C’était le 2 octobre dernier. La tempête Alex répandait sa fureur sur le haut-pays niçois et notamment sur la vallée de la Vésubie. Fin septembre, Catherine confiait sa petite Anna de deux ans et demi à ses arrière-grands-parents de Venanson pour une semaine de vacances...
Comme bien souvent, Catherine confie sa fille Anna, de deux ans et demi, aux grands-parents de Gabriel son compagnon. Ils habitent là-haut, dans le haut-pays nicois, à Venanson. Juste au-dessus de Saint-Martin-Vésubie...
La petite Anna adore passer quelques jours, au grand air, à la montagne, avec ses arrière-grands-parents, dont elle est très proche. Un séjour comme il y en a eu beaucoup d’autres, si ce n’est que dans la nuit du vendredi 2 octobre au samedi 3 octobre, la tempête Alex déferle sur la vallée de la Vésubie, coupant ses habitants du reste du monde. Coupant Catherine d’Anna. Coupant une mère de sa fille.
"Nous, nous habitons à Saint-André de la Roche. Nous devions récupérer Anna le lundi 5. Evidemment, ça n’a pas été possible. Plus de route. Juste l’horreur. Plus rien pour monter jusqu’à Venanson puisque le pont de Saint-Martin-Vésubie était emporté par les flots. Heureusement dès le tout début, dès le vendredi après-midi, nous avons pu les joindre par téléphone. Un miracle".
Un coup de fil, ça change tout !
Un miracle véritablement. Car à Venanson, dès le vendredi soir il n’y a plus d’électricité. Puis, plus de voies de communication pour rejoindre Saint-Martin-Vésubie. Puis, plus rien. Mais c’était sans compter sur les arrière-grands-parents d’Anna qui ont été plus que prévoyants."Les arrière-grands-parents avaient fait le plein des batteries pour pouvoir utiliser le téléphone. Ce qui fait qu’au moins une fois par jour je pouvais les avoir sur le portable. Avoir des nouvelles. Car de loin, comme ça, c’est terrible. Nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir garder ce contact-là. Alors, oui, bien sûr j’étais très très inquiète, mais ces quelques minutes étaient un bonheur et suffisaient à me rassurer".
Piton rocheux
Catherine savait aussi que la maison familiale, située sur un piton rocheux, craignait moins d’être emportée par les flots des rivières déchainées, une coulée de boue ou un éboulement rocheux, que si elle était située dans la vallée. Ses seules craintes, qu’il leur arrive quelque chose ou qu’Anna "casse-cou" ait besoin de secours. Car des secours, impossible d’en envoyer.Alors Gabriel, Catherine et Léo, leur petit dernier de 5 mois, prennent leur mal en patience. Catherine s’investit à fond sur le groupe d’entraide aux sinistrés du haut-pays des Alpes Maritimes – 2 octobre. Le couple multiplie les démarches pour tenter de récupérer leur fille. Coup de fil à la préfecture, à la maire de Vensanon… Aucune autorisation n’est donnée pour le rapatriement d’Anna.Le temps de ces journées m’a paru affreusement long. Interminable. Oui, il y avait ce petit coup de fil chaque jour, mais si court. En plus, impossible de savoir quand je pourrai revoir ma fille Anna.
"Je savais qu’on allait la récupérer, qu’elle n’était pas en danger. Quand, était la grande inconnue. Mais pas un instant je n’ai pensé à braver les interdits. Je ne voulais pas gêner les secours et mettre en péril des équipes. "
Feu vert
C’est seulement, mercredi matin qu’on a eu l’autorisation de la maire de Venanson que nous pouvions monter chercher Anna. "Déjà la veille, il y avait des signes que cela allait être très prochainement. J’ai prévenu la famille et je suis montée. Mais tant que je n’avais pas Anna dans mes bras, je n’arrivais pas à me réjouir vraiment."Un pont emporté entre nous
Catherine se tient de l’autre côté du pont écroulé à Saint-Martin-Vésubie. Elle voit sa fille, Anna. Les arrière-grands parents. Elle réalise, sans réaliser. Son enfant est là, juste de l’autre côté… du trou, au bout d’une ligne de vie, rouge. "Même si je savais qu’on allait me la ramener, c’était terrible. Je ne pouvais pas y aller. C’était tellement dur de ne pas être à côté d’elle. De la rassurer, de la prendre dans mes bras"."Un bisou, un câlin"
Et puis, tout est allé très vite. Anna dans les bras d’une inconnue venait à elle. "Elle m’a tendu les bras, m’a fait un bisou, un câlin et juste après elle m’a demandé tout de suite son papa et son petit frère".Protégée par son innocence
Anna n’avait pas l’air traumatisée selon sa maman. "Elle m’a raconté comment elle était descendue de Venanson, qu’ils avaient pris la voiture et fait une longue balade à pied pour arriver jusqu’ici. Elle était triste, car elle a bien compris qu’elle ne pourrait pas voir son pépé et sa mémé tout de suite. Elle a compris que la route était cassée, que c’était compliqué pour les courses car elle m’a dit que ses arrière-grands-parents n’allaient plus avoir de fromage de chèvre".
La vie poursuit son cours
Catherine et Gabriel s’attendaient à ce qu’Anna soit un peu perturbée par toute cette aventure. Mais non ! "Je ne m’attendais pas à ce qu’elle ait autant de confiance en la dame qui l’a fait traverser le pont ! J’étais très fière d’elle. Ce matin, il a fallu appeler ses arrière-grands-parents pour qu’elle leur parle, mais elle n’est même pas revenue sur la journée d’hier. Si, en fait, elle nous a simplement dit qu’ils avaient allumé des bougies parce qu’il n’y avait plus de lumière ! ".
"Aujourd’hui, j’ai envie de rattraper le temps que je n’ai pas passé avec Anna. Tous les câlins, tous les bisous que nous n’avons pas pu nous faire. Aujourd’hui, nous sommes à nouveau tous les quatre. Heureux".
Un seul regret !
"Ah, oui ! Si ! Il y a quelque chose que je regrette ! J’étais tellement bouleversée de revoir et d’avoir Anna dans mes bras, que je n’ai même pas demandé son nom à la jeune femme qui me l’a ramenée…
J’aimerais beaucoup pouvoir lui parler. La remercier, encore !".
La magie des réseaux sociaux devrait pouvoir faire son œuvre !