Le médecin Nicolas Iconomidis pratique régulièrement la nage libre en mer. Il a consacré un livre à la nage en eau froide.
Ce dimanche à Marseille, l'eau de la mer est à 14°C. En dessous de 15°C, l'eau est considérée comme froide. Pourtant, de valeureux nageurs affrontent les flots chaque jour, même en hiver, par plaisir. Nicolas Iconomidis est l'un d'entre eux. Médecin gastroentérologue à la retraite, médecin de la plongée, diplômé de médecine maritime, il s'est aperçu qu'il avait plus de plaisir à nager en mer l'hiver. Il y a consacré un livre, disponible sur la plateforme Bod : Nager en eau froide, bénéfices et risques pour la santé. "On ne peut pas avoir que des bienfaits. Je me suis aperçu qu'il y avait pas mal de risques, dit-il. Je n'ai pas envie d'amener tout le monde à l'eau froide." Alors que cette pratique se répand, France 3 Provence-Alpes l'a interrogé.
Quels sont les bienfaits de la nage en eau froide ?
La nage en eau froide est à la fois bénéfique pour la santé mentale et pour la santé physique. "En entrant dans l'eau, votre corps subit un stress thermique et sécrète de multiples hormones : l'endorphine, qui procure du plaisir, des catécholamines, hormones du stress, qui permettent une habituation au stress quotidien. Le corps sécrète aussi des neurotransmetteurs, que sont la dopamine et la sérotonine", détaille Nicolas Iconomidis.
Résultat : les personnes qui nagent régulièrement en eau froide, ressentent une sensation de bien-être, d'énergie. Leur corps peut plus facilement gérer le stress, auquel il s'habitue avec les baignades régulières. La dopamine et la sérotonine influent sur l'humeur. "Selon certains auteurs, l'eau froide serait même un traitement de la dépression", insiste Nicolas Iconomidis.
Les bienfaits sur la santé physique se situent à plusieurs niveaux, explique-t-il : l'eau froide diminue les facteurs de risques cardiovasculaires, elle renforce les défenses immunitaires et agit sur l'insulino-résistance, état qui se situe avant l'apparition du diabète de type 2.
"En plus, c'est plus hypothétique, mais cela améliorerait la motricité vasculaire, et permettrait ainsi de lutter contre l'artériosclérose. Quand on nage dans l'eau froide, on a une vaso-constriction, une contraction des vaisseaux périphériques pour nous protéger contre le froid. Et quand on sort de l'eau froide, on a une vasodilatation parce qu'on se réchauffe. Cette motricité vasculaire, on l'a perdue au XXIe siècle parce qu'on est toujours dans une température ambiante de 20°C."
La nage en eau froide est également un "boosteur d'immunité" : "les nageurs en eau froide font moins d'infections ORL et pulmonaires que la population témoin. En plus, nager dans l'eau salée permet de laver les fosses nasales et diminuer les infections au niveau des sinus." Cependant, une trop forte exposition peut entraîner une immunodépression : "il y a un équilibre à trouver", précise le médecin.
Quels sont les risques ?
Nicolas Iconomidis le rappelle autant que possible : on n'entre pas dans une eau froide sans un minimum de préparation. Par exemple, il conseille aux nageurs peu expérimentés de commencer leur pratique en automne afin que l'hiver venu, leur corps soit acclimaté aux températures de saison.
"Le stress thermique provoqué par l'eau froide entraîne une accélération du pouls, une augmentation de la fréquence respiratoire et une élévation de la pression artérielle, précise le médecin. Cette augmentation de la fréquence respiratoire peut entraîner une panique respiratoire au moment de l'immersion, qui peut conduire à inhaler de l'eau, donc à se noyer."
"Le deuxième effet dangereux, explique-t-il, c'est que l'immersion du corps dans l'eau froide fait appel au système nerveux sympathique qui entraîne une accélération du pouls. Et quand on immerge son visage, le système nerveux parasympathique ralentit le pouls. Ces deux systèmes envoient un message paradoxal au niveau du cœur. Cela peut entraîner des troubles du rythme cardiaque. C'est la raison pour laquelle il ne faut rentrer lentement et mouiller son visage en dernier. Et ne pas bloquer sa respiration. "
Pour éviter des risques à plus long terme, comme l'hypothermie, Nicolas Iconomidis recommande de se fixer un temps de nage maximum.
D'autres risques sont liés à l'environnement : en mer par exemple, le refroidissement peut être accentué par le vent et la houle. Il peut y avoir des courants, des méduses, de la pollution ou des bateaux, qui ne s'attendent pas à croiser les nageurs en cette saison. Dans les lacs de montagne, les nageurs doivent aussi composer avec le manque d'oxygène lié à l'altitude.
Comment se préparer à la nage en eau froide ?
Pour les débutants, Nicolas Iconomidis recommande de commencer sa pratique régulière de la nage en automne et de diminuer le temps d'immersion à mesure que la température baisse. "Nager en groupe", "rentrer dès que l'on ressent des frissons" et "protéger les zones de déperdition thermique, comme la tête, le cou ou l'aine, en raison de la présence de gros vaisseaux superficiels" sont ses autres conseils essentiels.
"À la sortie, il y a un créneau de 10 minutes, où on ne ressent pas le froid. C'est à ce moment-là qu'il faut rapidement se sécher, superposer les couches et prendre une boisson chaude".
En amont, le médecin préconise de consulter son généraliste, afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de contre-indications, type maladies cardiaques ou neurologiques.
Quelles sont les idées reçues sur la nage en eau froide ?
Sur certains sites internet, on peut lire des conseils du type "Dans une eau à 13°C, nagez 13 minutes". "En réalité, notre tolérance est variable d'une personne à l'autre, précise Nicolas Iconomidis. Plusieurs facteurs entrent en jeu, comme l'indice de masse corporelle (IMC), la répartition des graisses, la génétique, la condition physique, l'état de fatigue…"
L'autre idée reçue contre laquelle le médecin s'élève, c'est qu'il faudrait boire beaucoup d'eau avant de nager en eau froide. "La pression hydrostatique, associée au phénomène de vasoconstriction liée au froid, ramène le sang au niveau de la région cardio-pulmonaire. Si vous buvez beaucoup d'eau, le volume sanguin va augmenter, il y a un risque d'essoufflement et d'œdème pulmonaire d'immersion."
En revanche, Nicolas Iconomidis recommande de bien s'hydrater à la sortie de l'eau et de manger, pour éviter l'hypothermie.
Une troisième idée reçue voudrait qu'il n'y ait pas de méduses l'hiver. C'est faux. C'est pour cela qu'en préparant une nage en eau froide, il faut toujours se renseigner sur la température de l'eau, la météo, et sur la présence de méduses.