Près d'un mois après le début de la guerre, les Ukrainiens en exil continuent d'arriver en Bourgogne. Alors qu'un gymnase dédié à leur accueil ouvre ce jeudi au Drapeau à Dijon, France 3 s'est rendu au foyer Abrioux, première structure de la ville à avoir ouvert ses portes pour loger les réfugiés.
Dans cette petite rue près du quartier des Lentillères, l'immeuble du foyer Abrioux, sorti de terre fin 2020, connaît une activité inédite depuis trois semaines. La résidence est devenue le point de chute de nombreux Ukrainiens, ou plutôt Ukrainiennes : ce sont des femmes pour la plupart, arrivées avec leurs enfants. Chaque jour, les nouvelles arrivantes, les bénévoles, professionnels et autres citoyens de bonne volonté se réunissent ici pour construire l'avenir au jour le jour.
"Les gens sont traumatisés"
Il y a d'abord les réfugiées, toujours plus nombreuses. Visages marqués, elles sortent pour fumer une cigarette et téléphoner à leurs compagnons restés sur place, par volonté de combattre ou par impossibilité de quitter l'Ukraine. Elles sont nombreuses à être arrivées en France par leurs propres moyens, et se sont retrouvées disséminées dans des hôtels ou des hébergements temporaires. La Croix-Rouge, avec sa fourgonnette, se charge de les récupérer et de les conduire au foyer. Lors de notre visite lundi soir, la Croix-Rouge a acheminé une dizaine de réfugiées.
Nous leurs demandons si elles souhaitent s'exprimer : refus unanime. "C'est trop tôt", nous dit une bénévole. "Les gens sont encore traumatisés, sous le choc." Un membre du CCAS, le centre communal d'action sociale de Dijon, explique qu'une psychologue est venue les former à reconnaître les signes de stress post-traumatique chez les nouveaux arrivants. "Ça peut s'exprimer par du mutisme, ou au contraire beaucoup d'exubérance... C'est très divers."
"Je suis impressionné par la solidarité des gens"
Il y a aussi les bénévoles associatifs, notamment de l'association Ukraine Dijon Besançon. Le jour de notre visite, ils s'affairent avec le personnel du CCAS dans une grande salle de l'immeuble remplie de dons : vêtements, jouets pour enfants, peluches. Au sous-sol, des frigos ont été installés pour stocker les dons de nourriture. "Je suis impressionné par la solidarité des gens", souffle Jean-Pierre, un bénévole d'UDB. Il salue aussi aussi les membres de son association, en particulier les Ukrainiennes qui vivent à Dijon et se démènent pour aider leurs compatriotes. "Il faut les voir. Elles ont une énergie folle, elles ne s'arrêtent jamais ! C'est un exemple de courage." L'association a aussi réussi à remplir plusieurs containers de dons à destination, cette fois, de l'armée ukrainienne et des habitants sur place. Ils doivent prendre la route incessamment.
ça me fait super plaisir de les aider
Manuloge à la résidence Abrioux depuis 7 mois
Il y a aussi ceux qui ne font partie d'aucune association, mais qui viennent aider du mieux qu'ils le peuvent. On discute avec Manu, chauffeur de profession. Il loge à la résidence Abrioux depuis sept mois, et se consacre autant qu'il le peut à l'accueil de ses nouveaux voisins depuis que les exilés ont commencé à arriver.
Manu et les autres Français se débrouillent grâce aux traducteurs de leurs téléphones pour communiquer avec les Ukrainiens. Ils peuvent aussi compter sur les interprètes improvisés, comme Svitlana, Ukrainienne qui vit à Dijon depuis des années et parle français. Elle relaie les consignes du CCAS : "Pour faire tourner une machine de linge, il faut insérer de la monnaie. Si vous n'en avez pas, vous vous présentez à l'accueil et on vous donnera des pièces", explique-t-elle dans sa langue natale aux nouveaux arrivants. Des détails, mais des détails importants pour toutes ces familles qui arrivent dans une ville inconnue, avec une langue et une monnaie qu'elles ne connaissent pas.
De nouvelles places d'hébergement débloquées
Il s'agit aussi de préparer la suite. Ici, le foyer Abrioux arrive à saturation. Comment loger les autres ? "On a encore 20 personnes qui arrivent, la ville nous a promis qu'il y aurait des places pour eux", veut croire une Ukrainienne installée en France depuis longtemps. À partir de ce jeudi, la ville ouvre le gymnase Chambelland, dans le quartier du Drapeau, pour accueillir temporairement les Ukrainiens et les rediriger vers des logements plus pérennes.
Et le nombre de réfugiés va continuer de croître : depuis le 24 février, plus de trois millions d'Ukrainiens ont quitté leur pays, dont 1,4 millions d'enfants, selon l'Organisation internationale pour les migrations. L'Allemagne a déjà accueilli 160 000 personnes, la France seulement 15 000.