Il y a un an, le 25 mars 2020, Jacques Lajeanne, décède du Covid-19. Neuf jours après le premier tour des municipales, où il avait tenu le bureau de vote, le maire du village de Beuray-Bauguay (Côte d'Or), est le premier élu français emporté par la pandémie. Un an plus tard,le traumatisme demeure.
En ce début avril 2021, trois confinements plus tard, les 130 d'habitants du village de Beurey-Bauguay garde un souvenir très fort des premiers jours de l'épidémie. Dans ce village très rural, à une cinquantaine de kilomètres de Dijon, le coronavirus c'était d'abord dans les médias et les grandes villes. Jusqu'à ce que Monsieur le maire soit emporté. Le 27 mars 2020, 10 jours après avoir tenu le bureau de vote lors des élections municipales, Jacques Lajeanne décède. Il est présenté par les médias comme le premier élu à mourir du Covid-19.
Jacques Lajeanne ne s'était pas représenté en mars 2020. Maire depuis 2014, l'homme, agé de 81 ans, était toujours en fonction au moment de son décès. Le nouveau conseil municipal n'ayait pas pu élire son successeur en raison du confinement. J
"C'était difficile et ça le reste encore" reconnait Corinne Maugey, la nouvelle maire du village élue en juin 2020. Conseillère municipale aux cotés de Jacques Lajeanne, elle se souvient du drame comme si c'était hier.
Du jour au lendemain, le village fait la une des journaux télévisés et des chaines d'information en continu. Pendant plusieurs jours, Corinne Maugey voit débarquer les caméras et les grandes radios nationales dans ce petit village de 135 habitants."En tant qu'élue, j'ai le souvenir du drame de l'année dernière mais les citoyens de Beuray-Bauguay l'ont encore plus. Dans l’inconscient de chacun, on a tous l’image de Jacques."
Pour prendre une mairie à 76 ans, il fallait avoir énormément de courage.
Impossible de savoir comment et quand Jacques Lajeanne a été contaminé. Son épouse, elle aussi décédée, a été hospitalisée peu avant lui au CHU de Dijon.
Dans le village, tout le monde garde le souvenir d'un maire bienveillant, travailleur et attentionné. "Il essayait toujours de trouver une solution pour ses administrés ou ses employés. J’avais vraiment des rapports cordiaux avec lui" se souvient Martine Mathieu, secrétaire de mairie depuis 2001.
Malgré son âge et sa fatigue," il avait énormément d’énergie à dépenser pour la commune et au service des autres" ajoute-t-elle encore gagnée par l'émotion.
"C'était quelqu'un de bien" s'empresse de dire Suzette, une habitante de Beurey-Bauguay. "On pouvait l’appeler à n'importe quelle heure, il répondait tout le temps."
De nouvelles élections ?
A Beurey-Bauguay, si le souvenir des dernières élections reste vif, c'est aussi l'organisation d'un nouveau scrutin dans quelques semaines qui préoccupe. Les 13 et 20 mars prochains doivent avoir lieu les élections départementales et régionales.
"On ira voter, mais on ne prendra pas de risques !"prévient Michel Bottard. Conseiller municipal de 62 ans, il a également été durant plus de vingt ans l'ami de l'ancien maire. Il était à ses côtés la semaine des élections municipales. Le souvenir de la mort de son ami est encore bien présent et reste un véritable choc. "Chaque concitoyen viendra voter avec, en tête, le souvenir de l’ancien maire Jacques Lajeanne", nous dit l'élu.
Si les élections sont maintenues, Corinne Maugey sera là pour rassurer les habitants de sa commune. La maire veut faire son maximum pour que tout se passe bien. Elle prendra les précautions nécessaires. "Mon rôle est de rester bienveillante vis à vis de la population. Je vais certainement faire un roulement pour que les personnes qui viendront voter puissent rentrer une par une et pas qu’elles viennent en groupe." Mais l'incertitude actuelle rappelle de mauvais souvenirs. "On est toujours au même stade que l’année dernière pour la crise covid. On est dans l’incertitude et même pour une petite commune ce n’est pas facile à gérer."
Il va falloir faire très attention et vraiment respecter les conseils sanitaires donnés par la préfecture, prévient Michel Bottard. Il ne cache pas ses regrets sur les conditions d'organisation des dernières élections. "Il n'y avait rien pour se protéger. Il n’y avait ni gel , ni masque. On aurait du attendre encore avant d’aller voter. » Les arrivages de masques, de gels ont eu lieu bien plus tard dans les communes bourguignonnes.
"Si la crise sanitaire se calme cette année, je suis d’accord pour qu’il y ait des élections. Mais si on est confiné et que ça continue je suis prêt à les reporter."
Avant même l'organisation des prochaines élections, dans la commune de Côte d'Or, on fait le maximum pour éviter les contaminations. "Avec les élus, lors des réunions, on a toujours fait attention, assure la maire, Corinne Maugey. On a toujours mis des masques, du gel à dispositions, respecté les distanciations sociales dans la salle du conseil municipal." Le conseil municipal a aussi été déménagé. "On a même changé de salle et pris une plus grande pour être les plus éloignés des uns des autres."
C'est l'Etat qui tranchera sur le maintien des prochaines élections départementales et régionales. Mais si la crise sanitaire dure, Corinne Maugey préférerait que les élections soient reportées. Pour les deux élus, la démocratie ne doit pas se faire au prix de la tragédie de l'an dernier.
Quoiqu'il en soit, c'est déjà décidé, contrairement aux dernières municipales, il n'y aura pas de public lors du prochain dépouillement pour éviter un maximum de contact. "On demandera à ce qu’il n'y ait que les élus et personne d’autre. On mettra certainement des barrières de protection" avertit la maire. "Aux prochaines élections, quand les électeurs verront l’urne de vote, je suis certaine qu’ils vont penser à Jacques. Il est toujours présent dans nos têtes."
Il a été, bien malgré lui, le symbole d'une vie démocratique heurtée par l'épidémie. Jacques Lajeanne restera bien plus que cela dans l'esprit des habitants du village.