Téléphones, drogues : des sénateurs sont venus visiter la prison où le commanditaire d'un meurtre a dénoncé son tueur à gages

Un détenu qui appelle la police pour dénoncer "le travail mal fait " de son tueur à gage, c'est la scène surréaliste qui s'est produite le 4 octobre dernier lorsqu'un chauffeur de VTC est froidement abattu par un jeune de 14 ans. Ce vendredi 18 octobre, deux députés des Bouches-du-Rhône se sont présentés à la maison d'arrêt de Luynes pour un état des lieux et comprendre pourquoi et comment arrivent en prison, téléphones et drogues normalement interdits.

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Forcer les portes du pénitencier à tout moment et sans prévenir, un privilège réservé aux députés et sénateurs qu'ont fait valoir ce vendredi 18 octobre Marie-Arlette Carlotti et Guy Bénaroche, sénateurs des Bouches-du-Rhône en visite à la prison de Luynes, près d'Aix-en-Provence dans les Bouches-du-Rhône. Près de 2000 détenus purgent des peines dans cet établissement, le deuxième de France en nombre de prisonniers. Le ministère de la Justice, Didier Migaud avait demandé une inspection de ce centre pénitentiaire après la mort d'un mineur de 15 et d'un chauffeur VTC de 36 ans à Marseille sur fond de violences liées à un détenu de la prison se revendiquant du gang DZ Mafia.

Meurtres et trafics organisés depuis les cellules

Marie-Arlette Carlotti et Guy Bénaroche, sénateurs des Bouches-du-Rhône, font partie de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France. Ils n'ont pas choisi ce centre pénitentiaire par hasard. Il y a quelques semaines, un détenu lié au trafic de drogue aurait commandité par téléphone un assassinat depuis sa cellule du quartier d'isolement et appelé la police pour dénoncer le tueur à gage qu'il avait recruté pour exécuter ses ordres. Des brouilleurs d'onde sont pourtant installés à proximité. Mais leur efficacité est limitée, le sénateur va en faire l'expérience. Téléphone en main, près du brouilleur, pas de communication possible, quelques mètres plus loin, la liaison se fait, la sonnerie retentit. Guy Bénnaroche, sénateur EELV, en est persuadé, "si on veut diminuer le nombre de narchomicides et des gens qui subissent ces contrats, il faut arrêter cette porosité entre les gens qui sont en prisons et ceux qui sont à l'extérieur". 

Le 2 octobre dernier, un adolescent marseillais de 15 ans a été "lardé de 50 coups de couteau" et "brûlé vif", alors qu'il effectuait un contrat pour lequel un détenu de Luynes l'avait été recruté via les réseaux sociaux. Deux jours plus tard, un homme de 36 ans a été victime collatérale d'une guerre entre gangs, abattu d'une balle dans la tête par un tueur à gages de 14 ans, recruté par le même détenu pour venger la mort du jeune de 15 ans.

>>> A lire aussi : Narcotrafic à Marseille. Tireur de 14 ans, contrat de 50 000 euros…Ce qu’il faut retenir de la conférence de presse du procureur de la République

@france3paca Il y a deux semaines, un détenu d’Aix-Luynes a commandité depuis sa cellule un assassinat qui a mené à la mort d’un VTC. Comment en sommes-nous arrivés là ? Deux sénateurs étaient sur place ce vendredi. #prison #luynes #téléphone ♬ son original - France3Paca

Des prisons, véritables "passoires" 

Difficile de rendre totalement hermétiques les prisons. À Luynes, comme partout, les marchandises sont introduites lors des parloirs, par des projections depuis l'extérieur ou même par des drones. La veille de notre visite, les saisies des 18 derniers mois ont été détruites : 48 kg de produits stupéfiants et une demi tonne de matériel électronique toujours plus sophistiqué et toujours plus facile à dissimuler. Comme en témoigne ce téléphone portable de toute petite taille. 

" C'est un téléphone découvert sur un détenu à l'issue d'une fouille, à la suite d'une suspicion, et il a été trouvé dans le caleçon du prisonnier", explique Marie Arlette Carlotti qui se demande "combien sont saisis par jour, ou régulièrement dans les prisons françaises".

Ici à Luynes, une trentaine de portables est confisquée chaque mois. La directrice du centre pénitentiaire nous confirme avoir demandé des moyens supplémentaires à l'État pour aller vers un brouillage total de la prison, mais reconnaît que la technologie semble dépasser les moyens mis en œuvre.

Dans ce reportage d'une chaîne italienne, tourné il y a quelques jours, la journaliste appelle un détenu qui répond depuis sa cellule. L'interview se déroule normalement sans brouilleur. 

FO demande un "bagage X" en quartier d'isolement

"J'ai décidé d'une inspection confiée à l'Inspection générale de la justice concernant le fonctionnement de ce centre pénitentiaire", avait indiqué le garde des Sceaux Didier Migaud, interpellé justement par la sénatrice Marie-Arlette Carlotti lors de la séance de questions au gouvernement. 

"Il est évident que la poursuite d'activités criminelles depuis la détention n'est pas admissible", a ajouté Didier Migaud, assurant vouloir poursuivre la lutte contre la circulation "d'objets illicites en prison".

"On a l'habitude des effets d'annonce", a réagi Jessy Zagari, "Il est préoccupant que le ministre soit surpris" de tels faits, estime le délégué de FO Pénitentiaire, qui précise que le détenu en question était en quartier d'isolement, alors que le syndicat dénonce depuis des années "la banalisation de la découverte de téléphones portables." "Les surveillants d'Aix-Luynes se sentent découragés, ajoute-t-il, la direction locale ne semble même plus poursuivre disciplinairement les détenus" en possession de téléphones. Le syndicat alerte depuis plusieurs mois les "lacunes sécuritaires" et demande l'installation en quartier d'isolement d'un bagage X comme dans les aéroports, passer aux rayons les affaires des détenus, et découvrir les téléphones, mais aussi les armes. 

Le ministre de la Justice bientôt à Marseille

Le ministre a également indiqué son intention de se "rendre prochainement" dans la cité phocéenne, une visite qu'il effectuera conjointement avec le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. Il a en outre assuré que l'examen de la proposition de loi "visant à sortir la France du piège du narcotrafic", déposée au Sénat en juillet, était "seulement reporté". "Je souhaite, comme vous, que nous puissions, avant la fin de l'année, débattre de cette proposition", a-t-il assuré, précisant que ce temps lui permettra d'"expertiser" toutes les mesures prévues par le texte.

Article rédigé avec Pierre Vaireaux.

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