La provocation homophobe sur tweeter en début de semaine n'a pas empêché les hockeyeur(se)s de faire la fête. Entre les actes assumés d'une frange active, l'homophobie ordinaire, et les progrès des lois pour l'égalité entre les personnes, les couples LGBT+ vivent leur vie. Ou essayent.
La soirée des joueuses et joueurs de hockey du tournoi parisien des Gay Games s'est finalement très bien déroulée. Marc Knulle, arbitre international a pourtant connu des difficultés pour l'organiser.Un limonadier, représentant la société Barnum et soutien de Sens Commun - après envoi de devis et acceptation de la commande- avait déclaré connaître un « problème moral » et vouloir « reverser les bénéfices à la Manif pour tous ». Le tweet au ton délibérément provocateur, montre la vivacité de la volonté d’en découdre avec les LGBT+.
Une attitude emblématique aussi dans la rubrique faits divers de la vigueur de l’homophobie persistante dans notre société.
Les faits sont têtus et les données chiffrées bavardes. Le nombre d’agressions physiques a augmenté de 15% selon SOS homophobie. Plus d’un millier d’actes qualifiés d’homophobes en 2017 enregistrés dans les commissariats français.
Des actions symboliques
Ces derniers temps les exemples ne manquent pas de ces actions violentes. La vandalisation de la plaque commémorative en hommage à Bruno Lenoir et Jean Diot, derniers condamnés à mort pour faits d’homosexualité… au XVIIIè siècle, relève du symbolique.Symbolique et particulièrement politique, l’arrachage de la banderole arc-en-ciel placée au fronton de l’Assemblée Nationale pour la première fois à l’aune de la Marche des Fierté parisienne. Le Président de la Chambre avait répliqué :
Voici 3 semaines, à quelques jours de la marche des Fiertés encore, et par deux fois, les passages pour piétons aux couleurs du rainbow flag de la rues des archives dans le Marais, ont été conchiés. "LGBT hors de France" pouvait on notamment lire. En réponse Anne Hidalgo a Maire de Paris, a saisi le procureur et décidé de rendre permanent cet habillage.l’auteur de cet acte de vandalisme a été interpellé. Il se revendique militant d’extrême droite et anti LGBT. L’Assemblée nationale portera plainte dans les plus brefs délais.
Fin juillet, en Occitanie, Sébastien Durand accuse le maire d'Aureville (Haute-Garonne) d'homophobie après avoir refusé un permis de construire à son couple. (Twitter)
Le maire du village où nous avons acheté un terrain:
- Je ne signerai pas le permis de construire. Les gens comme vous (sic), je préfère qu’ils viennent me voir avant de déposer leur demande pour voir si leur projet de vie correspond à ma commune.
Le maire du village où nous avons acheté un terrain:
— Sébastien Durand (@sebastiendurand) 31 juillet 2018
- Je ne signerai pas le permis de construire. Les gens comme vous (sic), je préfère qu’ils viennent me voir avant de déposer leur demande pour voir si leur projet de vie correspond à ma commune.
L’#homophobie en 2018
Homophobie ordinaire
Parfois, l'homophobie est tellement banalisée que son auteur ne se rend même plus compte de l'absurdité de son raisonnement.
le 20 juin, la responsable du service adoption du conseil départemental de Seine Maritime est relevée de ses fonctions. Au cours d’une interview réalisée par France Bleu elle trouve logique la discrimination observée envers les parents de même sexe, modèle atypique de famille qui n’auraient accès qu’à des enfants atypiques (entendre handicapés).
La violence physique aussi
Dimanche 5 aout, à Marseille deux jeunes hébergés par l’Association Nationale le Refuge sont " pris à partie et insultés par deux personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre. " Les deux individus ont également "dégradé la porte et ont pénétré dans les lieux pour y répandre un gaz lacrymogène."A Poitiers, deux Lettons sont arrêtés fin juillet pour l’agression d’un couple gay à Poitiers. "Ils voulaient casser du pédé." Ils seront condamnés à 6 et 12 mois de prison ferme en comparution immédiate.
A quelle photographie se fier ?
Nos territoires français seraient ils une terre hostile ? Une immense zone de non droits pour les LGBT ? Pourtant les exemples de personnes en vue, même dans les bourgs et villages les plus reculés où il fait bon vivre dans une intégration bienveillante ne manquent pas pour nombre de couples de même sexe. A bien y regarder on trouve une représentation diversifiée de la société, jusque chez nos édiles, avec des reconductions multiples de mandat municipaux, départementaux ou législatifs.Les instantanés de la vie courante sont également pléthoriques. D'un couple de femmes qui se tiennent la main rue des Minimes au Mans en pleine journée à ces 2 hommes qui s’effleurent les lèvres sur le quai de la gare de Dieppe un jour de départ en vacances, le tout dans l’indifférence générale.
