Monica.
"Je touche le SMIC et à la fin du mois, il ne me reste plus grand-chose"
"Bonjour ! Ça va, vous allez bien ?". Sept ans que Monica se rend dans ce local exigu du très chic arrondissement.
“Je suis en train de préparer un sac où j’ai commencé à mettre du lait”. Aujourd’hui, “Madame Brigitte” est absente, mais c’est Claude, l’un des bénévoles de l’association, qui lui prépare son panier alimentaire de la semaine.
“Il y a deux produits exceptionnels, qu’on ne donne pas toutes les semaines, explique le retraité. Cette semaine, c’est de l’huile et de la confiture.”
“Ça m’aide énormément”, glisse Monica. Avec 900 euros nets par mois et ses allocations, Monica doit faire attention à chaque dépense, surtout dans les Hauts-de-Seine, l’un des départements les plus chers de France.
"L'aide alimentaire n'est pas réservée à ceux qui ne travaillent pas [...] Je touche le SMIC et à la fin du mois, il ne me reste plus grand-chose", explique la mère de famille.
J’essaie de faire attention, mais je ne prends pas le moins cher non plus. Je prends ce qui est un peu mieux, même si c’est un peu plus cher
MonicaEmployée de restauration
“J’essaie de faire attention, mais je ne prends pas le moins cher non plus. Je prends ce qui est un peu mieux, même si c’est un petit peu plus cher, admet Monica, pour qui la santé de ses enfants reste primordiale, même à bas revenus. Au moins, je sais qu’ils ont quelque chose de bien. J’essaie d’équilibrer.”
“C’est difficile en étant seule. Mais les enfants ne m’ont pas demandé de les mettre au monde, donc j’assume. Ça, j’assume, même si je n’ai pas beaucoup de moyens”, dit-elle. “Je m’en sors”, tempère Monica pour qui son travail en restauration, couplé à l'aide de l'association, est essentiel.
En 2023, les smicards n’ont jamais été aussi nombreux en France depuis trente ans. Un quotidien pour 3,1 millions de Français à tenter de suivre, de joindre les deux bouts. En Île-de-France, le coût de la vie est encore plus élevé : les prix dans la région dépassent en moyenne de 7,2% ceux du reste de la métropole selon l’INSEE.
Je n’utilise plus ma carte bleue. Je retire de l’argent pour ne pas être à découvert à chaque fois
MonicaEmployée de restauration
"Quand tu pars faire tes courses, tu n’en as pas pour cinquante euros, affirme Monica. Quand tu es seul ça va, mais avec une famille, non." Depuis que l’inflation a atteint près de 6,3% en début d’année 2023, Monica ne regarde plus ses tickets de caisse et a adopté une stratégie plus surprenante : "Je n’utilise plus ma carte bleue. Je retire de l’argent pour ne pas être à découvert à chaque fois."
→ À lire : Inflation : le "cash stuffing", ou payer en espèces pour mieux maîtriser son budget
"Et voilà, c'est chez moi ici !". Monica vit dans un logement social avec ses quatre enfants. Dans sa cuisine, plusieurs appareils électroménagers sont recouverts de papier et de film plastique. "C'est pour les protéger". Ces appareils, Monica les a achetés sur le site Leboncoin. "C'était pour m'en sortir. [...] Ça va, je ne m'en plains pas trop !"
"C'est un peu compliqué, mais je ne veux pas pleurnicher"
Dans son salon, elle liste laborieusement ses postes de dépenses. "Au niveau du loyer, ça va. Je paie 125 euros par mois. L'aide au logement prend le relais."
Prélèvements passés, elle regarde sur ses comptes ce qu'il lui reste avant de retirer des espèces pour nourrir ses quatre enfants, dont deux en bas âge. "Je retire énormément, deux fois 500 euros tous les mois", poursuit-elle.
"Je ne vais pas rester assise-là à mendier. Je ne veux pas que mes enfants voient ça." Pour Monica, il est inenvisageable de ne pas travailler. "Quand tu bouges, tu trouves ton chemin, argue la mère de famille. Si tu restes sur place à dire : 'J'ai les aides, j'ai la CAF, je ne vais pas travailler', ce n'est pas une bonne image à montrer à ses enfants. [...] Ils vont croire que c'est normal."
Si tu restes sur place à dire : 'J'ai les aides, j'ai la CAF, je ne vais pas travailler', ce n'est pas une bonne image à montrer à ses enfants
MonicaEmployée de restauration
Chaque jour, ses enfants lui donnent "la force" nécessaire pour se rendre à son travail. "Je dis merci mon Dieu. [...] C'est un peu compliqué, mais je ne veux pas pleurnicher", renchérit-elle. Avant de conclure : "En tant que mère célibataire, je peux travailler et élever mes enfants. [...] Si le SMIC augmente, cela fera le bonheur de tout le monde. S'il n'augmente pas, on prend ce qu'on a."