Louna et Tristan Ladevant ne se quittent jamais. Ces deux frères qui habitent Chambéry vivent ensemble, répondent aux interviews ensemble, font du sport ensemble et… trustent les podiums ensemble. Dans leurs engagements militants, les deux athlètes font également les choses main dans la main. Passant du temps en montagne, ils ont vu leur terrain de jeux se transformer et s’investissent beaucoup dans la lutte contre le dérèglement climatique.
« Où souhaitez-vous que l’on grimpe, à droite, à gauche ? Peu nous importe. » Tristan Ladevant se tourne vers l’équipe de tournage qui les accompagne avec son frère sur les falaises calcaires de La Chambotte. « Où cela sera le plus simple pour vous, nous sommes là pour faire de l’image, pas de l’extrême. Au soleil par exemple », lui répond le caméraman. « Sur cette voie avec un beau dévers peut-être : ce sera plus visuel. Discutez entre vous, déterminez le passage qui sera le plus pratique pour les prises de vues et ne vous inquiétez pas pour nous, nous passerons partout. » reprend le jeune sportif.
Ce site d’escalade au-dessus du lac du Bourget a beau comporter 300 voies dont certaines présentent un très haut niveau de difficulté, Tristan et son frère sont si à l’aise sur les rochers que rien de ne les arrête. D’ailleurs, malgré le côté technique de la voie, même sur des itinéraires qu’ils découvrent sur un topo cinq minutes avant, ils sont si rapides qu’à peine partis, ils sont déjà en haut. Il faut parfois leur demander de refaire une ascension si on veut les filmer ou les photographier.
Les deux frères qui habitent ensemble Chambéry sont passionnés par la grimpe. L’été, mais aussi l’hiver puisque ces alpinistes sont mondialement reconnus pour leur maîtrise de l’escalade sur cascades de glace. « L’escalade sur glace est un sport qu’on pratique l’hiver sur des cascades gelées », explique Tristan. « C’est une gestuelle qui est un peu similaire à l’escalade : on grimpe à l’aide de piolets, de crampons, de baudriers et de cordes dans des falaises, sur des cascades figées par le froid. Et en compétition, à l’entrainement, on reproduit ces conditions hivernales sur des structures artificielles inclinées, c’est un exercice assez vertigineux et aérien. C’est un plaisir un peu différent de l’escalade traditionnelle. Sur glace, il y a un côté éphémère. C’est un matériau qui bouge, qui vit et qui peut évoluer de jour en jour, d’heure en heure. C’est ce qui fait la beauté de cette discipline, son intérêt et son côté dangereux aussi. »
Le très haut niveau
Les deux athlètes de 21 et 24 ans se consacrent pleinement à ce sport depuis 2017. L’été, ils s’entrainent à Chambéry et l’hiver à la Plagne sur une tour de 22 mètres de haut recouverte de glace située dans le vallon de Champagny-en-Vanoise, à 1 450 mètres d’altitude. Se préparant ensemble, s’encourageant et se conseillant réciproquement lors des épreuves, leur duo fait merveille. Champions du monde en juniors, ils ont confirmé chez les séniors. Louna, le cadet, a remporté la médaille lors des championnats du monde à Saas-Fee en janvier 2022 quand Tristan décrochait le bronze.
De plus en plus de dangers été comme hiver
Les deux alpinistes ont grandi près de Barcelonnette, dans les Alpes-de-Haute-Provence, et ont donc toujours vécu au contact de la nature. « On a passé quatre ou cinq ans dans une yourte quand on était jeune, c’était une enfance qui ressemblait plus à une aventure qu'à une vie normale », raconte Louna.
« On adore jouer en montagne : on fait du parapente, du vélo, de l’escalade. Et même si nous ne sommes pas très vieux, nous pouvons constater les effets du dérèglement climatique. Nous voyons des glaciers qui sont de plus en plus secs. La saison d’alpinisme est de plus en plus courte. En milieu d’été, on commence à avoir peur d’aller en montagne parce que tout se casse la figure et l’hiver, les saisons sont de plus en plus courtes. Elles sont en dents de scie. Avant, il y avait deux, trois mois de vraiment froids. Là, il y a des hauts et des bas : une semaine, il fait froid, une semaine, il fait chaud. Dans nos disciplines, cela devient un casse-tête chinois. Cela devient très complexe d’évaluer tous les risques et ils sont nombreux. »
Repenser les calendriers des compétitions
Pensant que la multiplication des voyages en avion contribue à endommager la couche d’ozone, la fratrie réfléchit de plus en plus à ses déplacements. Les deux grimpeurs militent pour que les dates des compétitions soient revues pour limiter les allers-retours. Si plusieurs épreuves se déroulent en Asie, ils préfèreraient les enchaîner au lieu de repartir en Europe ou aux États-Unis.
