"A 22 ans, on a envie d’être ailleurs que chez ses parents", le difficile retour des étudiants confinés

À la suite de l'annonce du confinement à Paris le 18 mars, de nombreux étudiant(e)s ont fui la capitale pour retourner chez leurs parents. Une cohabitation forcée pas toujours facile. Illustration en Côte d'Or et en Saône-et-Loire.

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Claire Bony a 22 ans. Elle est étudiante en école de commerce à Paris. Mais depuis quelques jours, c'est dans le salon de ses parents qu'elle s'est installée pour suivre ces cours en ligne. À l’annonce du confinement localisé, elle n’a pas hésité longtemps. En quelques clics, elle réserve un covoiturage et fait ses valises pour la Saône-et-Loire. « Je ne me suis même pas posée la question. Ce n’était vraiment pas envisageable. Je ne regrette pas parce que la solitude dans un appartement est quand même très compliqué. Quatre semaines, ça reste très long sans voir personne, sans pouvoir sortir… » explique la jeune femme.

Parfois on se retrouve à 180 sur un meeting Teams.

 Claire Bony, étudiante

Bien qu’un confinement parisien soit impensable pour elle, le retour chez ses parents n’est pas de tout repos : connexion instable, perte de motivation, vie avec la famille… Pour elle, la situation est complexe et pesante à bien des égards. « Les problèmes de connexion, ça peut arriver quand on est beaucoup. Parfois on se retrouve à 180 sur un meeting Teams. C’est compliqué pour les travaux de groupe, personne n’a les mêmes horaires. C’est un manque de motivation pour tout le monde, un ras-le-bol. » commente Claire Bony. 

C'est difficile de se réadapter.

Claire Bony, étudiante.

Un retour à la maison parfois synonyme d’un retour en arrière pour ces jeunes en quête d’indépendance. « C’est assez bizarre. Moi je suis partie à Paris juste après mon bac pour mes études donc j’ai vite eu un appartement à moi. J’ai aussi vécu à l’étranger toute seule… C’est difficile de se réadapter, on a plus les même habitudes, on ne mange pas aux même heures, on ne fait pas les même choses… Et puis parfois pour les cours c’est compliqué, j’ai besoin d’être au calme. Et ma mère ne travaille plus. Du coup, elle est dans la maison, elle fait du bruit, elle est au téléphone… Donc pour la concentration, c’est super difficile. »

J’essaie de ne pas trop penser à si ça peut se prolonger ou non.

 Claire Bony, étudiante.

Une situation globale que la jeune femme ne vit pas très bien. Ce nouveau confinement instaure une incertitude pour la suite de ses études. « Si on est de retour en présentiel, il faut se retrouver un appartement à Paris. Ça reste très compliqué et très cher. Si les cours en distanciel durent un mois, on va payer un appartement pour rien. Moi j’aime la dynamique de Paris, j’ai mes amis là-bas… J’essaie de ne pas trop penser à si ça peut se prolonger ou non. J’appréhende de ne pas pouvoir être autonome » témoignage Claire Bony.

Ce retour au sein du domicile familial divise la maman de Claire, Pascale Faron. Très heureuse de retrouver sa fille, elle est cependant consciente que cette situation peut nuire à son bien-être : « À 22 ans, on a envie d’être ailleurs que chez ses parents. On a besoin d’être en contact avec des gens, partager des choses, de travailler ensemble. Et là ils sont chacun chez eux, c’est très dure psychologiquement je pense. »

C’est vrai que par rapport à mes amis, j’ai l’impression d’être encore beaucoup lié à Dijon.

 Alice Javouhey, étudiante.

Un meilleur confort de vie

Alice Javouhey est étudiante à l’Ecole Normale Supérieure de Paris. Pour elle aussi, envisager un confinement sur Paris était compliqué : « je n'avais pas envie de rester un mois complet à Paris sans pouvoir revenir à Dijon et sans aller ailleurs. Ça deviendrait un peu lourd de rester seulement là-bas pendant un mois. » Ses cours le lui permettant, elle a alors décidé de rentrer chez son père à Dijon. « Comme j’ai habité ici jusqu’à la fin de ma prépa et que j’ai passé les deux premiers confinements ici, j’ai l’habitude de vivre avec mon père. Il n’y a pas de trop de soucis. C’est vrai que par rapport à mes amis, j’ai l’impression d’être encore beaucoup liée à Dijon. J’ai des amis qui ont complètement leur vie à Paris. Moi j’ai à la fois ma vie à Paris, et à Dijon. »

Ses conditions d’études n’ont pas beaucoup changé, ses cours se déroulant en visioconférence avec, dans ses deux lieux de vies, une bonne connexion. La motivation principale de la jeune femme pour fuir le confinement parisien était surtout de conserver des liens sociaux. « Paris ce n’est pas dérangeant si j’ai l’occasion de sortir, de voir des gens. Si je ne peux pas les voir énormément, je préfère être ici et avoir quelqu’un dans la même maison, avec qui manger, discuter. C’est assez sympa. » 

 

C’est un temps de la jeunesse, notamment pour les 18-24 ans, où on construit son autonomie sociale, matérielle et relationnelle.

Olivier Rey, président du Conseil Scientifique de l’OVE

Une détresse psychologique

En 2020, suite au premier confinement, un jeune sur trois présentait des signes de détresse psychologique. Une situation jugée délicate par Olivier Rey, président du Conseil Scientifique de l’Observatoire national de la Vie Etudiante (OVE). « C’est un temps de la jeunesse, notamment pour les 18-24 ans où on construit son autonomie sociale, matérielle et relationnelle. Tout ça peut être fortement contrarié si on revient en famille. » Ainsi, 34% des étudiant(e)s qui sont retournés chez leurs parents pour cause de confinement ont fait état de difficultés d’ordre relationnelles avec leurs parents. Selon Olivier Rey, plus les étudiant(e)s sont âgées, plus ils émettent des réticences à retourner au domicile familial. Les conditions non-programmées et provisoires de cette situation de crise détériorent de manière considérable la santé mentale des étudiant(e)s d’après le président de l’OVE. 

(Re)voir le reportage

Un reportage de Romain Michelot, Valentin Gourion et Philippe Sabatier. 

 

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