Ce samedi 9 décembre, le premier centre d'accueil LGBTQIA+ de Marseille ouvre ses portes et avec lui la possibilité d'avoir une ville plus inclusive. Rencontre avec des clients du Boum, bar inclusif dans le quartier de Notre-Dame-du-Mont.
Trente ans après Paris, Marseille ouvre son premier centre d'accueil LGBTQIA+ (lesbienne, gay, bisexuel, transsexuel, queer, intersexe et asexuel). "Toutes les grandes villes de France ont déjà un centre LGBTQIA+, Marseille n’en avait pas. C’est à la fois un rattrapage et une remise à niveau qui voit le jour grâce au soutien des institutions", publiait sur Instagram, en décembre 2022, l'association Fierté Marseille organisation, porteuse du projet.
À quelques rues du Cours Julien, sur la terrasse du Boum Johana, 33 ans et Louis*, 26 ans discutent de l'inauguration de ce centre d'accueil. "C’est un truc de fou que ça n’ouvre que maintenant", souffle Louis*. "Marseille c’est quand même la deuxième ville de France", réplique Johana.
"Les bars, restaurants, boîtes LGBT ça se compte sur les doigts d’une main !”
Louis* s'est installé dans la cité phocéenne il y a trois ans. "Avant j’habitais à Grenoble, il n'y avait pas trop d’endroits inclusifs. En déménageant à Marseille je me suis dit qu’il y en aurait plus mais ce n'est pas le cas, se désole-t-il. Les bars, restaurants, boîte LGBT+ ça se compte sur les doigts d’une main !” Les deux amis les énumèrent : "Les 3G, le Pulse, le Cancan , l'Annexe et le Boum".
"À Paris, il n'y a pas besoin d’un lieu avec le titre "LGBT+ friendly", ce n’est pas précisé mais c’est inclusif, remarque Johana. À Marseille il faut le vouloir pour aller dans un lieu inclusif."
"Il y a des collectifs LGBT+ qui organisent des événements, précise Louis*. Mais tout passe par le bouche à oreille. Il faut connaître des personnes qui vont t’en parler." Johana hoche la tête pour manifester son approbation.
À l'intérieur du Boum, la lumière est tamisée. Les rires des clients s'entremêlent avec le claquement de la tireuse à bière. Charles, s'est installé sur la banquette située à l'entrée de l'établissement. Cet ingénieur de 36 ans, ne partage pas entièrement l'avis des deux amis.
"J'habite à Marseille depuis 2013, avant que ça devienne cool, ironise-t-il. À l’époque la ville avait du retard, mais aujourd’hui je trouve que ça va mieux. L'offre d'endroits où sortir se diversifie et depuis deux ans la scène Drag se développe et il y a du niveau !" Il lance un regard à Stéphane alias Madame Victor, son nom de Drag Queen. Il est attablé un peu plus loin.
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Marseillais pur souche Stéphane, 42 ans, a aussi observé une évolution positive des mentalités à Marseille. "Je m’étais toujours interdit de faire du Drag. Dans les années 2000 il ne fallait pas être folle", plaisante-t-il.
"Depuis janvier je me suis mis à participer à des scènes ouvertes. On a la chance d’avoir maintenant des endroits qui nous accueillent et où on se sent en sécurité, notamment dans le quartier de Notre-Dame du Mont", explique-t-il avant d'ajouter en souriant : "On parle du Cours Ju, mais c’est le Queer Ju !"
"Il y a beaucoup d'énergie !"
Si le Boum a ouvert l'année dernière, c'est justement pour que "les gens de la communauté au sens large puissent se sentir en sécurité, raconte Amal, sa cofondatrice. Il y a un besoin de lieux sûrs et inclusifs à Marseille. On a été accueillis avec bienveillance et enthousiasme."
Des karaokés, aux performances de Draq King et Queen en passant par des spectacles de stand-up : de nombreux évènements y sont organisés."La communauté LGBT+ de Marseille est très dynamique, il y a beaucoup d'énergie !", ajoute-t-elle.
Une énergie qui était déjà présente dès les années 1970, se rappelle Christian de Leusse, fondateur du collectif Mémoire des sexualités: "Pendant dix ans entre 1977 et 1987, le GLH de Marseille (Groupe de Libération Homosexuelle) a par exemple organisé des réunions, des universités d'été homosexuelles et a œuvré pour la dépénalisation de l'homosexualité".
Christian de Leussese se souvient aussi de la "scission entre les associations militantes" et celles qu'il appelle "conviviales". "Dans les années 90, tout le monde voulait la création d'un centre d'accueil commun mais on était divisé, déplore-t-il. La coordination ne se faisait pas." En 2010, deux marches des fiertés ont même été organisées le même jour.
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"Il a fallu éprouver des tensions pour entrer dans une dynamique collective, note-t-il. Depuis 2016-2017, les associations marseillaises ont travaillé ensemble sur ce projet de centre d'accueil". Projet qui selon lui peut être un "lieu de départ pour sortir du cloisonnement". Sûrement le moyen aussi de visibiliser plus largement les initiatives des associations et de rendre la cité phocéenne plus inclusive.
(*Les prénoms ont été modifiés)