Les socialistes espèrent éviter une lourde défaite aux municipales grâce au bilan de leurs maires sortants, à la santé chancelante de la droite et à la concurrence du Front national. Mais, ils craignent que l'abstention leur joue des tours.
Ces élections des dimanches 23 et 30 mars 2014 constituent le premier scrutin intermédiaire depuis la victoire de François Hollande à la présidentielle de 2012. Ce scrutin se prépare dans un climat tendu au niveau national : le PS et l’UMP échangent accusations et invectives autour de leurs "affaires" respectives.
1-Le Parti socialiste va-t-il réussir à limiter les dégâts ?
Les socialistes devraient conserver la plupart des grandes villes, où la sociologie (beaucoup de jeunes diplômés et de cadres) leur est favorable. Mais, ce ne sera pas le cas partout. Si Avignon, Aix-en-Provence voire Nancy, entre autres pourraient basculer à gauche, la liste des pertes potentielles du PS est bien plus longue : Reims, Saint-Etienne, Amiens, Angers, Laval, Valence...Pour le PS, le bilan strictement comptable risque d’être négatif. Le parti socialiste perdra davantage de communes de plus de 10 000 habitants qu'il n'en gagnera, car il en gère déjà 54%.
Or, "on n'a jamais vu de victoire du camp au pouvoir dans des élections intermédiaires", reconnaît-on au PS.
La question est plutôt de savoir s'il limitera les dégâts. Plusieurs facteurs peuvent jouer en sa faveur.
2-La prime aux sortants va-t-elle jouer comme prévu ?
"La prime aux sortants" joue plus aux municipales que dans tout autre scrutin, car le maire est l'élu de proximité par excellence. 71% des électeurs des communes de plus de 25.000 habitants se disent satisfaits de l'action de leur maire, selon une enquête Ipsos de février. Ainsi, à Auxerre, une ville figurant a priori parmi les menacées, le maire PS, Guy Ferez, fort d'un satisfecit de 62% de la population est donné gagnant par une marge de six points, selon Ipsos.
"Le poids du local prédomine dans les intentions de vote et les enjeux" et les socialistes ont sur l'UMP "l'avantage d'avoir un vrai discours sur les projets de ville", relève Bernard Sananès, de l'institut CSA.
Jusqu'ici, le président de l'UMP, Jean-François Copé, n'est pas parvenu à faire des municipales un référendum anti-Hollande.
3-La droite va-t-elle aider la gauche ?
D'autre part, même là où elle peut gagner, la droite se présente parfois en ordre dispersé comme à Caen, par exemple. Or, sortir en tête du 1er tour produit souvent une dynamique. Au plan national, elle vient de subir de graves déconvenues : affaire des enregistrements clandestins de Patrick Buisson, information judiciaire sur un éventuel trafic d'influence de Nicolas Sarkozy, notamment. Surtout, l'extrême droite menace de lui tailler des croupières.4-Le FN peut-il changer la donne ?
Le Front national ne cesse de gagner du terrain. Toutes les élections partielles l'ont montré : dernière en date, la cantonale de Brignoles (Var) où son candidat l'avait emporté en octobre.De sorte que sa présidente, Marine Le Pen, se dit "confiante", voire "très confiante".
Malgré quelques ombres au tableau (des candidats enregistrés "à leur insu" comme à Chalon-sur-Saône ou avec un pédigree extrémiste marqué), le FN espère conquérir dix à quinze villes. On cite notamment Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), aux dépens de la gauche, et Fréjus (Var), aux dépens de la droite, parmi ses plus grands espoirs.
Dans plusieurs dizaines de villes - sur les 537 où il se présente selon le ministère de l'Intérieur -, le Front national imposera des triangulaires puisqu'il suffit de 10% des exprimés pour se maintenir et que c'est la condition pour avoir des élus au conseil municipal. L'électorat du FN étant très majoritairement de droite, l'UMP et l'UDI de Jean-Louis Borloo seraient les principales victimes de son maintien, qui risque d'être rédhibitoire pour la conquête de villes sur la gauche.
5-Quel rôle peut jouer l’abstention ?
A l'inverse, les socialistes pourraient sauver une série de villes grâce à ces triangulaires. Mais gare à l'abstention! Elle avait atteint 33,5% (un électeur sur trois) aux municipales de 2008, nouveau record. Tout laisse penser qu'elle sera supérieure cette année. Sur une bonne quinzaine de villes qu'il a scrutées, Ipsos évalue presque toujours la participation à moins de 60%. D'où la demande pressante du sénateur-maire de Dijon quand il a lancé sa campagne : "J'ai besoin de vous, ne croyez pas que c'est gagné", a insisté François Rebsamen.Jean-Daniel Lévy (Harris Interactive) s'attend à "une démobilisation de la gauche", sur le thème "je ne me sens pas de voter PS". Les couacs des derniers jours au gouvernement, sur les écoutes judiciaires visant Nicolas Sarkozy, devraient aggraver le mal.
"Les sympathisants de gauche, y compris les mieux intentionnés à l'égard du gouvernement, ne peuvent être que consternés, au moins par la maladresse" des expressions gouvernementales, souligne Emmanuel Rivière (TNS Sofres).
En revanche, "à droite et à l'extrême droite, on va aller voter contre Hollande et le gouvernement, on veut sa revanche", relève Jean-Daniel Lévy.
Pour leur part, les députés socialistes se montrent circonspects face une campagne "insaisissable" et prudents sur le résultat.