Jeudi 30 novembre, les membres du conseil de la métropole Nice Côte d'Azur pourront regarder des images de la vidéo des attaques du Hamas en Israël datant du 7 octobre dernier. Alors que certains s'intérrogent sur l'utilité de montrer ces images atroces, d'autres pensent que cela est une nécessité.
Des "horreurs insoutenables", voilà comment sont qualifiées les images des attaques du Hamas par la députée Les Républicains (LR) Christelle d'Intorni, également membre du conseil de la Métropole Nice Côte d'Azur. Selon elle, il n'y a "aucune bonne raison" pour que cette vidéo de plus de 40 minutes soit diffusée devant les conseillers métropolitains, un peu plus de 15 jours après la projection devant les parlementaires.
Christian Estrosi a annoncé qu'il montrerait cette vidéo aux élus de la métropole à l'issue du conseil métropolitain qui se déroule ce jeudi 30 novembre. La diffusion se déroulera à huis clos, sans téléphone portable ni ordinateur. Les élus pourront être accompagnés psychologiquement à leur sortie.
"En tant que président de la Métropole Nice Côte d’Azur, j’ai estimé, comme la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, qu’il était de notre devoir de répondre à la proposition de l’Ambassade d’Israël d’apporter transparence et information aux élus", a-t-il déclaré pour justifier cette diffusion.
Les témoignages devraient suffire pour certains élus
Pourtant, du côté des élus, ils sont nombreux à être dans l'incertitude. "Y a-t-il une utilité à montrer ces images ?" se demande Christelle d'Intorni. Que ce soit au niveau d'élus nationaux ou locaux, je m'interroge."
Elle s'est rendue à la diffusion destinée pour les parlementaires et s'en souvient avec beaucoup d'émotions :
J’y suis allée mais seulement quelques minutes. Je suis restée debout, à côté de la porte d’entrée, pour pouvoir vite m’échapper si cela devenait insoutenable. Je suis maman de deux enfants, alors dès que j'ai vu des atrocités sur des bébés, je suis partie en courant, en pleurs, complètement chamboulée. Je suis vraiment choquée par ces images, j’ai mis beaucoup de temps pour sortir de ces horreurs.
Christelle d'Intorni, députée et conseillère métropolitaine
Pour cette élue, les divers témoignages récoltés auprès des survivants par les médias avec des reporters sur place devraient suffire à comprendre "l'horreur absolue".
Fabrice Decoupigny, conseiller à la Métropole niçoise écologiste, est lui aussi dans le doute. Il se dit "circonspect" face à cette décision de diffuser une vidéo qui le "dérange personnellement".
Je n'ai pas besoin de film pour savoir qu’il y a eu des horreurs qui ont été perpétrées. Le témoignage des survivants, des victimes, me suffit.
Fabrice Decoupigny, conseiller de la métropole Nice Côte d'Azur
Il souhaite consulter des familles de victimes pour se faire un avis définitif avant de savoir s'il se rendra à la diffusion.
Une diffusion "pour prendre position"
Jean-Christophe Picard, lui aussi conseiller écologiste de la métropole, a déjà pris sa décision. "Je n'irai pas", martèle-t-il.
Je ne comprends pas à quoi ça sert. Tout le monde sait que les actes de guerre sont atroces. Tout le monde sait ce qu'il s’est passé est absolument épouvantable. Il n'y a pas besoin d’avoir des images pour en être convaincu.
Jean-Christophe Picard, conseiller à la métropole Nice Côte d'Azur
Diffuser ces images-là et pas celles où l'on verrait des victimes civiles de la bande de Gaza revient à "prendre position" dans "un conflit où tout le monde a tort", d'après Jean-Christophe Picard.
Prendre position, "c'est évidemment l'idée de Christian Estrosi". En effet, le maire de Nice et président de la métropole n'hésite pas à montrer son soutien à Israël, notamment en plaçant un drapeau israélien sur le fronton de l'hôtel de ville.
Mais Jean-Christophe Picard, lui, ne "comprend pas qu'on puisse prendre position alors que s'attaquer à la population civile, c'est forcément avoir tort". Selon lui, cette démarche de Christian Estrosi vise à "empêcher le débat" : "Comment voulez-vous qu'on débatte quand on est submergé par l’émotion ?"
Montrer les images pour "la manifestation de la vérité"
Pour d'autres conseillers métropolitains, la diffusion de cette vidéo est légitime. "Je trouve que les élus locaux ont droit à cette vision des choses, au même titre que les élus nationaux", dit Jean-Jacques Carlin, maire de Saint-André de la Roche et membre du conseil de la métropole.
Nous vivons une période où il est très facile de nier et de parler de complotisme ou de dire qu'on ne se prononce pas parce qu’on n’a pas été témoin. C’est aussi une façon d'éviter cela.
Jean-Jacques Carlin, maire de Saint-André de la Roche
Il ajoute : "L’actualité va très vite et je pense que ce n'est pas forcément inutile de montrer ces images alors que les terroristes passent pour de braves libérateurs d’otages ces derniers jours".
Philippe Soussi, conseiller de la métropole et avocat, se dit lui aussi "favorable" à cette diffusion.
Lors du procès de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, l'avocat avait participé aux débats pour la diffusion des images de l'attaque terroriste lors de l'audience et il avait ensuite visionné ces images. "Cela faisait partie de la manifestation de la vérité et je pense qu'il était nécessaire, malheureusement, de montrer la réalité de l’horreur de ce qui s'était passé à Nice", déclare-t-il.
"Là encore, il s'agit de la manifestation de la vérité", pointe-t-il.
On ne ressort pas intact de la diffusion de cette horreur absolue. Ça m’a profondément et durablement marqué, de façon indélébile, parce que le terrorisme, c’est l’horreur absolue. Je continue de penser qu’il était nécessaire de montrer ces images. J’ai la même position pour la vidéo de l'attaque du Hamas.
Philippe Soussi, conseiller métropolitain
"Il n'y a pas de bonne réponse" et "il faut absolument respecter les deux positions", conclut-il.