À l’entrée de certains supermarchés, des "tunnels de désinfection intelligents" ont fait leur apparition. La promesse : stopper la circulation du coronavirus. Du fonctionnement à l’efficacité, France 3 fait le point sur ces nouvelles cabines high tech.
Elles ressemblent aux portiques de détection installées dans les aéroport. Sauf qu'ils sont sensés lutter contre l'épidémie de Covid-19. Placées à l'entrée de certaines grandes surfaces en France comme le supermarché Super U au Pertuis, des cabines promettent aux clients une désinfection à trois niveaux de tout microbe, bactérie et virus, avant d'aller faire leurs courses.
France 3 fait le point sur ce dispositif qui pourrait se démocratiser à l'avenir.
• Quel est le principe de ces portiques ?
C’est un protocole bien particulier qui dure quelques secondes. Après le scan du visage, pour vérifier le port du masque, et la distribution du gel hydroalcoolique, place au procédé de "purification". Avant d’aller faire ses courses, chaque client prend sa température en approchant la paume de sa main d’un thermomètre infrarouge. Puis, il traverse un sas métallique éclairé de bleu diffusant par des micro-brumisateurs la solution désinfectante."Par ultrasons, par lumière ultraviolette et par brumisation d'une solution hypochloreux" [à base de chlore], explique à France 3 Corse Viastella, Paul-Antoine Lanfranchi, directeur de la société Corse Chimie Industrie qui commercialise ces équipements sur l’île de beauté. "Ce n'est pas l'arme absolue mais ça a un rôle" pour limiter la transmission du virus, précise-t-il. A Pertuis, c'est une solution iodée qui est diffusée, soit de l'eau concentrée en iode, un désinfectant classique.
• D'où vient le concept ?
Ces machines sont utilisées depuis sept ans en Asie. Des équipements similaires ont été disposés à l'entrée d'écoles ou d'universités en Iran, au Pakistan et en Ouzbékistan. Le concept fait aussi des adeptes en Turquie, au Maroc, chez nos voisins belges ou encore en Russie. En juin, il a séduit le président Vladimir Poutine qui l’a installé dans sa résidence pour éviter toute contamination au coronavirus apporté par des visiteurs.• Est-ce vraiment efficace ?
Eric Peltier, le dirigeant de Saniboxx, l’entreprise qui a équipé l’Intermarché d’Aups (Var), a expliqué sur LCI qu'il s'agit d’une "brume sèche électrostatique qui attire les éléments en suspension dans l’air" tandis que "l’ozone et les UV ont un pouvoir oxydant sur les germes et virus, ce qui conduit à leur dégradation".En revanche, il concède qu'il est illusoire de penser que les gens seront désinfectés à 99%, comme cela a pu être affirmé dans certains médias. "Ce sont des conditions de laboratoire, qui correspondraient à un type précis de vêtements, avec également un vent nul, détaille-t-il. Dans la réalité, les conditions d’exposition sont bien plus complexes."
La Direction générale de la Santé, elle, insiste auprès de La Chaîne Info : "Les personnes non symptomatiques peuvent transmettre le virus, même après un passage sous le portique". Les infectiologues contactés par France 3, eux, ne sont pas convaincus par le dispositif et rappellent qu’il est primordial avant tout de "se frotter les mains avec du gel ou de l’alcool à 70 degrés. Et de ne pas aller faire ses courses lorsqu’on est contaminé".
"Pour des objets inertes comme les caddies, c’est intéressant, mais pour des personnes, je suis plus dubitatif. Comment une simple vaporisation peut-elle aller traquer un virus dans le revers d’un col, dans les poches d'un manteau, partout où la main peut aller récupérer un virus qui se serait réfugié ?", s'interroge Olivier Bouchaud, du service des maladies infectieuses et tropicales, au CHU d'Avicenne, à Bobigny.
"A moins d’etre trempée dans un bain ou d'avoir les vêtements imbibés, une personne ne peut pas être désinfectée entièrement."
