Comté : on vous raconte l’histoire savoureuse et mouvementée du plus célèbre fromage de Franche-Comté

Une meule de comté pèse une quarantaine de kilos de goûts et de saveurs. Et 2000 ans d'histoire. Ce fromage raconte la Franche-Comté, la rudesse de son climat, sa paysannerie, le travail des hommes et des femmes qui en ont fait un sommet de la gastronomie franc-comtoise.

Commençons la promenade historique par une devinette : quel est l’âge exact du comté ? Deux réponses au choix :
 

  • Au moins 2000 ans
  • Quelques décennies seulement

Quelle que soit votre réponse, vous avez gagné ! Le nom de "comté" est récent. Il a été définitivement adopté à la fin du 20ème siècle. Auparavant, il s'appelait fromage des Séquanes, fromage de garde, vachelin ou encore gruyère de comté.

La production de ce fromage, elle, est très ancienne. Les premières indications datent de plus de 2000 ans :

On sait qu'il plaît, mais on n'a pas de description. Il est apprécié à Rome, Jules César en parle, il est question d'un fromage de garde de la Gaule, de la Séquanie, anciennement la Franche-Comté,
 

raconte Jean-Pierre Gurtner, 68 ans. Retraité, il a enseigné pendant 42 ans au lycée agricole de Levier, dans le Doubs.
 

Les fruitières, pour la fructification du lait


L'existence des fruitières est attestée depuis 1273, à Déservillers et Levier, dans le Doubs. Elles appartiennent à de grands propriétaires, seigneurs ou nobles.

Le système des coopératives est plus  récent : la rudesse des hivers jurassiens a obligé les hommes à penser collectivement leur alimentation. Les fruitières assurent la mise en commun du lait  et la fabrication d'un fromage de garde.

L'origine du  nom "fruitière", elle, reste mystérieurse. Explication la plus répandue : la fruitière permet de faire "fructifier" le lait, de le conserver, après transformation en fromage. 
 

Jean-Pierre Gurtner est passionné par l'histoire du comté. Ce fromage est une tradition familiale. Son grand-père était fromager, arrivé de Suisse. Fromagers aussi son oncle et son frère.

Au cours de ses recherches, Jean-Pierre Gurtner s'est intéressé au goût du comté : 
 

On n'arrive pas vraiment à savoir quel était le goût. On sait que ce fromage voyage, que c'est une pâte un peu dure, qu'il pique avec le temps. On a beaucoup d'archives du 19ème et du 20ème siècle, mais pas de description de goût, de saveurs, de ce qui peut rester en bouche.


L'explication est simple : "le fromage est d'abord nutritionnel, on sait qu'il apporte du calcium. Après la guerre, on a besoin que les gens se fortifient, on le mange donc pour se nourrir."

La recherche du goût apparaît dans les années 60 : "on veut du vieux, on veut du qui pique pas trop, puis arrive la notion de fruité, avec la roue des arômes, dans les années 90. Aujourd'hui, des jurys permettent des descriptions par terroirs."

 


Des terroirs de comté, exactement comme des terroirs de vin !  Le comté a une diversité de goûts étonnante. Plusieurs dizaines d'arômes sont identifiés, selon le lieu de fabrication et la durée d'affinage, de quelques mois à plus de deux ans. La palette est étendue : des saveurs de produits laitiers aux  saveurs épicées, des odeurs de plantes fraîches ou de fruits, des goûts de grillé ou de torréfié.
 

Le train aurait pu tuer le comté


Pourtant, l'histoire du comté aurait pu s'arrêter dès le 19ème siècle. Avec le développement du chemin de fer, le comté est concurrencé par les fromages étrangers. Des Pays-Bas en particulier. Peut-être pour une question de prix. Plus sûrement parce que le comté n'est pas bon !

Une médiocrité qui s'explique par la fabrication. Les fromagers travaillent de ferme en ferme. Quelques jours ici, quelques jours là, selon la quantité de lait disponible.

