Ce que vous ignorez sur les mystérieuses et rares cigognes noires, de retour en Bourgogne pour nidifier

Bien moins nombreuses que leurs cousines blanches, les cigognes noires sont de retour dans le Châtillonnais (Côte-d'Or) et ailleurs en Bourgogne pour nidifier et se reproduire. Voici quelques éléments pour en savoir plus sur ces oiseaux rares.

Elles sont de retour en Bourgogne. Après avoir passé l'hiver en Afrique, les cigognes noires achèvent leur long voyage migratoire et sont en train d'arriver dans nos campagnes. Elles y retrouveront leur partenaire et se reproduiront, avant de repartir vers le Sud à la mi-septembre.

Pour mieux connaître cette espèce très discrète, France 3 a contacté Paul Brossault, retraité de l'Office des forêts, expert "cigogne noire" à la commission de sauvegarde des espèces de l'UICN et chargé de mission "cigogne noire" au sein de l'ONG environnementale "Forestiers du monde". Voici sept éléments à savoir sur cet oiseau rare.

La cigogne noire parcourt 250 kilomètres par jour

Ces grands oiseaux ont passé l'hiver en Mauritanie, en Guinée, au Ghana ou au Sénégal, avant d'entamer leur voyage vers le Nord. Un périple de 4 000 kilomètres, qui touche à sa fin.

Paul Brossault suit plus particulièrement une cigogne femelle, baguée en 2012 et équipée d'un émetteur satellite depuis 10 ans. Grâce à ce dispositif, il peut suivre, chaque jour, le plan de vol de la cigogne. "Elle est en train de passer les Pyrénées et doit arriver dans le Châtillonnais dans les prochaines heures ou prochains jours", explique l'expert. C'est ici qu'elle retrouvera son partenaire pour se reproduire.

Elle est fidèle (mais pas toujours)

Comme d'autres espèces animales, la cigogne noire forme un couple soudé. Chaque année, les partenaires font le voyage séparément et "le premier arrivé attend l'autre", explique Pierre Brossault. La cigogne ne change de partenaire que si son conjoint disparaît ou décède. Mais cela ne veut pas dire que la cigogne est complètement fidèle !

"Je n'ai jamais constaté de divorce, mais tous les enfants ne sont pas du même père !" s'amuse Pierre Brossault. "Quelque fois, on se rend compte qu'il y a copulation en-dehors du couple." Un des éléments d'explication : cela créerait un brassage de sang et de génétique permettant de limiter la consanguinité.

La cigogne noire est casanière et réglée comme un coucou

La cigogne que suit Pierre Brossault a un rythme bien établi, année après année. "Elle niche toujours dans la même zone, elle a 6 ou 7 nids sur un plateau forestier. Lorsqu'elle arrive de sa migration, elle s'arrête toujours sur le nid de l'année précédente. Puis, elle se promène et elle choisit son nid de l'année."

Elle repartira ensuite à une date très précise : entre le 14 et le 19 septembre, jamais avant ou après. "Elle est très régulière dans ses déplacements."

Entre-temps, elle se nourrira toujours au même endroit : un petit cours d'eau à environ 25 kilomètres de son lieu de nidification. "C'est un ruisseau à chabot, un petit poisson nocturne qui, le jour, vit sous les pierres. La cigogne soulève les pierres pour le manger."

Elle est bien plus rare que la cigogne blanche... 

Contrairement à sa cousine blanche, la cigogne noire a très peu de représentants en France. "La population est très faible par rapport à la blanche", confirme Pierre Brossault. "Il y a 3 000 couples de cigognes blanches connus en France, et seulement 86 de cigognes noires."

En Bourgogne, les experts ont connaissance de neuf couples nicheurs en Saône-et-Loire, cinq en Côte-d'Or (quasi-exclusivement dans le Châtillonnais), trois ou quatre dans la Nièvre et un ou deux dans l'Yonne.

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... et bien plus farouche

"C'est un oiseau très sauvage, contrairement à la blanche qui s'approche davantage de l'Homme." Comme le chat noir, la cigogne noire a longtemps été victime d'une mauvaise réputation. "Avant, c'est une couleur qui desservait les animaux. La cigogne blanche était très populaire. Mais on tirait souvent les cigognes noires." 

Résultat, la cigogne noire ne se laisse pas facilement amadouer. Pierre Brossault n'a jamais pu établir de "contact" avec celle qu'il suit depuis 10 ans, même s'il est allé par deux fois jusqu'en Mauritanie pour l'observer ! "C'est amusant de la voir au milieu des dromadaires et des crocodiles, mais je n'ai jamais pu l'approcher !"

De toute façon, il faut absolument éviter de déranger les oiseaux. C'est pour cela que les emplacements précis des nids ne sont jamais communiqués, et réservés à une poignée d'observateurs. "Mais si vous voulez en voir, vous pouvez toujours aller vadrouiller en voiture près des petits cours d'eau et des prairies", glisse Pierre Brossault. Précisons qu'aujourd'hui, ces deux espèces sont classées comme protégées et non chassables.

Elle tient à son intimité

Autre spécificité de la cigogne noire : elle ne supporte pas ses voisins ! "Alors que chez la cigogne blanche, trois couples peuvent nicher quasiment au même endroit, il y a 10 kilomètres qui séparent les nids des cigognes noires", selon Pierre Brossault. Cette différence s'explique car il s'agit bien de deux espèces distinctes, et pas d'une simple variation de couleur.

Il existe des hybrides de cigognes noires et blanches 

Deux espèces... qui peuvent, toutefois, se reproduire ! Pierre Brossault fait état d'un "premier cas documenté d'hybridation avec des oiseaux apparemment sauvages", une cigogne noire et une blanche, observé en Allemagne. Cette hybridation n'avait jusqu'alors été observée qu'en captivité.

Le couple "mixte" a engendré deux oisillons : "un noir, et un véritablement dalmatien !" Ce qui laisse planer l'espoir d'apercevoir, un jour peut-être, d'exceptionnelles cigognes noires et blanches dans nos cieux bourguignons.