Dans le Vaucluse, département gangréné par la pauvreté, la violence liée au trafic de drogue est en hausse.
Un vauclusien de 22 ans est jugé lundi par la cour d'assises d'Avignon pour le meurtre du policier Éric Masson, près d'un point de deal à Avignon. Les faits remontent au 5 mai 2021. Le trafic de stupéfiants n'a pas faibli depuis et la violence s'est même exacerbée dans le Vaucluse, département gangréné par la pauvreté.
En attendant le procès, qui va se pencher sur "une plaie difficile à refermer", selon les mots de la procureure de la République d'Avignon, Florence Galtier, les audiences de comparutions immédiates, celles des délits du quotidien, témoignent de la réalité du trafic de drogue sur ce territoire.
Jusqu'à 30 000€ par jour
Un exemple. Le président du tribunal correctionnel lit le procès-verbal de la BAC, la brigade anticriminalité : 09h45, surveillance place du Viguier, connue pour abriter un gros point de deal. C'est le matin et déjà, ils assistent à plusieurs transactions. Le cannabis et la cocaïne conditionnés pour la vente sont cachés près d'une poubelle devant une épicerie, sous un tapis près d'un boucher ou dans un bac à fleurs, empoisonnant la vie quotidienne des habitants.
Dans le box, deux prévenus. Le gérant présumé, un habitant du quartier déjà très connu de la police et qui a interdiction de paraître à Marseille, où il est mis en cause dans une autre enquête liée aux stupéfiants. Et le guetteur, un Marocain employé à peu de coût (50 euros la demi-journée dit-il), une sorte d'intérimaire de la drogue, étranger, donc facilement exploitable pour faire tourner ces points de deal très lucratifs.
Sur Avignon, ils peuvent rapporter jusqu'à 30 000 euros par jour et donc "on a des guerres de territoires comme à Marseille", illustre Florence Galtier, interrogée par l'AFP.
Résultat : six narchomicides dans le Vaucluse en 2023, deux fois plus qu'en 2022. Loin de la cinquantaine de morts recensés dans la cité phocéenne, mais pour ce département "c'est un chiffre très important", soulignait il y a quelques jours l'ancienne préfète, Violaine Demaret.
"Problème d'éducation"
Claude Simonetti, représentant vauclusien du syndicat de policiers Unité SGP Police FO, a vu depuis 20 ans ces trafics prendre de l'ampleur et s'implanter à Cavaillon, Carpentras, Orange, Sorgues, même dans des villages. Il y a les consommateurs, issus de toutes les classes sociales, et les vendeurs, attirés par le mirage de l'argent facile : "Quand vous rapportez une paie plus importante que votre père, il y a un problème d'éducation et d'argent", souligne le syndicaliste.
Car les trafics prospèrent sur le dos d'un des départements les plus déshérités, avec des poches de difficultés extrêmes comme au Pous du Plan à Carpentras où le taux de pauvreté dépasse les 70%.
Sur le papier pourtant, la stratégie nationale de pilonnage porte ses fruits : les autorités décomptent 53 points de deal sur le Vaucluse, contre 84 il y a trois ans.
Mais "le nombre ne veut pas dire grand-chose (..) il y a des points de deal éphémères qui durent deux heures, et vous allez avoir des points de deal qui fonctionnent 24h/24 avec trois ou quatre implantations à proximité", souligne Emmanuel Desjars de Keranrouë, directeur interdépartemental de la police dans le Vaucluse. Sans compter les réseaux de livraison type Uber-coke.
Ici, tout le monde regarde aussi ce qu'il se passe dans les départements limitrophes, à Valence (Drôme) ou Nîmes (Gard), où cette guerre de la drogue a emporté un enfant de 10 ans cet été. Et à Marseille bien sûr, un des épicentres du fléau en France.
Pour l'instant, "chacun de ces départements a sa propre autonomie en la matière, avec des réseaux anciens, implantés. Mais il n'en reste pas moins qu'on peut parfois détecter sans pouvoir toujours l'établir véritablement, des relais entre les uns et les autres, pour ne pas dire parfois de la coopération", conclut Jean-François Mayet, vice-procureur d'Avignon, pour qui ce problème, qui "dépasse très largement le Vaucluse", doit s'appréhender au niveau "régional ou national".