Le paysan qui héberge et nourrit le fromager récupére le fromage fabriqué chez lui. Les autres éleveurs du village lui apportent leur production. Or, leur  lait est d'une qualité très variable, du bon au très mauvais ! Le goût du fromage en subit les conséquences.
 

Le fromager vit avec la famille, mange et dort sur place, colporte les ragots, voit la femme du paysan, ses filles. Imaginez les histoires et les jalousies, parce que la quantité de fromage n'est pas équitablement répartie, ça ne pouvait plus durer !

précise Jean-Pierre Gurtner.

 

Le fromager, sorcier du village

Au 19ème siècle, les écoles laitières sont fondées. En Franche-Comté, ces "ENIL", écoles nationales de l'industrie laitière, existent toujours. Il y en a deux, à Mamirolle, près de Besançon, dans le Doubs, et à Poligny, dans le Jura.

Les fromagers suivent donc une solide formation. Ils participent à l'amélioration de la qualité des fromages.  Ils travaillent désormais dans des "chalets", des fromageries de village.

Ces chalets sont construits par centaines dans le Doubs et le Jura. Finie la fabrication dans les fermes, terminées les mauvaises conditions d'hygiène. Eloignés aussi les risques d'incendies dans les fermes. Les feux de bois, destinés à chauffer le lait, étaient des  sources de danger.

Ultime évolution : le fromager rejoint la crème de la société villageoise. Il est un personnage aussi important que le maire, le curé et l'instituteur. Il est considéré comme un sorcier : il maîtrise l'art de faire cailler le lait pour le transformer en fromage et en argent !

 
 

Affineur, un autre métier indispensable au comté


L'amélioration du goût atteint son apogée avec la naissance du métier d'affineur. Faute de place suffisante pour stocker les meules de comté, les fruitières s'adressent à ces professionnels.

Les affineurs vont révolutionner la qualité du comté. Ils maitrisent la température et le degré d'humidité des caves, savent déterminer si une meule peut vieillir ou doit être vendue plus jeune.


Le comté, c'est aussi la vue et le toucher

 

Cette longue tradition du comté, Benoît Cantin la connaît très bien. Il la fait vivre tous les jours, à la fruitière de Passavant-Chazot, dans le Doubs.

Visite dans son atelier. Il fait chaud. Le sol est humide. Il y a de la buée sur les fenêtres. 9h00 du matin. C'est l'étape du caillage du lait. Le moment où tout se joue.

Benoît Cantin est concentré sur son travail, le regard attentif, les mains dans la cuve pour toucher et ressentir la formation du caillé :
 

Ils se sont servis de la caillette de veau (l'estomac de l'animal), ils ont trouvé que ça faisait coaguler le lait. On n'a rien inventé, on ne fait que continuer une tradition, je trouve ça génial ! Le matériel a évolué, mais la recette est la même, c'est ce qui est gratifiant dans notre métier 

Benoît Cantin, fromager à Passavant (Doubs)

 

Quand il parle de son métier, Benoît Cantin est intarissable : "il n'y a pas que le toucher, il y a le visuel, on voit l'évolution de la texture, ça va nous guider pour la fabrication du lendemain. Cette observation se poursuit au moulage, on regarde la réaction du gel, du caillé"
 

On part d'un produit noble, le lait, pour le faire évoluer. Pour moi,  le comté, c'est une pépite !


Une pépite qui a sauvé des générations de paysans de la montagne jurassienne. Aujourd'hui, la filière comté est plutôt en bonne santé. Avec une production annuelle de 60 000 tonnes, c'est la première appellation d'origine protégée (AOP) de France.
 


 
Les routes et les recettes du comté
Le comté est un fromage qui se prête à une multitude de recettes. Il est aussi une destination touristique en Franche-Comté.
L'actualité "Culture" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Bourgogne-Franche-Comté
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité