En Nouvelle-Calédonie, les affrontements continuent entre les émeutiers et les forces de l'ordre. Sur place, des touristes restent encore bloqués. L'aéroport de Nouméa est pour le moment fermé au trafic international. Trois Auvergnats sont dans l'impossibilité de quitter le territoire, ils livrent leur témoignage.
Le président de la République Emmanuel Macron doit arriver, ce mercredi 22 mai (heure de Paris), en Nouvelle-Calédonie. Une visite pour tenter d'apaiser les troubles en cours sur ce territoire français du Pacifique. Des émeutes liées à la volonté de "dégel" de la liste des électeurs, envisagé par l'État, pour les élections locales. Six personnes ont déjà trouvé la mort, dont deux gendarmes, au cours de ces troubles en outre-mer.
Pour les touristes bloqués sur place, peu de solutions. Le territoire à 17 000 km au sud-est de l'Hexagone est sous le régime de l'état d'urgence, et sous couvre-feu. Les ressortissants d'Australie et de Nouvelle-Zélande pourraient être évacués dans les prochaines heures. Ceux venant de l'Hexagone, restent quant à eux encore sur place. C'est le cas pour trois Auvergnats que nous avons contactés.
Restreints dans leurs déplacements, ils nous racontent la situation sur place.
Du paradis à l'enfer
Antoine Lelièvre, 30 ans, est venu passr trois semaines de vacances en Nouvelle-Calédonie. Il est arrivé fin avril, pour voir un couple d'amis installé là-bas depuis 6 mois. Un séjour dans une île que certains disent être "la plus proche du paradis", qui s'est transformé en enfer. "On était en croisière en catamaran et notre skipper nous a dit que il y avait eu des grosses émeutes sur Nouméa. Il fallait qu'on rentre en urgence. On est rentrés. Arrivés à Nouméa, on voyait les incendies, les feux", se souvient-il.
La suite de son voyage est annulée. Il devait se rendre sur une autre île, avec ses amis. "Arrivés au port, le bateau est reparti se mettre à l'abri. Il fallait trouver un hôtel en urgence", complète Antoine Lelièvre. Lui-même et ses camarades de chambrée ne peuvent pas regagner l'Hexagone : la route de l'aéroport international est certes dégagée mais impraticable. Restent alors les promenades à la plage et l’attente devant des magasins, pour s'occuper : "On fait la queue au supermarché. On tombe face à des rayons qui sont plus ou moins vides selon les jours et puis on se débrouille, on va pique-niquer dehors et puis on rentre à l'hôtel avant la fin du couvre-feu."
Outre les trois Auvergnats, "180 personnes, personnel compris", se trouvent dans l'hôtel. "Une centaine d'étrangers, dont la moitié d'Australiens. Quasiment tous partis aujourd'hui", à en croire Antoine Lelièvre. Pour eux, à l'heure actuelle, il n'y a que des informations parcellaires : "On a reçu un document du haut-commissariat (NDLR : le préfet, dans les territoires d'outre-mer) pour nous recenser. Au bout d'une semaine, on se sent écoutés, mais maintenant ce qu'on aimerait, c'est savoir comment va se passer le trajet retour. On nous parle de pouvoir quitter l'île ou ce lieu au mieux samedi, voire dimanche."
Une situation qu'il tient tout de même à relativiser, au vu du contexte. D'autant qu'Antoine Lelièvre a pu reprendre le travail à distance. "Nous, aujourd'hui, c'est vrai qu'on sent un petit peu oubliés. Quand on voit que nos collègues de chambre d'à côté ont pu partir, et qu'ils sont déjà arrivés chez eux, on se dit que c'est un peu frustrant. Après, je suppose qu'ils ont suffisamment de choses à faire, avec déjà la sécurité de l'île, l'accès aux soins, et nourrir la population qui, pour moi, est plus importante que nous touristes", précise-t-il.
Des médecins, soutiens psychologiques improvisés
La situation est toute autre, pour ses compagnons d'infortune. Pour Amaury Brousse et Coline Blanchard, pas de télétravail possible. Ces médecins de Clermont-Ferrand sont arrivés le 4 mai dernier. Tous deux doivent organiser cette absence. "Moi, j'ai mon agenda qui est plein pour deux, voire trois semaines. J'essaie de trouver des remplaçants sur Clermont-Ferrand, mais vu les problèmes de désert médical actuels, c'est très difficile. Je dois annuler mes rendez-vous progressivement, donc laisser mes patients seuls", se désole Amaury Brousse, généraliste clermontois.
Toutefois, les deux médecins ont trouvé de quoi s'occuper, jamais trop loin de leur univers professionnel. Ils tentent d'apporter un réconfort psychologique, aux autres clients de l’hôtel. "Le personnel est adorable. Tout le monde s'occupe bien de nous, alors qu'ils sont dans une situation probablement bien pire que la nôtre, avec des domiciles qui ont brûlé, des familles à sécuriser", ajoute Coline Blanchard, cardiologue au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand.
La soignante regrette que ce voyage ait pris cette tournure inattendue, compte tenu de la beauté de l'île. "On ne peut pas se plaindre sur le cadre. Cela fait partie de nos plus beaux voyages, il y a eu beaucoup de choses à voir, pour ce qui est des 10 premiers jours. C'est vraiment une île incroyable, mais je ne vous cache pas qu'au bout de 7 jours enfermés, on a vraiment très envie de rentrer chez nous", ajoute-t-elle. Le couple doit aussi rentrer, car les jours supplémentaires sur place engendrent des coûts imprévus. Jusqu'à 200 euros par jour pour l'hébergement et la nourriture.
À ce jour, la situation évolue doucement. Le haut-commissariat de Nouvelle-Calédonie (NDLR : équivalent d'une préfecture dans l'Hexagone) évoque une amélioration, en dépit de deux incendies la nuit dernière (heure de l'Hexagone). Les touristes venant de Paris pourraient regagner la capitale et les régions à partir de samedi.