En Bourgogne, les résultats des élections européennes 2024 montrent un revirement des villes quant au vote pour l'extrême droite. Pour la première fois, les grandes communes de la région ont toutes voté en majorité pour le Rassemblement national, sauf une. Explications et décryptage avec un politologue.
Ce dimanche, les élections européennes ont rendu leur verdict en France. En Bourgogne comme dans tout l'Hexagone, le Rassemblement national (RN) arrive très nettement en tête. Et, par rapport aux précédentes élections, les électeurs des grandes villes ont également plébiscité l'extrême droite. Dijon, Chalon-sur-Saône, Auxerre, Nevers... Aucune d'entre elles n'a résisté à la vague emmenée par la liste de Jordan Bardella.
Comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous, aucune ville de plus de 2 000 habitants n'a placé un autre parti en tête. Sauf une.
Si votre ville ou village n'apparaît pas sur cette carte non exhaustive vous pouvez consulter le moteur de recherche de franceinfo.
Chenôve, une influence à gauche ?
Nous l'avions évoqué dans un précédent article, Chenôve fait partie des rares exceptions de ces élections européennes. Mais si l'on enlève les villages et les hameaux, elle reste la seule ville (commune de plus de 2 000 habitants) à avoir voté en majorité pour une liste différente.
Dominique Andolfatto, politologue et enseignant à l'université de Bourgogne, prête volontiers au maire socialiste Thierry Falconnet une influence sur les résultats : "selon moi, le maire de Chenôve peut avoir influé sur les orientations de vote au sein de sa commune. Il est noté à gauche, ce qui prouve déjà la présence d'un électorat susceptible de ne pas voter pour l'extrême droite. Ensuite, j'imagine qu'il a mené campagne et qu'il a fait des actions pour ces élections européennes auprès de la population. Cela pourrait expliquer cette exception parmi les villes de la région."
Pour Thierry Falconnet lui-même, sa ville "forme un terreau plus propice à la gauche". "Ma première explication, c'est que les habitants ont un esprit de gauche et républicain. Nous sommes la ville la plus pauvre de Côte-d'Or. Nous sommes très touchés par les inégalités et les discriminations scolaires et territoriales. Nous sommes une ville très populaire, où tout le monde sait vivre ensemble depuis longtemps. Le Rassemblement national n'a jamais vraiment réussi à s'implanter ici."
C'est "soulagé" que l'élu local a découvert les scores de sa commune aux élections européennes. Mais, étant la seule ville de la région à afficher de tels résultats, il se dit aussi "très inquiet" des élections législatives. "Oui ça m'inquiète, comme la décision d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée. Je me battrai pour que le RN ne gagne pas et qu'ils ne puissent pas accéder au pouvoir. Je soutiens d'ailleurs officiellement la création d'un nouveau Front Populaire."
La Bourgogne-Franche-Comté plus à droite que la moyenne nationale
Les autres villes et métropoles de la Bourgogne ont toutes voté pour le Rassemblement national. Pour la première fois donc, des villes comme Nevers, Dijon, Auxerre, ou Chalon-sur-Saône ont placé l'extrême droite devant. Un changement radical quand on compare avec les élections européennes de 2019, où le RN n'était même pas toujours la deuxième force, à Dijon notamment (troisième derrière Renaissance et Europe Écologie).
Ce revirement, Dominique Andolfatto l'explique par une forme d'opposition : "Si l'on se focalise sur Dijon, le maire est plutôt considéré comme proche du parti d'Emmanuel Macron. Donc, de par une forme d'hostilité à la métropole et à ses décisions, il y a certainement eu un vote de sanction d'une partie des habitants qui est venu alimenter le principal parti concurrent : le RN."
Une théorie qui peut se vérifier ailleurs ? Difficile à dire. Toujours est-il que la Bourgogne-Franche-Comté affiche des scores pour la liste de Jordan Bardella plus élevés (37,09 %) que la moyenne nationale (31,37 %).
"Les autres grandes villes de l'est n'ont pas autant voté pour le RN"
Dans les chefs-lieux de Bourgogne, les scores demeurent serrés entre le Rassemblement national et les principaux poursuivants. Mais la tendance s'est bien inversée et cela semble être particulièrement marqué dans la région, comme le pense le politologue : "Quand on regarde Nancy, Lyon ou Strasbourg, et qu'on voit que de leur côté le RN n'est pas en tête, on se rend compte que la Bourgogne-Franche-Comté a été influencée différemment. Globalement, les autres villes de l'est de la France n'ont pas autant voté pour le Rassemblement national."
Historiquement, les votes pour le Rassemblement national ont toujours été beaucoup plus faibles dans les métropoles. "En fait, dans les grandes villes il y a plus de cadres, de gens diplômés et de grandes universités, donc moins de gens enclins à voter pour le Rassemblement national", rappelle Dominique Andolfatto. "C'est le cas aussi dans des villes comme Dijon ou Besançon normalement, mais avec ces résultats, on voit qu'il y a une plus forte influence du milieu rural dans la région et qu'il y a moins de grandes écoles."
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Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale ce dimanche soir. Des élections législatives ont été annoncées le 30 juin et le 7 juillet. Pour ces échéances, l'enseignant à l'université de Bourgogne ne s'attend pas à ce que les résultats des élections européennes se répètent sur un vote qu'il juge "plus concernant".