Il y a eu le déconfinement le 11 mai, il y aura ensuite le retour physique en entreprise. Après des semaines de télétravail, cette nouvelle transition peut susciter des appréhensions. Nous avons demandé l'avis de deux psychologues.
En mars, il a fallu s'enfermer, passer sans transition d'une routine transport-boulot-sorties-activités-dodo, à des journées entre quatre murs. Si le confinement a pu avoir des conséquences sur notre mental, retrouver l'extérieur et retourner au travail peut en avoir aussi.
Sortir de son cocon
Le retour en entreprise, c'est une nouvelle étape du déconfinement. Mais pour certains, elle peut être source d'inquiétude, la première étant la crainte de contracter le virus. Pour ceux qui ont télétravaillé dans des conditions confortables, sortir de ce cocon pourra être difficile.Pour Delphine Bon, psychologue clinicienne à l'hôpital de la Chartreuse à Dijon : "c'est une étape positive. Mais ceux qui l'appréhendent devront recréer leur propre sécurité, notamment en accordant beaucoup d'importance aux gestes barrière, sans en faire non plus une obsession." Il s'agit de se réadapter à l'extérieur.
Pour Alain Maes, psychologue à Auxerre, sortir du cocon pourra être très anxiogène pour ceux qui ont bien vécu le confinement : ils ont créé leur propre rythme, se sont retrouvés autour du cercle familial. "Confinés par obligation, ils en ont finalement profité. Pour eux, l'extérieur c'était et ça reste, le danger." Ils n'ont pas envie de se précipiter dehors.
Si les dispositions prises sur leur lieu de travail (port du masque, conditions d'hygiène) ne leur semblent pas satisfaisantes, certains - notamment les personnes à risque - pourront être tentés de faire jouer leur droit de retrait, ou d'obtenir un arrêt maladie.
Reprendre la routine
Quand le télétravail n'a pas envahi la vie personnelle, le confinement a permis de passer du temps avec le conjoint, les enfants, de dégager des moments pour soi. Le retour en entreprise peut alors être redouté : "il y a les trajets, le rythme, l'amplitude, l'organisation quotidienne, sources de stress, alors que les personnes s'étaient recentrées sur d'autres priorités," explique Delphine Bon.Elle conseille d'envisager la routine sous ses aspects positifs : voir les trajets comme un sas entre travail et domicile, pouvoir rentrer à la maison, qui "redevient vraiment un chez soi !"
Pour Alain Maes, le problème se pose pour ceux qui n'étaient pas bien au travail avant le confinement. Certains vont même quitter leur entreprise. "Ils ont eu deux mois au moins, pour faire un bilan sur leur qualité de vie professionnelle et quand ce qu'ils font n'a plus de sens pour eux, qu'ils ne se sentent plus reconnus, que la pression est trop forte, ils envisagent de ne pas recommencer."A la maison, le temps était différent. Certains se sont réinventés, ils se demandent s'ils vont pouvoir se réadapter au travail en présentiel. Delphine Bon
Certains de ses patients ont profité du confinement pour se lancer dans une autre activité, plus créative et vont essayer de changer de voie.
Retrouver les autres
Quand tout va bien, reprendre la routine n'est pas un souci, ça peut même être rassurant. Mais si l'ambiance de travail et les rapports entre collègues n'étaient pas bons, revenir "remet en contact avec des gens qu'on n'a pas choisis, ça oblige à remettre son masque social" précise Alain Maes, pour qui "la machine à café, ce n'est pas comme un barbecue entre copains."Son conseil ? Ne pas s'oublier, ne pas hésiter à prendre des décisions, à se réinventer.
Retourner en entreprise, c'est "remettre des gens autour de soi, on est du côté de la vie", estime Delphine Bon. Mais il peut être souhaitable de ne pas tout faire d'un coup : commencer par retrouver la famille, puis les amis et enfin les collègues.Ne pas remettre une chaussure qui fait mal au pied, changer de chaussure ! Alain Maes
Le travail va-t-il reprendre sur le même mode ? Encore une fois, tout dépend de ce qui se passait avant", explique-t-elle, "le retour, comme le télétravail, dépend de chaque individu."
Souvent, selon Delphine Bon, ça signifiera que "chaque chose est à sa place, qu'on ne fait plus tout au même endroit, on re-sépare". La vingtaine de psychologues volontaires mobilisés au sein de la plateforme téléphonique de soutien psychologique mise en place par l'hôpital de la Chartreuse, a d'ailleurs constaté une baisse très nette du nombre d'appels depuis le 11 mai.
La plateforme a rempli sa mission puisque cinq cents personnes l'ont sollicitée, mais elle sera fermée le 29 mai (et réactivée si les événements le justifient).