Abeye, start-up de Beaune (Côte-d'Or) spécialisée dans les lunettes intelligentes, participera le week-end du 1er juillet à la Grande Exposition du Fabriqué en France à l'Elysée. Leur innovation Lexilens, commercialisée depuis 2021, a pour ambition de changer la vie des personnes dyslexiques.
La lettre P se transforme en D, quand ce n'est pas le B qui vient s'y mélanger. Aujourd'hui en France, près d'un enfant sur dix souffre de troubles cognitifs sans déficience intelectuelle, autrement appelés "dys". Chapeauté par Atol, la start-up Abeye a mis au point une paire de lunettes innovante, Lexilens, destinée à corriger ce trouble chez les utilisateurs. Débuté en 2017 et mis sur le marché en 2021, le projet vise à rendre plus facile le quotidien des dyslexiques, notamment des enfants. Mais après deux années, cette technologie peine encore à faire consensus chez les spécialistes.
Une entreprise modeste aux grandes aspirations
Tout commence en 2017. Albert Le Floch et Guy Ropars, chercheurs à l'université de Rennes, découvrent que les récepteurs de lumière des personnes souffrant de dyslexie ont une particularité. Ils sont complétement symétriques, contrairement à la normale. Cette caractéristique créé des "images miroirs" dans le cerveau des concernés. Plus simplement, certaines lettres se posent les unes au dessus des autres.
De ce postulat, Michael Kodochian, fondateur et dirigeant d'Abeye, start-up de Beaune, se lance dans la recherche et le développement d'un outil qui permettrait de corriger ce défaut. Après deux ans de travail acharné, ce qui n'était qu'une simple idée se transforme en "produit utile" : les lunettes Lexilens voient le jour. "Les gens atteints de dyslexie ne sont pas dans la lecture mais dans le déchiffrage. On a voulu y apporter une réponse avec cette innovation", détaille Michael Kodochian. Les binocles électroniques débarquent sur le marché en décembre 2020.
D'ores et déjà récompensées à de multiples reprises, la participation de la jeune entreprise à la Grande Exposition du Fabriqué en France, qui, comme son nom l'indique, met à l'honneur le "made in France", sonne comme "une consécration et une fierté".
C'est une fierté d'avoir fait ce chemin là. Après tout, on reste une petite entreprise.
Michael Kodochian, fondateur d'Abeye
"On ne veut pas vendre des produits, on veut aider les gens"
"La dyslexie, c'est comme un tableau noir sur lequel on écrirait encore et encore. Les lunettes viennent effacer le tableau". Voilà comment pourrait être résumé le potentiel intérêt de la création de la start-up beaunoise. Grâce à ses verres, les lunettes viendraient faire disparaître une des deux images à l'origine du trouble, ce qui permettrait à ceux qui les portent de lire distinctement chaque caractère. "A la base, c'était surtout conçu pour les enfants chez qui la dyslexie peut poser beaucoup de difficultés en classe. Puis on a élargi ça aux adultes", éclaircit Michael Kodochian.
Mais si 49% des professionnels traitant de ces questions ont émis un avis favorable quant à l'utilisation de cet outil, la preuve scientifique de son efficacité reste à préciser.
Plusieurs visions et des nuances
Car si la découverte des deux physiciens rennais a été récompensée du prix de l'Académie nationale de médecine, le produit vendu par Atol ne possède pas, lui, encore aujourd'hui, de véritable reconnaissance ou validation scientifique.
Dyslexie : petit tour d'horizon en France et en Bourgogne
La dyslexie est un trouble du language qui entraîne "une difficulté durable d'apprentissage de la lecture et d'acquisition de son automatisme". Ceux qui en souffrent le plus souvent font face à une superposition des lettres lors de celle-ci. Elle peut se traduire par des difficultés dans plusieurs domaines comme la mémorisation ou le repérage dans l'espace, entre autres.
En 2022, ce problème touche environ 600 000 enfants scolarisés soit 6 à 8% des effectifs, selon le ministère de l'Education nationale. Cela concerne 5% de la population adulte, environ un million de personnes.
En Bourgogne, on dénombre quelque 300 000 personnes dyslexiques parmi lesquels 54 000 enfants de moins de quinze ans.