En ce qui concerne les solutions utilisées par ces dispositifs, soit un dérivé du chlore (eau de javel très diluée) soit un dérivé iodé, leur efficacité est dépendante de leur concentration selon ce médecin. Enfin, les UV sont effectivement efficaces sur le coronavirus, "c'est pourquoi on demande d'ouvrir les fenêtres régulièrement car elles constituent des barrières anti-UV". Mais là aussi, une exposition très brève a une action limitée, et une exposition trop importante, trop dangeureuse.
Pour Olivier Bouchaud, il s'agit surtout d'un "artifice promotionnel pour rassurer les plus anxieux, mais sans risques particuliers si on n'en abuse pas". Mais il évoque un effet paradoxal : "Les gens peuvent se sentir protégés et faire moins attention, une fois le portique passé". Enfin, selon lui, la détection de la température devrait s'accompagner de la présence d'un médecin ou d'un vigile qui interdirait l'accès à une personne fiévreuse.
• Où en trouve-t-on actuellement en France ?
En mai, deux Isérois affirmaient avoir créer la cabine désinfectante qui neutralise la Covid-19 en seulement 15 secondes, après avoir vu le concept à l’entrée de boutiques en Chine. A la fin juillet 2020, à Plérin, en Bretagne, un nouvel outil a été mis en place pour la première fois pour désinfecter les caddies dans un supermarché.C'est à la mi-août, à Aups, qu'un directeur d’un hypermarché s'est décidé à installer un portique de désinfection pour les personnes, une première dans le Var. Début septembre, à Monastier-sur-Gazeille, en Haute-Loire, la cabine a fait son apparition à l’entrée d’une grande surface. Un restaurant à Narbonne, début octobre, a lui aussi rendu obligatoire un passage par la "Sanibox", une cabine de désinfection aux UV et à l'azote, qui a également pris la température de chacun des clients.
Depuis début novembre, les "tunnels de désinfection" ont conquis des grandes surfaces à Ajaccio (Corse) et à Pertuis (Vaucluse). "C'est un produit qui avait déjà été testé dans le Sud-Est par d'autres enseignes, à Nice par exemple, donc il nous a semblé intéressant de nous en doter aussi", affirme Bruno Dartevelle.
Le gérant de l'hypermarché à Pertuis a fait appel à une entreprise française basée à Valbonne (Alpes-Maritimes) pour ce "kit complet tout en un" d'une valeur de 12 000 euros environ. Equipée de lampes UV, cette borne peut aussi faire le comptage des personnes qui rentrent dans le magasin.
"Ce n'est pas un portique obligatoire mais on incite les clients à au moins prendre du gel hydroalcolique et leur température."
"Au départ ça a surpris tout le monde car ils ne connaissaient pas le principe, sourit-il. Mais on les a rassuré en leur disant que ce n'était que de l'eau. Certains de nos clients passent même par le portique une seconde fois, lorsqu'ils ont fini leurs courses".
• Est-ce amené à être développé ?
Le marché du sas de désinfection tend à se développer en France. En Isère, deux associés se vantent d'avoir amené le concept en France : "Il y a une entreprise à Lille et une autre près de Toulouse mais on est les seuls à être certifiés" précise Sevan Jourbajian, interrogé par nos confrères de France 3 Auvergne Rhône Alpes. Depuis le 22 mai, l'entreprise affirme posséder une certification européenne, correspondant aux normes exigées.La sortie du premier confinement a aussi poussé une société installée à Tourcoing et à Valenciennes, dans le nord de la France, à se lancer dans la fabrication de tunnels de désinfection amovibles. Ces dispositifs ont aussi été utilisés lors de l'édition 2020 du festival de Cannes.
En région Paca, deux sociétés de l’ouest du département des Alpes-Maritimes, Saniboxx à Valbonne et Axiome concept à Mouans-Sartoux, ont uni leurs compétences pour créer, elles aussi, un sas de désinfection.