Déconfinement : à Marseille, le timide retour sur les bancs des écoles dans les quartiers Nord

Sur les 300.000 élèves que compte l'académie d'Aix-Marseille, 46.000 ont rejoint les bancs désinfectés des écoles le 11 mai. Un retour timide qui s'explique en partie par une crainte des parents concernant l'évolution de l'épidémie, comme dans les quartiers Nord à Marseille. 

Quand on demande son avis à Sébastien Fournier, le responsable Snuipp-FSU Marseille dans les 13 et 14ème arrondissements de Marseille, il n'y va pas par quatre chemins.

"Le but du retour à l'école, énoncé par le ministre de l'Education, est un échec. C'était pour les élèves décrocheurs, mais ce sont eux qui ne retournent pas à l'école", constate le représentant Snuipp de ces quartiers Nord, réputés difficiles de la cité phocéenne.

Pour le syndicaliste, le plan de déconfinement basé sur le volontariat a raté sa cible. "Il y a eu trop de mensonges ou en tout cas un discours peu concordant en deux mois", ce qui n'incite pas les parents à la confiance. "Il y a même une forme de défiance".

Seul 15% des élèves sont revenus en cette première semaine d'école, selon les chiffres de l'Académie d'Aix-Marseille. Dans les quartiers Nord, qui concentrent huit réseaux d'éducation prioritaires, ce chiffre s'effondre à 3,7%, selon la maire d'arrondissements, Samia Ghali. A peine 409 élèves sur 11.000, dénonce l'élue.

"En évitant de trancher clairement la question du retour à l’école obligatoire pour tous en Mai ou en Septembre, la stratégie confuse du "et en même temps" est entrain d’accroitre les inégalités sociales", insiste Samia Ghali, qui dit craindre "une "deuxième vague" plus sociale que sanitaire".

A cela s'ajoute l'état des écoles marseillaises avant confinement, déja fortement décrié, un facteur de plus qui pèse dans la balance au moment de faire un choix entre retour ou non à l'école.

"Ils savent que la priorité du gouvernement c'est la reprise économique, et pas l'éducation dans les zones prioritaires, ce double discours agaçent les parents", précise Sébastien Fournier.

L'école buissonnière des quartiers Nord

"Les parents doutent des mesures mises en place", confirme Nassim Khelladi, directeur du centre social de la Castellane dans le 16ème arrondissement de Marseille.

"Les écoles ne devaient pas fermer, puis elles ferment, les élèves sont vecteurs du virus, puis ne le sont plus... On comprend que les parents soient perdus dans toutes ces informations contradictoires".

Pour la plupart des parents d'élèves, le retour en classe dès le 11 mai semblait prématuré et bon nombre d'entre eux "ont préféré attendre de voir comment se passait la rentrée, comment le corps enseignant s'organisait et si le protocole imposé par le ministère de l'éducation était réalisable", détaille Nassim Khelladi, en contact direct avec les familles.

Depuis le début du confinement, le centre social de la Castellane est fermé, mais il reste "un lieu central de la vie de ce village dans la ville". Une partie des locaux a servi d'entrepôt pour le stockage des colis alimentaires, distribués aux familles les plus démunies.

"Les éducateurs ont procédé aux livraisons et en profitaient pour faire le lien avec les élèves et l'école, en apportant des photocopies de cours pour la continuité pédagogique", lorsque la fracture numérique empêchait les enfants de suivre l'école à la maison. 

Pour limiter le décrochage scolaire encore, un collège avait aussi mis en place un système de pochettes contenant les exercices, "déposées devant la porte de l'établissement, à disposition pour les élèves qui souhaitaient poursuivre leurs cours", raconte le directeur du centre social. 

Une situation sanitaire inquiétante

Rien qui ne puisse toutefois rassurer les familles sur la crise sanitaire, dans ces quartiers pointés du doigt, comme particulièrement touchés par le coronavirus.

"La confiance ne sera rétablie entre les parents et l'école uniquement quand l'Etat sera en mesure de donner une cartographie localisée de la réalité sanitaire, quartier par quartier de l'épidémie", estime Sébastien Fournier.

Des écoles des quartiers de Malpassé et Kallisté situés dans le Nord de Marseille n'ont pas pu ouvrir  le 11 mai, en raison d'un trop grand nombre de cas de coronavirus chez des familles d'élèves.

Dans le quartier Malpassé, "l'ARS indique qu'il n'y a pas de cluster, et donc que rien ne s'oppose à la réouverture des écoles. De son côté, le rectorat n'a pas fixé de date de retour pour les élèves", indique Sébastien Fournier.

L'école du volontariat

Un flou entretenu par l’école du "volontariat", selon le représentant syndical, à quelques semaines de la fin de l'année, où "les parents ont le sentiment que leurs enfants sont mieux protégés chez eux, avec eux".

"Les images qui ont circulées en début de semaine d'enfants en récréation dans des périmètres délimités ont aussi conforté certains parents dans l'idée que la situation pouvait être traumatisante", ajoute Nassim Khelladi.

L'annonce du décès à Marseille d'un enfant de neuf ans d'une forme proche de la maladie de Kawasaki, décrite chez de jeunes patients ayant été en contact avec le coronavirus, n'est pas faite pour rassurer les parents, selon le directeur du centre social. 

Le tryptique des urgences

Médecin à l'hôpital Nord de Marseille, Annie Lévy-Mozziconacci suit depuis le début de l'épidémie ces populations défavorisées. Pour la médecin, l'urgence est triple" sociale, sanitaire et éducative".

A la problématique du confinement dans des appartements suroccupés, se sont ajoutées la question sanitaire et des difficultés d’ordre sociale, de privation de la nature et de la culture. "Le bien-être passe par le fait de manger à sa faim, de pouvoir être soigné correctement, mais aussi par la nourriture de l'âme", explique le docteur Lévy-Mozziconacci, également élue de l'opposition. 

"Pouvoir sortir s'aérer et se reconnecter au vivant, à la nature, avoir accès à la culture à l'art, c'est primordial après ces semaines d'enfermement"
.

La solution passe par "des dépistages plus nombreux pour permettre la réouverture des théatres, des cinémas, de bibliothèques" pour que l'art et la culture soient de nouveau accessibles, estime-t-elle.

Un souhait partagé par Nassim Khelladi qui réfléchit déjà dans son centre social à "l'après-école", pour l'organisation de vacances avec des centres aérés, des colonies de vacances, "pour raccrocher les élèves sortis des radars".
 
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