C’est très contradictoire de vouloir aider à sauver la planète et la traverser en avion le jour d’après
Tristan
« Les Fédérations doivent adapter les calendriers pour que les athlètes ne soient pas amenés à traverser six fois la planète pour aller d’un lieu à un autre et regrouper les événements afin d’éviter les transports inutiles. » Alors qu’ils sont très jeunes et qu’ils figurent parmi les meilleurs de leur discipline, la situation les préoccupent tant qu’ils se demandent s’ils ne vont pas arrêter prochainement leur participation au circuit international.
Des expéditions « low cost » en train et à vélo
Pour leurs projets d’ascensions, même topo, ils déclarent vouloir privilégier les projets de proximité à l’avenir. En 2022, ils sont partis entre le 9 et le 27 juillet faire des ascensions sur des voies réputées en Italie puis en Allemagne et ils s’y sont rendus à vélo. « On recherchait un défi avec une empreinte carbone basse qui soit accessible financièrement avec mille euros par personne pour trois semaines et exigeant physiquement avec deux des voies les plus réputées d’Europe, la Bellavista sur les Tre Cime dans les Dolomites et le Firewall à Feuerhorn », précise Tristan. « On a fait une grosse partie des approches en train et ensuite, on a fait plus de 750 kilomètres à vélo en autonomie, avec plus de 45 kilos de matériel chacun sur le porte-bagage arrière. Nous avons utilisé quasiment exclusivement des équipements de seconde main sauf ceux qui touchaient la sécurité en montagne. Les vélos ont été achetés 50 euros, le matériel de camping n’était pas neuf... Le pari était intéressant parce que cela nous a montré qu’on était quand même capable de vivre trois semaines d’aventures folles à grimper deux des plus grandes, des plus belles voix d’Europe avec une petite enveloppe et un impact réduit. C’était une expérience de dingue puisque nous n’étions pas cyclistes. Nous y sommes arrivés, preuve que c’était possible de changer nos façons de faire et de faire évoluer nos disciplines ». « Nous nous efforçons de promouvoir l’idée que l’aventure et les expéditions, ce n’est pas toujours à l’autre bout du monde. Nous sommes jeunes », renchérit son frère. « Nous faisons partie de la nouvelle génération : celle qui est en train de fixer les règles du jeu. C’est à nous de trouver de nouvelles idées, de nouveaux challenges. »
Assiettes végétales
La fratrie s’investit également dans des mouvements associatifs. « Nous sommes très sensibles au dérèglement climatique en tant qu’athlètes évoluant au sein de la montagne », confie Tristan. « C’est une cause qui nous touche, qui nous concerne. Nous essayons de nous investir au maximum, mais ce n’est pas facile à notre échelle. Nous sommes parmi les premiers ambassadeurs de la branche française de 1% for the planet. Il s’agit d’une organisation qui regroupe des associations et qui essaye de les aider financièrement par le biais de mécènes. Nous soutenons ce collectif et par ce biais, nous aidons une association qui s’appelle Assiettes Végétales. On leur apporte un soutien financier et avec notre image, on témoigne qu’il est possible de manger moins de viande, d’être en forme et performants. »
Cette association part du postulat que l’élevage participe à hauteur de 17 % aux émissions des gaz à effets de serre : le méthane avec la rumination des animaux, le carbone libéré lors de la déforestation pour exploiter de nouvelles parcelles, le dioxyde d’azote lié aux déjections animales et à l’utilisation d’engrais pour la production agricole servant à leur alimentation. Ses responsables affirment que la consommation de 100 grammes de bœuf cru génère 3,5 kilos de CO2 contre 120 grammes pour des lentilles, des haricots ou des pois chiches et ils travaillent à développer l’offre végétale dans la restauration collective privée et publique.
« L’alimentation végétale peut être extrêmement bonne », déclare Louna, gourmand. « Dans nos sociétés, on associe la viande à quelque chose de luxueux. Il faut tester et ne pas rester dans l’idée que végétal, c'est une salade. C’est là qu’on peut avoir une parole. On peut manger hyper gras, très bon, très sophistiqué, sans manger de viande et se faire plaisir. » L’art des mets est variable d’un cuisinier à l’autre, mais leur conviction est communicative...
>> Les trois antennes de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes mettent au cœur de leur programmation la protection de la montagne et de ses écosystèmes, beaux mais fragiles. #PréserveTaMontagne, un sujet d’actualité, une question majeure vu que deux tiers de la région se situe en zone montagne et que la région est à cheval sur les Alpes, le Massif central et le Jura.