A La Ciotat, le répit est arrivé par le biais de l'arrêté préfectoral, pas de fermeture des bars et restaurants comme à Aix ou Marseille. Une fermeture prévue à 22H . Une demi-mesure, d'où un sentiment mitigé pour les professionnels, comme Grégory Der-Mesrobian restaurateur à la Ciotat.
La Métropole Aix-Marseille a été placée en "alerte maximale" suite aux chiffres communiqués par l'Agence Régionale de Santé de Provence-Alpes-Côte-d'Azur.
Le ministre de la santé Olivier Véran a annoncé des mesures sanitaires pour toute la Métropole Aix-Marseille.
Parmi les 92 communes du territoire, certains maires ont fait remonter le nombre de cas positif au Covid pour leur ville. Certaines communes n'en ont aucun. D'où le sentiment partagé "d'une mesure trop globale et pas cohérente avec la réalité du terrain".
"Depuis le confinement, on ne fait que subir, comme pris en otage", souffle Grégory Der-Mesrobian, restaurateur à la Ciotat.
Après la fronde de la profession, ralliée par les patrons de bars, gérants de salles de sport et soutenus par l'ensemble des élus, tous partis politiques confondus, le ministre de la santé est venu en personne à Marseille.
Il en a profité pour se rendre à l'hôpital de la Timone où il a rencontré le professeur Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur à Paris et membre du Conseil scientifique Covid-19.
La réunion avec le préfet de Région, Christophe Mirmand et le Ministre de la santé, Olivier Véran et les élus locaux a donné lieu a un assouplissement de plusieurs mesures concernant l'obligation de fermeture des lieux publics.
Seules les villes D'aix-en-Provence et Marseille sont concernées.
La fermeture est repoussée à dimanche soir pour permettre aux professionnels de pouvoir écouler leur stock dans ces deux villes.
Dans les communes de plus de 10.000 habitants dont le taux d'incidence est supérieur à 100 pour 100.000 habitants, ils pourront rester ouverts mais seulement jusqu'à 22H. 15 communes sont concernées par cette fermeture à 22H.
C'est le cas à La Ciotat, mais les restaurateurs ne sont pas enthousiastes pour autant.
"Cette autorisation est un moindre mal, mais c'est pas ce qu'il nous faut du tout", déplore le co-gérant du Kitch and Cook.
Selon Grégory Der-Mesrobian, à La Ciotat, depuis le déconfinement, les horaires imposés de fermeture n'ont fait que changer. "Un temps 23h, puis minuit et demi ou minuit... On ne fait que s'adapter depuis cette crise, on continuera de le faire, mais le ras-le-bol est là", s'agace l'entrepreneur.
La clientèle est perdue
Son restaurant peut accueillir 28 places assises par service et depuis la réouverture post-confinement, sa jauge est passée à 15 couverts."Le soir, je faisais deux services. Là, avec cette obligation de fermer à 22h, je suis contraint de ne faire qu'un service, ou alors des plats en direct à 21h...et encore, voilà il faut qu'on s'adapte encore", se résigne le restaurateur.
Comme tous les restaurateurs, il a dû investir également pour mettre en place le protocole sanitaire exigeant."On ne peux plus exercer sereinement"
Mais ce n'est pas le plus dérangeant, c'est surtout le métier qui doit évoluer.
"On va devoir faire la police dans notre propre établissement. Presser les gens à partir à 22h, c'est pas cela notre métier. On va devoir leur expliquer qu'il faut venir à 19h, pour être sûr de partir à 22h... C'est forcément beaucoup moins convivial", désespère ce restaurateur.
Depuis les annonces du Ministre de la santé, des informations contradictoires ont circulé sur l'obligation de fermeture dans toute la Métropole.
"Nos clients ne savent même plus si on est ouvert ou pas. On appréhende de savoir s'ils vont être au rendez vous, et s'ils ne vont pas faire quelques kilomètres supplémentaires et aller à Saint-Cyr", s'interroge Grégory Der-Mesrobian.
