Les congés menstruels commencent à s'implémenter en Bourgogne. En 2023, le lycée privé Les Arcades, à Dijon, puis la ville de Chenôve ont décidé de mettre en place ce congé pour leurs employés. Une mesure, qui est, pour l'heure, difficile à chiffrer.
"Il y a eu un mois où j'étais au travail, la tête sur mon bureau, à pleurer et à me dire que cela n'allait pas être gérable. Cela prend tellement le dessus que je ne peux plus rien faire d’autre." Comme une femme sur dix, Juliette est atteinte d'endométriose, une maladie gynécologique incurable.
Cette pathologie vient de l'endomètre, la couche interne de l'utérus. Lors des règles, les cellules de cette membrane se mettent au niveau du pelvis et s'enflamment. Ensuite, "les symptômes sont assez variés," explique Malhine Cunis, une sage-femme.
"On peut avoir des patients qui vont seulement éprouver des douleurs pelviennes. D'autres vont avoir en plus des vomissements, des nausées, des malaises voire des règles hémorragiques."
Pour contrer ce problème, le Japon, l'Indonésie ou l'Espagne ont décidé de créer un congé menstruel. Concrètement, les femmes souffrant de règles douloureuses à cause de pathologies comme l'endométriose peuvent prendre un arrêt de travail entièrement remboursé.
Par ailleurs, cette mesure commence à s'implémenter en Bourgogne. Le lycée privé Les Arcades a été le premier établissement à sauter le pas - établissements scolaires et entreprises confondus.
Une demande venant d'une histoire personnelle
Ce projet a été porté par Delphine Bouchoux, déléguée syndicale affiliée au Snec-CFTC Bourgogne. "J'avais aussi un souci d'endométriose. Par la force des choses, je sais que cette pathologie est très invalidante et qu'il y a des femmes qui ne peuvent pas se rendre au travail. Pour cette raison personnelle, j'ai eu envie de mettre ce congé en place grâce à un accord d'entreprise."
Lors des négociations annuelles obligatoires (NAO), elle a donc posé cette mesure sur la table. Ensuite, la cheffe d'établissement et les syndicats sont entrés en négociation. "Elle avait peut-être cette sensibilité par rapport à ce sujet. Elle a retenu l'idée, puis nous avons convenu des modalités et des paramètres d'application si un tel accord devait exister dans l'établissement."
Au lycée privé Les Arcades, une femme victime de règle invalidante peut donc avoir un jour par mois de congé, avec maintien de salaire total. "En fonction de son état, elle peut aussi avoir recours au télétravail. C'est elle qui décide si elle travaille ou non, et la manière dont cela est mis en place."
Ce fonctionnement est similaire à la proposition de loi déposée le 26 mai dernier à l'Assemblée par trois député écologiste, Sandrine Rousseau, Sébastien Peytavie et Marie-Charlotte Garin. Mais aussi à la loi votée par la ville de Chenôve (Côte-d'Or) le 18 décembre dernier en conseil municipal, située en agglomération dijonnaise.
Pour l'heure, peu de retours en Bourgogne
Selon le maire de Chenôve, Thierry Falconnet, "un certain nombre de femmes autour de moi m'ont incité à me pencher sur ce dossier. Donc, nous avons décidé de suivre le pas."
Il estime que la mise en place de ces congés "est un message d'égalité entre les hommes et les femmes, car ces pathologies strictement féminines peuvent être lourdes pour les femmes qui en souffrent. Le fait de dire, vous ne serez pas pénalisés sur le plan de votre avancement de carrière ou des jours de carence est un signe de progrès social."
Brigitte Popard, première adjointe au maire en charge des relations humaines et sociales, ne peut pas estimer le coût d'une telle mesure, "car sous le sceau de la confidentialité, on ne connaît pas exactement le nombre d'agents qui reviendront vers nous pour pouvoir bénéficier de ce protocole."
De son côté, Delphine Bouchoux explique qu'aucune "femme n'a pris de congé menstruel." S'ils n'ont qu'un échantillon depuis la rentrée de septembre, cette syndicaliste voit d'autres raisons qui expliquent ces choix : "soit elles n'en n'ont pas besoin. Soit elles ont un traitement qui atténue la douleur. Soit, et ce point est une interprétation de ma part, c'est un sujet qui reste très intime et il peut y avoir une certaine gêne à en parler."