TEMOIGNAGE. "Que notre cold case fasse jurisprudence", Thierry Bonfanti se bat pour que le meurtrier présumé de sa femme soit jugé

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Thierry Bonfanti revient sur 36 ans de combat pour que le meurtrier de son épouse, Marie-Thérèse Bonfanti, soit arrêté et jugé. ©France 3 Alpes / Céline Aubert-Egret

Après 36 ans d'impasses et de combats judiciaires, l'époux de Marie-Thérèse Bonfanti espère que le meurtrier présumé de sa femme sera jugé. Une décision qui pourrait faire jurisprudence pour de nombreux cold cases en termes de prescription. Thierry Bonfanti est l'invité de l'Instantané sur France 3 Alpes.

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Lorsque Yves Chatain a avoué le meurtre de Marie-Thérèse Bonfanti, et que les ossements de la jeune femme ont été retrouvés, à l'automne dernier, Thierry Bonfanti a senti "une chappe de plomb descendre de [son] corps", "comme une délivrance". Son combat pour la vérité touchait à sa fin.

Depuis 36 ans, le mari de la victime se battait avec ses enfants et la famille de Marie-Thérèse Bonfanti pour que l'enquête aboutisse et que la disparition de sa femme ne tombe pas dans l'oubli. 

La jeune maman de deux enfants, alors âgée de 25 ans, s'était volatilisée le 22 mai 1986 alors qu'elle livrait des journaux à Pontcharra, en Isère. "C'était une femme très enjouée, qui aimait plaisanter, qui aimait rigoler. Elle était très appréciée par les gens du village dans lequel nous habitions, la Rochette", confie son époux.

Clore le dossier au bout de deux ans, "c'était une injustice"

Dès la fin de l'après-midi, Thierry Bonfanti donnait l'alerte. "C'est une journée marquante qui restera à vie, c'est une journée qui a été au-delà de ce que l'on peut vivre. Vous imaginez que lorsque l'on s'aperçoit que les choses vont être compliquées et qu'il s'agit bien d'une disparition, la vie s'arrête".

Et les choses se compliquent d'autant plus, que l'enquête mène à une impasse. Elle est classée deux ans après la disparition. Cette annonce reste douloureuse pour Thierry Bonfanti, trente ans plus tard.

"Au bout d'un an et demi, deux ans, clore le dossier de cette façon, c'est un sentiment d'injustice. On se pose énormément de questions et on sent bien que toutes les investigations qui ont été faites ne nous ont pas sécurisées. C'est quelque chose qui m'a beaucoup bouleversé à titre personnel", raconte-t-il, la voix ceinte par l'émotion. 

L'acharnement de la famille finit par payer

Pendant trois décennies, la famille n'abandonne pas et multiplie les actions pour tenter de faire elle-même la lumière sur la disparition de Marie-Thérèse Bonfanti, avec le soutien de l'association Assistance et Recherche des Personnes Disparues (ARPD). Les proches de la jeune femme oscillent entre colère, détermination, désespoir et abattement.

"C'est vrai que pendant 36 ans cela a été très compliqué, on est passé par des hauts et des bas, mais on est une famille assez soudée, même si, parfois, on n'a pas les mêmes visions des choses sur la façon dont il faut mener l'affaire. Mais j'ai des beaux-parents qui se sont beaucoup investis".

En 2020, leur acharnement paye. L'affaire est rouverte et confiée à la cellule "cold case" de la section de recherches de la gendarmerie de l'Isère. Elle aboutit, en 2022, à l'arrestation d'Yves Chatain, déjà suspecté à l'époque. L'homme avoue et conduit les enquêteurs à l'endroit où il a caché le corps. Après des fouilles, les ossements de Marie-Thérèse Bonfanti sont retrouvés. La famille sait enfin ce qu'il lui est arrivé.

"J'ai toujours été persuadé qu'il était coupable parce que, quand j'étais aux abords de cette maison, que j'ai retrouvé le véhicule, il est arrivé quelques minutes après : la façon dont il m'a regardé, la façon dont il a réagi, on sentait que c'était un homme traqué qui se posait des questions, si éventuellement je n'avais pas vu quelque chose. Et, tout à fait naturellement, je n'ai pas eu envie de lui poser la moindre question et je ne peux pas l'expliquer", indique Thierry Bonfanti.

Notre but, c'est d'arriver à nos fins, c'est qu'il soit jugé et surtout que notre affaire de disparition puisse faire jurisprudence à l'avenir.

Thierry Bonfanti

époux de Marie-Thérèse Bonfanti, disparue en 1986

Mais le soulagement n'est pas total. De nouvelles craintes se font jour, l'obligeant à rester mobilisé. Car la possibilité de voir Yves Chatain échapper à la justice n'est pas exclue, au titre de la prescription. La famille Bonfanti doit, de nouveau, patienter pour savoir s'il sera jugé ou non.

Fin janvier dernier, le meurtrier présumé s'est pourvu en cassation, suite à la décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble de rejeter la prescription des faits et de faire courir le délai à partir des aveux d'Yves Chatain. 

Les avocates du mis en cause avaient demandé l’annulation de la mise en examen de leur client au nom de la prescription. À l’époque des faits, celle-ci était de dix ans, contre vingt aujourd’hui.

La bataille de la prescription

"C'est la seule solution qu'il lui reste", estime Thierry Bonfanti. "Le fait que cette prescription ait été déclinée, cela nous donne de nouveaux horizons. Notre but, c'est d'arriver à nos fins, c'est qu'il soit jugé et surtout que notre affaire de disparition puisse faire jurisprudence à l'avenir. Aujourd'hui, c'est une situation qui n'est pas normale d'avoir une prescription, surtout quand le meurtrier a avoué", regrette-t-il.

Il appartient désormais à la plus haute juridiction du droit français de déterminer si la décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble est conforme au droit ou si une autre chambre de l'instruction doit être saisie pour statuer sur la prescription ou non des faits. Le combat judiciaire de la famille Bonfanti n'est donc pas encore terminé.

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