Samedi 25 septembre, à La Citadelle, un exemplaire de ce livre sera donné aux familles des déportés de Dora. Plus de 800 Bourguignons ou Francs-Comtois, notamment du Haut-Jura, ont été déportés dans ce camp. Un ouvrage pour mieux comprendre la période, leur rendre hommage et leur "redonner vie".
Samedi 25 septembre, un moment solennel aura lieu à la Citadelle de Besançon, là où se trouve le Musée de la Résistance et de la Déportation, en travaux depuis janvier 2020 et pour deux années encore.
L’historien Laurent Thiery y donnera une conférence sur les 9 000 déportés français de Dora, ce camp de concentration en Allemagne. Il vient aussi présenter un ouvrage exceptionnel « Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora ». Exceptionnel car il a demandé beaucoup de travail, il a mobilisé de nombreux bénévoles. Il répond à une promesse et il retrace le parcours des 8 971 déportés français. Un ouvrage de 2 500 pages, pesant plus de 4 kg, et pas encore terminé.
Sous sa direction, cet ouvrage a été écrit par des chercheurs, des historiens, des bénévoles, durant 20 années. C’est une promesse qui avait été faite par les rescapés : parler de tous ceux qui ont été déportés dans ce camp de concentration allemand, faire un dictionnaire de leurs noms. Des noms des rescapés et de ceux qui n’en sont pas revenus. Leur donner chair, leur donner vie. Au-delà de leur disparition.
Samedi 25 septembre, à la Citadelle de Besançon, des bénévoles qui ont participé à ce livre seront présents. Ainsi que des familles de déportés de Dora. La maison d’édition « Le Cherche Midi » donnera un exemplaire du livre à chacune des familles.
Comme seulement une partie des familles des déportés a été retrouvée, un appel est lancé pour que d’autres descendants se fassent connaître. (Voir la page Facebook). Pour récupérer des objets, de la correspondance et enrichir la future édition numérique de ce livre.
Dora : le camp qui fabriquait les fusées V2
Vincent Briand, attaché de conservation, au Musée de la Résistance et de la Déportation évoque le camp de concentration de Dora : « Les Français déportés à Dora sont condamnés à la déportation pour des faits de résistance ou des motifs politiques. Ce camp, comme beaucoup d’autres malheureusement, était terrible : les Allemands y fabriquaient les fusées V2 dont l’objectif était de détruire Londres. Leur premier site de production a été bombardé par les Alliés. Ils en ont donc construit un nouveau, enterré cette fois-ci dans la montagne. Les déportés sont restés sous terre pendant des mois et des mois pour y creuser cette nouvelle usine. Le taux de mortalité y était très élevé. » Seulement 40 % d'entre eux ont survécu.
Les 8 971 déportés sont âgés de 14 à 64 ans. Ils viennent de toute la France, notamment du Jura.
Dans le Haut-Jura, à Saint-Claude, 7 au 13 avril 1944, la Wehrmacht sous les ordres de Klaus Barbie tuent 148 personnes et arrêtent 302 hommes âgés de 18 à 45 ans. Ces derniers sont déportés en camp de concentration, notamment à Dora, 116 ne reviendront pas. Au total, 561 Francs-Comtois dont 426 Jurassiens sont déportés dans ce camp situé en plein centre de l’Allemagne.
Le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon a fourni des dessins réalisés en déportation, documents très rares, du déporté Léon Delarbre qui sont utilisés pour la couverture du livre.
"Un livre de vie, pas de mort"
« Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora » recense les déportés et leur consacre, à chacun, une notice. Ainsi, on raconte leur parcours, avant, et même après pour ceux qui sont revenus. Pour les incarner, au-delà des chiffres déshumanisés, raconter leur métier, leur état civil, leur vie… L’historien Laurent Thiery, responsable de cet ouvrage, insiste : «Ce n’est pas un ouvrage de mort mais de vie. Avec un maximum de vérités, tout a été vérifié, c’est un travail d’historien. Nous travaillons aussi à une version numérique de ce dictionnaire des déportés de Dora. Cette version sera enrichie de documents, de photos, d’objets. C’est la raison pour laquelle nous cherchons encore des familles. Nous en avons retrouvé environ 1500 et nous faisons un tour de France pour leur remettre un exemplaire, gratuit, comme samedi à Besançon où nous rencontrerons 38 familles de Franche-Comté." Et il poursuit :" Et en 2023, pour marquer les 80 ans de la création du camp de Dora, nous prévoyons une exposition importante à La coupole, près de Saint-Omer. Ainsi, nous comprenons mieux la Résistance et l’univers concentrationnaire.»
Colette Gaidry, de Haute-Saône, est l'une des bénévoles qui a participé à ce livre. Elle s'est chargée des notices consacrées aux déportés de son département et quelques unes du Doubs. Pour elle, apporter sa petite pierre à cet édifice monumental était évident : "Ces déportés, je les connaissais, je connais aussi leurs faits de Résistance. De plus, je suis présidente de l'association Anacre (Association Nationale des Anciens Combattants et Ami(e)s de la Résistance), et comme ancienne professeure d'histoire en collège, j'ai participé avec mes élèves pendant des années au concours national de la Résistance et de la Déportation. Donc, c'est évident de rendre hommage à ces hommes qui ont voulu vaincre l'idéologie nazie."
Très impliqué également dans ce projet : le Centre d’Histoire « La Coupole » situé près de Saint-Omer. Ironie de l’histoire : cet endroit devait servir de rampe de lancement aux fusées V2, fabriquées à Dora et devant anéantir Londres. Il n’a jamais été utilisé : les Nazis l’ont abandonné durant l’été 1944, après le débarquement en Normandie.