Dans les Bouches-du-Rhône, 14 000 tonnes de déchets toxiques dorment à ciel ouvert depuis l'incendie d'un entrepôt industriel en décembre 2021. Une pétition du collectif Cistude dénonce les risques de pollution tandis que services de l'Etat et collectivités se renvoient la balle.
Saint-Chamas est fière de son label de "meilleure commune de la biodiversité" décerné en 2022, ce qui fait d'elle la championne française de l'environnement, parmi les villes de moins de 20 000 habitants. Alors, la municipalité se passerait bien de cette montagne de déchets qui fait tâche dans le paysage comme sur le papier.
Le 26 décembre dernier 2022, un incendie ravageait un site de traitement des déchets géré par la société Recyclage Concept et implanté sur la commune. Le feu, difficilement maîtrisable a duré trois semaines, crachant dans l'atmosphère des fumées toxiques et des particules fines dangereuses pour la population. Un gigantesque nuage toxique a noirci le ciel durant quarante-huit jours, polluant l'air dans toute la région, de Salon-de-Provence à Fos-sur-Mer. Sollicité par un collectif d’habitants, France Nature Environnement avait alors porté plainte pour mise en danger de la vie d'autrui, atteinte à l'environnement et non respect des prescriptions du code de l’environnement.
Un an plus tard, "14 000 tonnes de déchets, en grande partie carbonisés, s'entassent toujours sur le site du sinistre", dénonce le collectif Cistude, auteur d'une pétition en ligne. Le collectif pointe du doigt l'immobilisme des autorités, au mépris de l'inquiétude grandissante des habitants : "Les services de l’État (Dreal) et la Métropole Aix-Marseille-Provence, dont le maire de Saint-Chamas est vice-président délégué au budget et aux finances, se renvoient la responsabilité de l'évacuation", précise la pétition, qui réclame plus de transparence et la fin des "tergiversations". D'autant que l'Etat vient de débloquer 300 000 euros pour que ces déchets soient évacués avant le printemps.
"Une enveloppe un peu courte" car l'évacuation des déchets est loin d'être suffisante, rappelle Richard Hardouin, président de la FNE13 : "Il ne suffit pas d'aller les déposer ailleurs, il faut aussi envisager de les recycler", d'autant qu'ils "contiennent des polluants qui peuvent infiltrer les sols et donc les nappes phréatiques."
La criminalité organisée des déchets
Au fil du temps, les décharges sauvages semblent gagner du terrain dans le département des Bouches-du-Rhône qui en compte une cinquantaine. Dans la liste figure celle du plateau de l'Arbois devenue peu à peu la troisième décharge la plus importante du pays avec un volume de déchets estimé de 150 000 à 200 000 m3 sur 15 hectares, soit six fois plus qu'à Saint-Chamas.
Si ces décharges fleurissent, c'est souvent parce qu'elles cachent un système illégal. L'enquête menée suite à l'incendie de Saint-Chamas avait d'ailleurs mis au jour un trafic de déchets impliquant six entreprises, poursuivies pour escroquerie en bande organisée et infractions à la réglementation. "C'est la deuxième filière économique mafieuse en France après la drogue", explique Richard Hardouin, président de la FNE13, regrettant que l'Etat ne se donne pas les moyens de contrôler l'activité de ces entreprises, "lesquelles profitent du temps de réaction des organismes de surveillance qui est de deux ans".
Une application pour signaler les décharges sauvages
Pour gagner du temps, les citoyens peuvent signaler de nouvelles décharges, qui apparaitraient sous leurs yeux, par le biais de l'application Sentinelles de la nature. "C'est la communauté citoyenne qui géolocalise et résout les atteintes à l'environnement, partout en France ."Lancée à l'initiative de France Nature Environnement en 2015 en Isère, cette initiative couvre aujourd'hui tout le territoire métropolitain.