Mort d'Yvan Colonna : "défaillances", "erreurs"... Ce qu'il faut retenir du rapport de la commission d'enquête parlementaire

La commission parlementaire a publié ce mardi son rapport sur l'agression mortelle du militant indépendantiste corse Yvan Colonna à la prison d'Arles en 2022.

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Une gestion radicalement opposée des deux détenus, une série d'"erreurs", de "défaillances", d'"inactions" de la part des autorités... La commission d'enquête parlementaire a rendu public ce mardi 30 mai son rapport concernant l'agression mortelle d'Yvan Colonna, décédé le 21 mars 2022 à 61 ans. 

Le militant indépendantiste corse purgeait une peine de réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, lorsqu'il a été violemment attaqué dans la salle de sport de la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône). Son assaillant, Franck Elong Abé, est un homme radicalisé de 36 ans, condamné entre autres dans un dossier terroriste.

L'agression avait provoqué en Corse émoi et colère, avec des manifestations parfois violentes partout sur l'île, derrière un mot d'ordre largement partagé d'"Etat français assassin". Une colère motivée par la longueur de l'agression d'Yvan Colonna. Pendant près de huit minutes, sous le regard d'une caméra de surveillance, aucun surveillant n'est intervenu. L'agresseur lui-même avait alerté les gardiens, expliquant que le militant corse avait "fait un malaise".

Six mois de travaux, 71 personnes entendues, 37 auditions... Le très attendu rapport sur l'agression d'Yvan Colonna s'est intéressé aux circonstances entourant l'attaque, aux raisons du maintien du statut de "détenu particulièrement signalé" du militant corse, ainsi qu'au traitement carcéral de Franck Elong Abé. Et surtout, deux questions primordiales : pourquoi Franck Elong Abé était-il en détention ordinaire et comment a-t-il pu se retrouver seul avec Yvan Colonna pendant 15 minutes ? France 3 Provence-Alpes vous résume ce qu'il faut retenir du rapport de la commission d'enquête parlementaire.

  • Le rapport pointe les conditions de détention de Franck Elon Abé 

Selon le rapport, Franck Elong Abé, qui était atteint de troubles psychiatriques, n'aurait jamais dû être placé en détention classique et encore moins travailler seul au contact d'autres détenus.

Les auditions, particulièrement celles du chef du parquet antiterroriste, de l'administration pénitentiaire, et de celle du renseignement pénitentiaire, ont mis en lumière le profil inquiétant avant et pendant la détention de Franck Elong Abé. Cet homme, également classé DPS, est parti combattre auprès de talibans en Afghanistan au début des années 2010 et a multiplié les incidents en prison.

En 2019, il n'a pas été jugé utile de faire passer le détenu classé "terroriste islamiste" en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) tant sa "dangerosité" avait été "avérée" par "son passé et son comportement en détention", a expliqué le procureur antiterroriste Jean-François Ricard.

Lors de son audition, l'ex-directrice de la prison d'Arles Corinne Puglierini a assuré que le "comportement" du détenu atteint de troubles psychiatriques à son arrivée à Arles "ne permettait pas une évaluation au QER". Elle avait toutefois ensuite fait état d'une évolution positive qui avait justifié qu'on lui accorde fin 2021 un poste convoité d'"auxiliaire", pour faire le ménage dans les salles de sport de la prison. 

  • La commission s'interroge sur la sévérité du traitement carcéral d'Yvan Colonna

Une surprenante indulgence qui pose question selon la commission parlementaire, "aux antipodes" du traitement carcéral "excessivement rigoureux" d'Yvan Colonna, sur lequel le rapport revient largement. La commission met en parallèle la "sévérité" du traitement carcéral imposé à l'indépendantiste corse, le refus de lever son statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) malgré un "bon comportement", et les "mansuétudes" dont a au contraire bénéficié Franck Elong Abé, également DPS.

Les élus corses et les familles d'Yvan Colonna, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi - également condamnés à la perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac - demandaient depuis des années, en vain, la levée de leur statut de DPS. Une décision qui empêchait leur transfert vers la Corse, et qui relevait d'un choix uniquement "politique" selon eux.

Le statut de DPS de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi avait été levé quelques jours après l'agression d'Yvan Colonna. Les deux autres membres du commando Erignac ont été rapidement transférés dans une prison corse. Ils sont depuis début 2023 en semi-liberté.

  • Le rapport souligne des défaillances en matière de sécurité et de surveillance

Le rapport parle d'une série d'erreurs "manifestes" d'appréciation amenant à cette "prise de risque inconsidérée". Il souligne les défaillances locales en matière de sécurité et de surveillance, en partie dues aux manques de moyens, qui ont permis à Franck Elong Abé de s'en prendre violemment à Yvan Colonna sans être dérangé.

Une autre enquête, celle de l'inspection générale de la justice rendu en juillet 2022, allait dans le même sens. Elle avait entraîné des poursuites disciplinaires contre l'ex-directrice de la prison d'Arles et du surveillant chargé de l'aile où se trouvait Yvan Colonna.

  • La commission émet 29 recommandations

La commission d'enquête parlementaire émet 29 recommandations, réparties en trois axes : la "réforme impérieuse" du statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS), le "renforcement de la détection et de la surveillance des détenus radicalisés dangereux", et "l'amélioration de la prise en charge de "ceux présentant des troubles psychiatriques".

Elle suggère d'améliorer la coordination entre les différents services de renseignements, et de rendre obligatoire l'évaluation ou la réévaluation d'un détenu TIS (pour "terroriste islamiste") avant son intégration en détention classique.

Elle demande aussi que la prise en charge des troubles psychiatriques soit "le prochain chantier d'ampleur de l'administration pénitentiaire"

Restent des "zones d'ombre", à commencer par les motivations de l'agression mortelle. Franck Elong Abé l'a justifiée par une série de "blasphèmes" d'Yvan Colonna. La commission espère les voir éclaircies par l'enquête judiciaire, dans laquelle il est mis en examen pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

Selon les informations de France 3 Corse ViaStella, le président et le rapporteur de la commission pourraient prochainement activer l'article 40 du code de procédure pénale, soit un signalement particulier auprès du procureur de la République. Celui-ci concerne un incident survenu peu de temps avant l'agression d'Yvan Colonna : Franck Elong Abé aurait ainsi eu un "changement de comportement", et déclaré à une surveillante faire "le vide" dans sa cellule. Un incident que cette dernière aurait fait remonter à sa hiérarchie, et dont on ne trouve aucune trace dans le logiciel Genesis, dans lequel doivent pourtant normalement figurer tous les événements relatifs à la vie carcérale des détenus.

Avec AFP.

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