A Puligny-Montrachet, le domaine Girardin prépare l'arrivée des gelées de printemps dès la fin de semaine. Les bougies sont déjà mises en place dans les parcelles pour tenter de lutter contre les gelées nocturnes.
La météo annonce un épisode froid pour la fin de la semaine, ce qui n'est pas de très bon augure dans le monde viticole. En effet, les vignes ont bien profité des jours cléments, et les bourgeons sont déjà sortis, rendant les vignes fragiles au gel.
Une grande vulnérabilité
Comme l'explique Eric Germain, du domaine Vincent Girardin à Meursault, "ce n'est pas comparable à l'année dernière, où il avait fait doux plus tôt, mais ce qu'on craint, c'est l'épisode humide (pluie ou neige) et les gelées nocturnes dans les jours qui viennent."
Le scénario "du pire" pour le viticulteur, c'est que les bourgeons soient mouillés, et que le gel "brûle" littéralement le bourgeon, empêchant tout développement de la vigne pour la floraison et à terme la production de raisin : "Imaginez un coton-tige que vous trempez dans l'eau et vous le laissez une nuit au congélateur, c'est un peu ce qui se produire dans les jours à venir !"
Les bougies, une méthode traditionnelle
Dans les parcelles depuis deux jours, les viticulteurs concernés qui souhaitent protéger leurs vignes déposent des "bougies" : de la taille d'un petit seau de peinture, ces bougies brûlent pendant une dizaine d'heures pour apporter de la chaleur pouvant protéger les pieds de vigne contre le gel.
Selon Eric Germain, il faut 500 bougies par hectare "pour être efficace" . Une bougie coûte environ 10 euros hors taxe, "ça fait donc 5000€ par hectare pour protéger les vignes. Sans compter la main-d'oeuvre pour installer, allumer et disposer de nouvelles bougies dans les rangs."
"Le flux de sève est engagé depuis une dizaine de jours maintenant", affirme le viticulteur. "Il ne va pas s'arrêter, la plante sort de l'hivernage."
D'autres méthodes sont-elles possibles ?
Eric Germain évoque d'autres pistes d'action : "On peut se poser la question de toucher aux sols, et effectivement pourquoi ne pas labourer ? On peut faire travailler les sols et la matière organique au sol. Sinon il existe des méthodes alternatives de taille, qui ont un impact sur la fertilité l'année suivante. Ce qui reste possible à mettre en place sur deux ou trois hectares n'est pas forcément possible sur 10 à 15 hectares. Ce qui peut poser des problèmes de recrutement."
Le monde viticole est sous tension depuis 5 ans : des saisons compliquées avec des épisodes climatiques marqués, et une année 2021 vécue comme apocalyptique. Une vague de gel sévère avait touché les vignes de France, et la Bourgogne n'avait pas été épargnée. Les cépages Chardonnay demeurent les plus vulnérables et concernés par le gel.
C'est aussi une période que tous les gens de la terre redoutent : la lune Rousse. Ce sont les 28 jours qui s'écoulent après la date de Pâques, comprise entre le 22 mars et le 25 avril. Durant cette période, les risques de gelée sont encore forts, surtout si l'on peut voir la Lune briller dans le ciel, la nuit.
C'est François Arago, un astronome actif durant la première moitié du XIXème siècle, qui a décrit le roussissement des plantes à cette période de l'année : avec un ciel dégagé la nuit, le sol perd la chaleur accumulée durant la journée. On voit alors briller la Lune, parfois accompagnée d'un halo, signe d'une certaine humidité atmosphérique. S'il n'y a pas de couverture de nuages pour empêcher ce refroidissement, les jeunes pousses vont perdre leur chaleur et il risque alors de geler. Le gel, très superficiel, fait colorer les jeunes tissus. Sous l'effet de ce stress, ils se colorent de rouge, et roussissent.
Pour éviter un trop grand refroidissement nocturne, certaines parcelles sont équipées de fils chauffants : c'est un équipement qui a un coût et nécessite aussi des sources électriques déplaçables (groupe électrogène)
Sinon, Eric Germain évoque les éoliennes : montées sur un support oscillant, elles peuvent brasser les couches d'air et récupérer quelques degrés positifs des couches d'air supérieures. "Cela ne marche pas lorsque l'air froid est trop présent, au pire, cela peut même accentuer l'effet de gel."
La solution la plus hétérogène demeure la bougie. Pour l'instant, les viticulteurs travaillent dans les rangs, à des opérations de nettoyage et de courbe des baguettes. Ils en profitent pour installer les bougies pour protéger les vignes.
Dans le chablisien, "on attend"
Les viticulteurs du chablisien (Yonne) sont plus fréquemment confrontés à ces épisodes de gelées nocturnes.
Le secrétaire du Syndicat de Défense de l'appellation Chablis, Frédéric Guéguen, vigneron à Préhy (Yonne) confirme que pour l'instant "il est trop tôt pour décider le placer les bougies ! Les vignes ne sont pas aussi précoces que l'année dernière, donc pour l'instant, elles ne sont pas trop vulnérables !"