DIAPORAMA SONORE. Le taux de suicide est élevé parmi les agriculteurs : en moyenne, deux personnes chaque jour en France. L'association "Solidarité paysans" s'est donné pour objectif de défendre les agriculteurs en difficulté. Dans le Jura, rencontre avec Bénédicte et avec les bénévoles qui l'accompagnent.
Derrière la maison, il y a des dizaines de cagettes de châtaignes. Bénédicte vient de les récolter, sur des arbres qui appartiennent à un ami. Il s’agit maintenant de les préparer. Certaines seront vendues, le reste servira à la transformation, glaces ou gâteaux, selon son inspiration.
"J’ai toujours aimé les arbres", raconte Bénédicte, "mon grand-père avait des vergers, j’ai appris de façon complétement autodidacte, avec les conseils de ma mère".
Bénédicte a 52 ans. Elle est une nouvelle venue dans le monde de l’agriculture. Il y a quelques années encore, elle était travailleuse sociale : " Aujourd’hui, je suis paysanne en agriculture biologique, je fais de la culture de fruits. Paysanne parce que je suis installée sur une petite structure d’un hectare".
Ce métier, elle l’a choisi pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Mais l’apprentissage a été douloureux : "Les bénévoles de Solidarité paysans m’avaient soutenue en 2017, à l’époque où je me suis retrouvée en épuisement physique."
Il y a beaucoup de suicides dans le milieu agricole, c’est une activité qui est épuisante.
Plus récemment, une turbine, destinée à la fabrication de glaces et de sorbets, a entraîné des problèmes de santé. La machine était trop lourde à manipuler : "J’ai fait à nouveau appel à eux, pour pouvoir réfléchir, prendre un peu de recul, parce que je n’arrivais pas à régler cette situation".
Les conseils juridiques et le soutien moral de l’association Solidarité paysans ont été précieux. Le matériel a été changé.
A la rencontre de Bénédicte, en diaporama sonore
L'association « Solidarité paysans » a accompagné Bénédicte, agricultrice dans le Jura. Intervenantes : Bénédicte, agricultrice, Marie-Claude Fournier, bénévole de l’association Solidarité paysans. Reportage : Raoul Advocat et Pascal Sulocha.
Surmonter la honte de l'échec et appeler à l'aide, ce sont les conseils de Bénédicte : "Il faut vraiment oser prendre le téléphone et appeler l’association en disant là je n'y arrive pas, j’ai besoin d’un petit coup de pouce. Ce sont des personnes bienveillantes !", précise-t-elle.
Elle ajoute : "Je considère que mon problème est minime par rapport à des collègues qui sont dans des situation dramatiques. Ce serait bien dommage qu’il se passe des choses terribles..."
"Parce que chacun a droit à une nouvelle chance"
Bénédicte a été accompagnée par deux bénévoles de Solidarité paysans. Un binôme, c’est la règle que s’est fixée l’association : "Je trouve que c’est plus rassurant, pour nous et pour la personne, explique Marie-Claude Fournier, c’est plus facile d’écouter les difficultés et de bien observer les gens".
Retraitée, Marie-Claude Fournier a rejoint Solidarité paysans pour une raison évidente à ses yeux : "Je suis comme ça ! J’ai besoin d’aller auprès des personnes en difficulté parce que chacun a droit a une nouvelle chance."
Guy Bailly a lui aussi accompagné Bénédicte. Il a été agriculteur et apiculteur. Guy conserve intacte sa passion pour les animaux et le travail de la terre. Mais la retraite a été un soulagement :
La partie administrative est difficile à supporter, ça prend du temps, beaucoup de personnes peuvent se sentir envahies.
Une spirale infernale s'enclenche : les factures s'accumulent et les démarches prennent du retard. Au point que des agriculteurs n’ouvrent même plus leur courrier, parce qu’ils n’en ont plus la force.
Comme le rappelle Marie-Claude, "un salarié, quand il a fini son boulot, il rentre chez lui, il a sa paie à la fin du mois. Un agriculteur doit gérer la globalité de son travail, et il n’est même pas sûr d’avoir une paie à la fin du mois !"
"On a détruit l'essence même du métier"
Avec de très longues journées de travail pour un revenu trop faible, la vie personnelle et familiale en subit les conséquences. La solitude face aux responsabilités et aux tâches à assumer peut tourner au cauchemar.
Marie-Andrée Bresson est agricultrice à la retraite et présidente de Solidarité paysans du Jura. Selon elle, "on a trop misé sur la productivité, sur l’intensification de l’agriculture, finalement, on a détruit l’essence même du métier de paysan !"
La pauvreté de certains paysans est une réalité souvent méconnue :
On arrive à des situations catastrophiques où les paysans produisent de la nourriture et n’arrivent même pas à avoir de la nourriture saine pour eux !
Les agriculteurs soutenus par l'association vivraient des situations de plus en plus dramatiques. Aux problèmes techniques et économiques s’ajoutent des difficultés d’ordre humain : "Les gens s’enfoncent dans la précarité, quel est le sens du travail quand on ne maîtrise plus rien ?", confirme Marie-Andrée Bresson.
Un métier passion, malgré tout
En moyenne, une centaine d’agriculteurs et agricultrices sont accompagnés par l’association. Certains dossiers peuvent nécessiter des années de prise en charge.
Bénédicte, elle, n'arrive pas encore à obtenir un revenu correct de son activité. Mais elle a retrouvé le sourire et le plaisir d’exercer un métier passion : "Quand vous êtes sur un marché, que vous voyez les gens, après avoir goûté la glace, se retourner pour dire c’est super bon, c’est une forme de satisfaction !"