Plus de 10 ans après... Un ossement et des vêtements ont été retrouvés à proximité du Fort de Tamié, en Savoie, lieu de la disparition de Jean-Christophe Morin en 2011 et d'Ahmed Hamadou en 2012. Ces éléments non encore expertisés viennent d'être découverts lors de fouilles ordonnées par le pôle "cold cases" du parquet de Nanterre. Les familles demandaient que la zone soit ratissée depuis des années.
"Cela fait plaisir de savoir qu'ils font des recherches et que ça avance. On attendait cela depuis longtemps". Farida Hamadou retrouve un peu foi en la justice. Tout comme Adeline Morin.
La zone où ont disparu leurs frères a été fouillée fin juin et début juillet, sur ordre du pôle "cold cases" du parquet de Nanterre. Un ossement, des vêtements et deux téléphones ont été découverts, une information révélée par Ouest-France. Pour l'heure, rien ne dit que ces éléments sont liés aux dossiers de leurs frères. Mais pour elles, l'essentiel est ailleurs, dans la relance de l'enquête.
Avec leurs proches, les deux femmes se battent depuis plus de dix ans pour connaître la vérité. Les deux hommes ont disparu lors d'une soirée au Fort de Tamié, près d'Albertville en Savoie, à un an d'intervalle : Jean-Christophe Morin, 22 ans, le 10 septembre 2011, Ahmed Hamadou, 45 ans, le 9 septembre 2012. Même lieu, même événement de musique électronique, et des circonstances de disparition similaires.
Depuis plusieurs mois, les dossiers sont arrivés sur le bureau du parquet de Nanterre, auprès d'une juge et d'enquêteurs spécialisés dans les affaires non élucidées. Et cela change tout.
"La juge du pôle de Nanterre a officiellement eu notre dossier entre les mains en décembre. Donc, en six mois, elle a fait ce que les autres juges n'ont pas fait en quatre ans", se félicite Adeline Morin.
Le crâne d'Ahmed Hamadou retrouvé en 2020
En 2020, un crâne avait été retrouvé à proximité du fort de Tamié. Après analyses, il a été identifié comme celui d'Ahmed Hamadou.
"Pour autant, aucune recherche n'avait été faite", se lamente Adeline Morin. "Du coup, c'est un soulagement de se dire : 'enfin, enfin, la zone où on a retrouvé le crâne d'Ahmed a été ratissée'. Ce n'était pas vain, étant donné qu'il y a quand même un os qui a été retrouvé", poursuit-elle.
Il faudra plusieurs semaines, voire des mois, pour que les vêtements et la partie de squelette retrouvés soient expertisés.
"Il y a un trousseau de clés, je suis presque persuadée que c'est à mon frère", confie Farida Hamadou, "et le survêtement et les baskets, c'était bien un style qu'il portait mais je ne suis pas certaine que ce soit à lui".
"Je ne me fais pas d'illusions, je pense que c'est à Ahmed", indique Adeline Morin. "Mais comme il y a plusieurs vêtements qui ont été retrouvés et deux téléphones portables, tout ne peut pas lui appartenir", dit-elle sans trop vouloir espérer.
Il vaut mieux savoir que ne rien savoir, même si c'est le pire
Farida Hamadousœur d'Ahmed Hamadou, disparu en septembre 2012
"Ce qui me rassure énormément, c'est que même après plus de dix ans, apparemment des vêtements dans la nature peuvent toujours contenir des traces ADN, malgré les altérations".
"Il vaut mieux savoir que ne rien savoir, même si c'est le pire", explique Farida Hamadou.
Ces découvertes ne suscitent pas de "joyeux espoir" car "si on trouve des ossements, ce sera la preuve qu'il est décédé", regrette Adeline Morin.
"Il n'y a pas de joie à avoir cela comme confirmation mais moi je commence à être fatiguée qu'on me dise de patienter. Il faut que j'y arrive, parce que, maintenant, on a la juge Kheris. Donc c'est maintenant qu'il faut persévérer. Mais c'est vrai qu'il y a une forme d'épuisement. Est-ce qu'on saura un jour ce qu'il lui est arrivé ?"
Les deux femmes saluent le travail de la nouvelle juge d'instruction que Farida Hamadou qualifie de "formidable". Elle dit avoir hâte de la rencontrer, sans doute à l'automne.
Refaire confiance au système judiciaire
"Il faut que j'arrive à avoir confiance maintenant, dans la juge Kheris, parce que, en six mois, on sait qu'elle est venue sur place. Elle a passé 48 heures à Chambéry et au Fort de Tamié. Elle a rencontré les enquêteurs, elle a été sur le lieu de la disparition, ce que les autres juges n'avaient pas vu jusqu'à présent", raconte Adeline Morin.
La sœur de Jean-Christophe Morin veut retrouver un peu de confiance dans le système judiciaire après une décennie de relations heurtées ou inexistantes. Une décennie à apporter des éléments aux enquêteurs et à attendre que les informations soient épluchées et recoupées.
"J'apprends que dans le dossier, il n'y a pas sa description vestimentaire. Ils n'ont pas la description de comment il était habillé ce jour-là, officiellement. Il n'y a rien dans son dossier", dit-elle, abasourdie.
"Juste avant les fouilles, on nous a appelés pour savoir s'il avait des équipements médicaux, comme des prothèses, un appareil dentaire, des choses comme cela. J'ai réalisé que, dans le dossier, cela n'existait pas, c'est quand même fou !"
Adeline Morin se rend bien compte que les juges précédents n'avaient sans doute pas les moyens de faire avancer l'enquête. "On n'était pas prioritaires. Ils ont plein d'urgences à gérer. Et nous on passe systématiquement après".
"Le gros point positif qui me rend optimiste, c'est que, maintenant, on a des enquêteurs qui ont envie de travailler sur le dossier".
La piste Lelandais
Elles espèrent que toutes les pistes seront étudiées. Et notamment celle de Nordahl Lelandais. Car si la cellule Ariane a écarté cette hypothèse, elles attendent de la justice des preuves que l'ancien maître-chien n'était pas au Fort de Tamié lors des disparitions de leurs frères.
"Les enquêteurs de la cellule Ariane, à aucun moment, ils ont été en lien avec nous. A aucun moment, on a eu l'information officielle qu'ils avaient procédé à quoi que ce soit comme acte d'enquête. Dans le dossier, il n'y a aucune information officielle venant de la cellule Ariane. Moi, j'attends toujours qu'on me dise ce qui a été fait réellement dans le cadre de la cellule Ariane", lance Adeline Morin.
"Depuis le début, je pense que mon frère s'est fait assassiner. On n'est encore pas à la fin de l'histoire. Je pense que cela va être encore long", confie Farida Hamadou.
"Ce que j'espère c'est que tous les éléments du dossier vont être sujets à enquête. J'en suis là. C'est un bon début mais j'attends la suite", conclut Adeline Morin.