Saint-Cyr, étant la ville collée à La Ciotat, située dans le Var et non concernée par ces mesures .
"C'est un sursis, mais on a toujours cette épée de Damoclès au dessus de la tête".
Le métier devient très difficile
La restauration fait partie des métiers "passion", où l'on ne compte pas ses heures, surtout lorsque l'on travaille pour son propre restaurant."Il faut savoir qu'avoir un restaurant, c'est y passer 20 heures sur 24, donc c'est toute notre vie", précise Grégory Der-Mesrobian.
"Etre restaurateur, c'est pas un boulot serein, on est toujours inquiet de savoir, s'il fait beau, si les clients seront au rendez-vous, si on va pouvoir écouler les produits frais que nous achetons" détaille ce passionné de bonne cuisine.
La gestion des stocks participe au stress des professionnels où tout est fait maison.
"Pour ceux qui cuisinent que du surgelé, pas de souci. Ils vont tout garder dans les congélateurs, mais pour notre cuisine faite maison, c'est plus compliqué. Nos fournisseurs doivent s'adapter avec des restaurants fermés sur Marseille et Aix-en-Provence et d'autres ouverts partiellement", déplore ce restaurateur.
Avec ces nouvelles restrictions, les professionnels de la restauration vont devoir aussi essayer de travailler différemment.
Selon, ce restaurateur, "notre plus gros du travail, va être le midi, puisque là nous n'avons pas de limite de temps pour accueuillir nos clients. Encore faut-il que de nouvelles mesures ne tombent pas et que les gens ne soient pas obligés de faire du télétravail, cela nous enlèverait notre clientèle du midi aussi".
Cet entrepreneur se pose alors la question, pour limiter les pertes de chiffres d'affaires, de se remettre à la vente à emporter comme pendant le confinement."Après les gilets jaunes, il se pourrait qu'il y ait les torchons jaunes"
"C'est bancal, on va devoir faire de l'emporter et du physique. D'autant que notre cuisine ne se prête pas vraiment à de l'emporter, on n'est pas un fast food", s'irrite Grégory Der-Mesrobian.
"La vente à emporter ça ne rapporte pas. En trois semaines de confinement, on a gagné l'équivalent d'une semaine normale. C'est pas jouable. On a dû mettre du personnel en chômage partiel", ajoute le restaurateur résigné.
La tentation de la désobéissance
Face à ce que les restaurateurs considèrent comme "du mépris" ou "de l'incompétence de la part du Ministre", la gronde continue de s'intensifier. De nombreux patrons envisagent notamment sur Aix-en-Provence et Marseille de rester ouvert, ou dans les communes où la fermeture est prévue à 22h, de dépasser le temps autorisé."Nous faisons le plus gros de notre chiffre d'affaire du 15 juin au 15 septembre. Heureusement la période s'est bien passée. Mais avec le confinement, on a perdu énormément. Ces restrictions nous enfoncent encore plus, je pense aux confrères Marseillais et Aixois, c'est très dur", explique Grégory.
L'équilibre financier des restaurateurs et des chefs de petites et moyennes entreprises est toujours très fragile.
"Nous entamons notre septième année, il nous restait pas grand chose pour rembourser nos prêts. 2020 plombe tous les efforts et notre travail depuis des années. C'est rageant", peste le restaurateur.
Avant de partir dans un monologue interrogatif à la fois pour lui même, pour les autorités et pour tous au final.
"On risque quoi si on reste ouvert? Des amendes? Qui représententent l'équivalent d'un mois de travail, voir plus?
Une fermeture administrative? De la prison? "
Puis vient un moment plus apaisé dans la conversation, où la colère laisse place à la résignation.
"Sincèrement, même si la raison nous dicte de ne pas le faire, l'énervement nous pousse vers la désobéissance".