Sous cet angle, la normalisation des modes de vie liés aux préférences sexuelles est en cours.
La parole se libère
La tendance serait elle donc à l’opposé de ce qu’un aperçu rapide pourrait laisser croire ? les raisons d’être inquiets ou à tout le moins vigilants sont aussi évidentes que celles qui poussent à l'optimisme. Une réalité nuancée donc.D’abord parce que les victimes parlent davantage. Au même titre que les femmes battues, ou les victimes de viols quel que soit leur sexe, l’affaire Winstein est un marqueur de cette évolution. « La peur doit changer de camp » une phrase que l’on entend beaucoup plus, et la limite de l’intolérable est plus vite atteinte.
Des influences multiples
Difficile de dessiner une carte géographique de l'homophobie à partir de généralités alors que la situation est influencée par une somme d'éléments. La survivance des mythes de la virilité exacerbée, mais aussi l'importance de l'éducation et des religions, et la montée des intégrismes sont également des éléments déterminants. Il est encore aujourd'hui plus ardu de vivre gay à Marseille, a fortiori dans les quartiers Nord, que dans un village de l'Ardèche.
Un parcours sinueux
L’arsenal législatif pour lutter contre les discriminations de toutes sortes dont l’homophobie et la reconnaissance de l'égalité des droits montrent une nette évolution ces 40 dernières années. Mais là encore il faut raison garder.L' évolution a été plus tardive en France que dans de nombreux pays européens similaires. Avec une route chaotique.
Il faut patienter jusqu’en 1982, pour voir Gisèle Halimi, avocate-militante féministe, monter à la tribune de l’Assemblée Nationale avec un texte qui dépénalise l’homosexualité. Attendre encore 17 ans, après plus d'un an de procédure et en dernière lecture pour l’adoption de la proposition de loi sur le Pacs -13 octobre 1999- . Mais l’enthousiasme est limité, face à la droite catholique dans la rue : au parlement le quorum n’est pas atteint en première intention. Un second texte en 2006 est nécessaire pour obtenir des conditions améliorées notamment sur les dispositions financières entre contractants.
En 2003, la caractérisation de l’insulte aggravée voit le jour, sous la Présidence de Jacques Chirac,
Des débats longs et douloureux en France
En 2013 la loi autorise le mariage entre les personnes de même sexe. Mais qu'il fut long et douloureux le combat pour « Le mariage pour tous ». Long et douloureux, comme la dureté des débats, comme les attaques menées contre Christiane Taubira alors Garde des Sceaux. Qu'ils furent pesants les atermoiements de la Présidence de la République. Une séquence qui a creusé les plaies pour longtemps.Les éléments de la Réaction ainsi que la Fachosphère en profitent pour s’engouffrer dans les espaces ouverts et la parole se libère sur les terrains homophobes et racistes comme jamais. Le nombre d'actes homophobes flambe à la suite.
La Réaction un passage obligé ?
En France à l’évidence. Ailleurs, beaucoup moins.La Grande Bretagne a voté le mariage homo en une heure, l’Allemagne en moins de temps encore. Oui mais en France, fille aînée de l’église, le poids du catholicisme historique expliquerait les freins. A voir. Parce que la très latine et tout aussi catholique Espagne a dégainé dès 2005 sans verser dans le pathos. Et la non moins catholique Irlande a certes adopté le mariage pour tous tardivement mais à sa façon : en étant le 1er pays européen à passer par le référendum populaire.
Les réseaux sociaux, un exutoire
En clair, les résistances françaises trouvent leurs origines ailleurs. La loi accompagne l’évolution de la société et ne la précède jamais. Entre la décapitation de Louis XVI et la facilité des thermidoriens à guillotiner à tour de bras, les héritiers gaulois n’ont jamais fait dans la douceur.
Si l’homosexualité n’est plus un crime, si la loi est supposée protéger tout le monde, l’homophobie sévit encore en France. Sur les réseaux sociaux elle est trouve son engrais. Les commentaires sont parfois pervers, souvent basés sur l’ignorance et la peur mais en tous les cas violents toujours.
Les réponses équilibrent parfois les attaques car assurément les progressistes, les universalistes s'en laissent moins compter face à l’agressivité des thèses et propos anti-LGBT+.
Le service public, un rôle essentiel
Mais nous avons, nous supports de presse, et plus encore du service public, un rôle essentiel. Il nous faut depuis le début de la couverture de ces Gay Games rappeler avec patience que les propos homophobes ne sont pas une opinion mais un délit. Il nous est nécessaire d’expliquer encore et encore, de démonter les fake news, de tuer les contre-vérités assénées, répétées à l’envi pour leur donner de la validité. Des excès, des trolls nous poussent également à masquer et plus rarement à bloquer les agressifs, les agresseurs.