Témoignage. "On savait que l'école n'allait pas tenir" : une école de management post-bac ferme ses portes du jour au lendemain

Publié le Mis à jour le Écrit par Kévin Belbéoc'h-Dumarcet

À Guyancourt, dans les Yvelines, un établissement privé spécialisé dans l'enseignement du management de sport a laissé ses étudiants sur le carreau, du jour au lendemain. Arnaud*, alors en dernière année, a tout juste eu le temps de valider son diplôme.

"À un moment, j'ai eu peur qu'elle ferme avant que l'on puisse passer les examens pour notre diplôme." En octobre 2020, Arnaud* débute sa première année de bachelor dans l'école. Elle s'appelle alors "EMS Business School". "Dès le printemps 2021, l'école a failli fermer ses portes", explique-t-il.

À la suite d'une liquidation judiciaire, l'établissement privé hors contrat est repris. Il change plusieurs fois de nom, avant de devenir "Sup de Sport Business School" début 2023, selon les informations révélées par nos confrères du média économique L'Informé

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"Ils venaient de rénover les locaux, tout était propre. L'ambiance était bonne, et la direction faisait en sorte qu'on s'y sente bien", se souvient l'un des camarades de promotion d'Arnaud*, séduit par l'établissement qui souhaite alors mettre ses élèves "au cœur de la révolution sportive" avant les JO. Lui, a préféré quitter l'école "de lui-même" en 2021, comme d'autres de la quinzaine d'élèves qui composait cette promotion. "Ils ont perdu beaucoup d'étudiants à ce moment-là."

À un moment, j'ai eu peur qu'elle ferme avant que l'on puisse passer les examens pour notre diplôme

Arnaud*

auprès de France 3 Paris Île-de-France

Quant à Arnaud*, il a gardé confiance dans la direction de l'école et ses intervenants. Il est ainsi resté, notamment pour son diplôme, un bachelor d'établissement délivré sous la forme d'un titre RNCP que l'école louait à un autre organisme. "J'y avais des amis, et cette école était proche de chez moi. Sans cela, je serais évidemment parti."

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À l'instar des plus grandes écoles de commerce parisiennes, l'établissement n'hésite pas à demander de lourds frais de scolarité à ses étudiants : près de 16 000 euros pour deux ans. "Les deux premières années ont été financées par mes parents [...] La dernière année de bachelor était en alternance, et donc financée par l'employeur", confie Arnaud*. "Aux premières nouvelles rumeurs de fermeture, ma mère était presque plus inquiète que moi."

Des profs non payés et des cours à distance

"Vu le prix de l'année, nous nous étions dits qu'ils avaient les moyens pour s'en remettre." S'il était encore loin d'imaginer une nouvelle fermeture lorsqu'il entre de nouveau dans son école, de nouvelles rumeurs vont bon train en seulement quelques mois. "Notre emploi du temps était régulièrement modifié, les cours annulés, se souvient Arnaud*. C'était compliqué, mais entre étudiants, nous sommes restés soudés."

Vu le prix de l'année, nous nous étions dits qu'ils avaient les moyens pour s'en remettre [...] Nous ne savions pas où partait notre argent

Arnaud*

auprès de France 3 Paris Île-de-France

Certains matins, les cinq à six étudiants restants de sa promotion assistaient à une salle de cours vide : "les intervenants n'étaient plus payés". "Nous commençions une matière avec un intervenant, pour que trois semaines après, cela soit un autre", ajoute-il. "Nous ne savions pas où partait notre argent. Nous n'avions même pas le pack Office."

L'un de leurs intervenants en "journalisme sportif" leur confie avoir quitté l'établissement, n'étant plus payé. "L'école avait plusieurs mois de retards sur les salaires", se désole Arnaud*, qui se doutait avec ses camarades des difficultés financières de l'établissement. "Quand j'ai vu que cela recommençait deux ans après [la liquidation judiciaire, ndlr], j'ai préféré commencer à chercher une autre école, par sécurité. On se doutait que l'école n'allait pas tenir", détaille l'étudiant.

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"On voyait bien qu'il y avait de moins en moins de cours et de professeurs. La direction de l'école tentait de nous rassurer, qu'on allait avoir notre diplôme", se rappelle Arnaud*. Il a ensuite assisté à davantage de cours à distance durant la dernière année avant la fermeture, tel que l'ont révélé nos confrères de L'Informé. "On s'est même demandé s'ils n'avaient plus assez d'argent pour payer les locaux, se demande-t-il. À distance, nous avions moins de contacts avec la direction. Nous inquiétions de plus en plus pour notre diplôme, surtout moi qui leur avait réitéré ma confiance."

J'écrirai uniquement le titre du diplôme. Cela peut le dévaloriser si de futurs employeurs se renseignent sur cette école

Arnaud*

auprès de France 3 Paris Île-de-France

Un sésame qu'il a finalement pu obtenir en juin dernier. Aujourd'hui, s'il a pu valider ses trois années d'études et passer en master dans une autre école située à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Arnaud* ne mentionnera pas l'établissement sur son CV. "J'écrirai uniquement le titre du diplôme. Cela peut dévaloriser mon diplôme si de futurs employeurs se renseignent sur l'école."

*Les prénoms ont été modifiés.

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