Le changement climatique oblige la viticulture française à préparer sérieusement l'avenir, après une année 2016 traumatisante sur le plan météo.
Au total, en 2016, la vendange française a baissé de 10%, une des plus faibles récoltes des 30 dernières années. Un coup dur pour le deuxième producteur mondial en volume et le premier en valeur.
Les effets du changement climatique sont différents selon les régions. Manque d'eau et exacerbation des sécheresses au sud, multiplication des aléas dans les vignobles septentrionaux.
Menace sur les AOC
Selon les experts, le réchauffement menace surtout les 360 AOC (appellations d'origine contrôlées) -- label qui garantie l'origine d'un produit et un savoir-faire-- qui font la renommée mondiale des vins français.
Corsetés par un cahier des charges (cépage, conduite de la vigne, vinification, goût, alcool) et une zone d'implantation stricts, ces vignobles ont peu de marge pour s'adapter.
"On est en train de parler de survie de certaines appellations", a prévenu cette semaine un responsable de l'Institut national des appellations d'origine (INAO), Jacques Gautier, lors d'une audition parlementaire à Paris.
Quatre scénarios pour la survie des appellations viticoles
Quatre scénarios pour assurer la pérennité de la vigne française ont été ainsi été élaborés par l'organisme public FranceAgriMer, l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) et l'INAO.
Dans le premier, "conservateur", tout reste en l'état, sauf l'irrigation qu'il s'agit d'améliorer. Il est viable au moins jusqu'en 2050 "si le réchauffement global n'excède pas 2 degrés", explique Jean-Marc Touzard, chercheur à l'INRA.
Mais il aboutit à un vin différent, plus fort en alcool, dont on ignore s'il plaira au consommateur. "Si on va vers 4 ou 5 degrés de température de plus, la viticulture rentre dans un autre monde", ajoute l'expert: des cépages plus résistants devront être plantés tous les 15-20 ans au lieu de 50 actuellement.
Le deuxième scénario, "innovant", parie justement sur de nouveaux cépages et des pratiques oenologiques correctives pour désalcooliser, afin de maintenir le profil gustatif des vins. Donc de gros investissements.
Le troisième, "nomade", parie sur une liberté de plantation (plus en altitude, ou plus au nord) tout en promettant au consommateur de maintenir à l'identique le goût et l'alcoolisation. C'est celui qui bouscule le plus les AOC et le lien étroit qu'ils entretiennent avec leur terroir jalousement défendu.
La quatrième hypothèse, "libérale", prévoit ouverture des pratiques oenologiques et libéralisation des plantations. Le vin se produirait alors certainement sous des marques, et perdrait l'unité de temps et de lieu qui fait la distinction des jus français.
La recherche de cépages résistants
Et 21 nouveaux cépages adaptés aux températures plus chaudes ou plus résistants aux maladies, dont le célèbre Assyrtiko cultivé sur le volcan écrasé de soleil de Santorin en Grèce, ou le Verdejo de Valladolid en Espagne, devraient bientôt recevoir un feu vert officiel pour être plantés en France, hors zones AOC.
De vieux cépages, récemment redécouverts, comme le chouchillon (Loire) ou l'Onchette (Isère), ont aussi été sélectionnés.