À peine intégrées à Dijon, elles doivent partir à Semur-en-Auxois : la difficile question de l'accueil durable des réfugiés d'Ukraine

Lesya et ses filles ont fui l'Ukraine en guerre pour s'installer à Dijon. En cinq semaines, elles ont pris leurs marques et espèrent refaire leur vie. Problème : pour libérer de la place dans leur foyer d'accueil, on leur demande de déménager à Semur-en-Auxois, à une heure de route.

Après 12 jours de voyage sur les routes de l'exode, Lesya, ses deux filles, son ex-mari et sa soeur sont arrivés le 11 mars dernier à Dijon. La famille était jusqu'à présent logée au foyer Abrioux, ce lieu qui accueille de nombreux réfugiés ukrainiens depuis le début de l'exode. Mais ce foyer, Lesya et ses filles ont dû le quitter mardi 19 avril, pour laisser la place à de nouveaux arrivants. La solution qu'on leur a proposée : Semur-en-Auxois, à 80 km de Dijon.

Lesya craint d'infliger un deuxième déracinement à ses filles

Problème : depuis son arrivée le 11 mars, la petite famille a commencé à s'intégrer à Dijon. Lesya, 40 ans, orthophoniste, qui vivait à 10 km de Kiev, suit des cours de français au Greta de Dijon, un centre de formation continue. "On m'a proposé de faire femme de ménage, mais j'ai plusieurs diplômes, j'ai terminé parmi les premiers de ma formation d'orthophoniste."

"Je veux être utile ici, reprendre mon travail. Pour ça, j'ai besoin de continuer mes cours de français."

Or, à Semur, selon les informations qu'a obtenues Lesya, elle ne pourra recevoir qu'un cours par semaine. "Moi, j'ai besoin de prendre des cours intensifs, tous les jours. Et à Dijon, j'ai entendu dire qu'ils avaient besoin d'orthophonistes. À Semur, tout ce que je pourrai faire là-bas, c'est du ménage et passer le temps en ne faisant rien.

Ses deux filles aussi ont trouvé leur rythme. Elles sont scolarisées au collège des Lentillères pour l'aînée, à l'école Mansart pour la cadette. "Elles sont dans des cursus spéciaux pour les élèves étrangers, où elles apprennent le français de manière intensive." Surtout, ses enfants s'y plaisent. "Elles se sont habituées à leur école, elles adorent leurs professeurs, leurs camarades de classe."

"Mes filles ont déjà subi une première blessure en quittant l'Ukraine. Là, elles vont en subir une deuxième si elles quittent leur école, surtout en plein milieu de l'année scolaire."

Ce mardi matin, l'ex-mari, la sœur et la fille cadette de Lesya sont donc partis à la gare, direction Semur-en-Auxois. Lesya et sa fille aînée restent, car sa fille a besoin d'un examen médical chez un spécialiste à Dijon. Grâce au réseau de volontaires, Lesya a trouvé une alternative : rester à Dijon avec ses enfants du lundi au vendredi chez des particuliers, et vivre à Semur le week-end. "Comme ça, les filles pourront continuer à aller à l'école et moi, je pourrai suivre mes cours de français à Dijon. Mais ce n'est pas simple, car il y a près de trois heures de transports aller-retour entre Dijon et Semur."

"L'isolement ne facilite pas les choses", reconnaissent les associations

La situation de Lesya et ses enfants ne surprend pas Paul Garrigues, le co-président de la Ligue des droits de l'Homme à Dijon. "Personne ne s'attendait à ce que tant de monde arrive." Depuis la déclaration de guerre de Vladimir Poutine le 20 février, ils sont 4 600 000 à avoir fui l'Ukraine.

"C'est vrai pour tous les migrants en général : il y a plutôt une politique de répartition sur tout le territoire, ce qui peut s'entendre, mais pose de vrais problèmes dans la vie concrète des réfugiés : l'accès à un certain nombre de services publics, le fait de pouvoir se retrouver entre eux aussi, ce qui est important quand on a vécu des traumatismes pareils."

La Ligue des droits de l'Homme préférerait "que l'on prenne plus en compte les besoins des exilés, pour qui c'est plus facile d'être près de grandes villes."  "L'isolement ne facilite pas les choses", avoue Paul Garrigues. Il reconnaît que la campagne a, bien sûr, des choses à offrir aux réfugiés. "Mais quand on est dans un tel état de détresse, ce sont des nuances qui peuvent être difficiles à entendre."

"La guerre n'est pas finie, donc si les gens doivent rester longtemps, comment pérenniser l'accueil ? Il y a eu un grand élan de générosité, mais il faut des choses qui se pérennisent, c'est ça notre souci."

168 réfugiés hébergés dans des logements sociaux, la grande majorité d'entre eux logés grâce au réseau d'entraide

Depuis le début de la guerre, la Côte-d'Or a accueilli 759 Ukrainiens, dont les deux tiers sont hébergés grâce au réseau des particuliers. Le tiers restant est logé dans de l'hébergement social : c'est ce qui est proposé à Lesya et sa famille à Semur-en-Auxois. "À ce jour, 168 personnes sont logées dans le département de manière pérenne dans de l'habitat social, dont 34 dans le Nord Côte-d'Or et ce sera le cas de cette famille", indique Danyl Afsoud, le directeur de cabinet du préfet de Dijon. "On essaie d'opérer un juste équilibre dans la répartition des familles ukrainiennes dans le département."

Le directeur de cabinet dit "comprendre les interrogations de ces familles", mais assure être "convaincu que les conditions de leur accueil les rassureront".

"Dans les plus petites communes, c'est là que le tissu associatif est fortement mobilisable et l'accueil, l'accompagnement, l'intégration des familles s'opère de manière tout à fait satisfaisante."

Lesya, de son côté, tient malgré tout à remercier chaleureusement la solidarité des Dijonnais. "Les gens ne sont pas obligés de le faire, mais ils essaient d'aider du mieux qu'ils peuvent. Ils ne sont pas indifférents. Le bailleur social, Coalia, et la préfecture, font aussi le maximum pour nous aider."

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