Les images de maltraitance animale à l'abattoir de Venarey-les-Laumes (Côte-d'Or) dévoilées ce 11 avril par L214 ont ravivé les questionnements autour de l'abattage rituel. On vous explique comment fonctionne cette pratique nécessaire à la production de viande halal et casher.
Elle réclame leur interdiction. Sur fond d'un nouveau scandale de maltraitance animale dans un abattoir (à Venarey-les-Laumes, en Côte-d'Or), l'association de défense des animaux L214 a lancé une pétition visant à obtenir la fin des abattages d'animaux sans étourdissement. Comprendre : les abattages "rituels", pratiqués pour la production des viandes halal et casher.
Les images diffusées par L214 - pour certaines particulièrement choquantes - ont suscité de nombreuses interrogations sur cette pratique. La réglementation européenne oblige en effet l'étourdissement des animaux avant leur abattage, dans le cas où lesdits animaux sont destinés à la consommation humaine.
Une pratique fortement réglementée...
Une dérogation à cette obligation est toutefois rendue possible par le droit européen, "lorsque l'étourdissement n'est pas compatible avec les prescriptions rituelles relevant du libre exercice du culte". De fait, "l'abattage sans étourdissement des animaux est organisé afin de garantir le libre exercice des pratiques religieuses dans le respect des dispositions réglementaires relatives à la protection animale", précise le ministère de l'Agriculture.
Reste que l'abattage rituel est largement encadré, afin d'éviter, en théorie, tout abus. Il ne peut ainsi être pratiqué que dans des établissements agréés qui possèdent la dérogation en question, délivrée par le préfet du département. Dans le cas de l'abattoir de Venarey-les-Laumes, L214 a justement demandé le retrait de sa dérogation à l'établissement.
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Plusieurs conditions sont nécessaires à l'obtention de la dérogation. Elle ne peut ainsi être accordée qu'aux abattoirs qui possèdent un "matériel adapté et un personnel dûment formé", et des procédures qui garantissent "des cadences et un niveau d'hygiène adaptés, ainsi que d'un système d'enregistrement permettant de vérifier qu'il n'est recouru à l'abattage sans étourdissement préalable qu’à raison de commandes commerciales le justifiant".
... interdite dans certains pays d'Europe
Malgré ces règles, plusieurs pays d'Europe ont interdit l'abattage sans étourdissement pour des raisons de bien-être animal. C'est le cas par exemple de la Belgique, du Danemark, de la Finlande, du Luxembourg, de la Norvège, de la Suède ou encore de la Suisse. En avril 2024, la Cour européenne des droits de l'Homme a même rendu une décision inédite, affirmant que cette interdiction ne violait pas les libertés religieuses.
S'il n'est pour l'heure pas question d'une telle interdiction en France, les autorités religieuses n'en sont pas moins inquiètes. "Nous sommes dans un pays laïc et libre, qui garantit la pratique de leur religion aux individus", souligne le rabbin de Dijon Simon Sibony. "L'abattage rituel est régulièrement remis sur la table, mais c'est une pratique essentielle dans le judaïsme et l'islam. Si on l'interdit, on ne pourrait plus manger casher !"
Le problème est de savoir si on respecte notre religion. Si on nous interdit l'abattage rituel, que va-t-on nous interdire ensuite ?
Simon Sibony,rabbin de Dijon
Interrogé par l'Agence France Presse (AFP) au sujet des images dévoilées par L214, le recteur de la Grande mosquée de Lyon (Rhône) Kamel Kabtane a de son côté affirmé que "nous musulmans, nous avons le sens du respect de l'animal", tout en indiquant que "les scarificateurs sont formés au respect animal".
Pour rappel, une inspection de l'abattoir de Venarey-les-Laumes a été diligentée ce jeudi 11 avril par la préfecture de Côte-d'Or. L'établissement a suspendu les abattages rituels "pour les veaux et les gros bovins hors gabarit, c'est-à-dire pour lesquels le matériel de contention de l'abattoir est inadapté". De nouvelles inspections doivent avoir lieu en début de semaine prochaine.
Des mesures "dérisoires", estime L214 dans un communiqué, "au regard des graves infractions observées sur les images, en particulier les animaux libérés de leur contention encore conscients qui se débattent jusqu’après leur suspension". L'association a donc annoncé qu'elle engageait "un recours contre l'État pour manquement à sa mission de contrôle".