La famille d'une résidente de l'Ehpad de Champmaillot à Dijon affirme que la vérité sur son état de santé lui a été cachée . Il aura fallu insister très lourdement pour obtenir la confirmation de sa contamination par le coronavirus.Mais une autre famille veut défendre l'équipe.
Nous avons recueilli le témoignage d'une personne dont la mère est prise en charge dans l'unité dédiée aux malades d'Alzheimer de l'Ehpad Champmaillot, à Dijon. Elle affirme que la réalité de son état de santé lui a été cachée un temps avant qu'on reconnaisse qu'elle était atteinte par le coronavirus.
"On ne l'a pas revue depuis début mars puisqu'on n'avait plus d'autorisation de visite. Pour avoir de ses nouvelles, on appelait deux fois par semaine, raconte cette personne qui préfère conserver l'anonymat. À partir de fin mars, on n'a plus du tout réussi à les avoir par téléphone. Plus personne ne nous répondait. La cadre de santé ne répondait plus, le service non plus. Donc l'inquiétude grandissait."
"Mardi [14 avril], on a eu quelqu'un au téléphone qui nous a dit qu'il n'y avait pas d'inquiétudes à se faire, que tout allait bien. On nous a dit que ma mère faisait une sieste et qu'on ne pouvait pas lui parler […] Mais ma mère ne fait jamais de sieste pendant la journée. Elle est même plutôt très active. Donc j'ai commencé à avoir des doutes. J'ai tenté de rappeler une heure après, avec grande difficulté comme d'habitude. Au bout d'un moment j'ai eu la cadre de santé qui m'a fait la même réponse."
Mais ce membre de la famille de la résidente ne se satisfait pas de ces réponses. Par le biais d'un employé de la structure, il apprend que l'état de santé de sa mère est plus préoccupant qu'indiqué. Il rappelle alors la cadre de santé. "On rentre dans une discussion très musclée où j'obtiens après trente minutes l'aveu que ça ne se passe pas bien du tout, que ma mère a été testée positive au Covid il y a plus de quatre jours", affirme ce proche.
Ce qui nous met hors de nous, ce n'est pas que les résidents et ma mère aient attrapé le Covid. Malheureusement, c'est le cas de beaucoup de gens en Ehpad en ce moment. Mais il y a un total non respect des familles. Ils sont censés nous prévenir, même s'ils ne peuvent pas le faire dans l'heure ou dans la même journée.
Le défaut d'information des familles, ou en tout cas le retard, concernerait plusieurs résidents de l'unité contaminés par le coronavirus, selon ce témoignage. "Mercredi, j'ai encore eu la médecin au téléphone à qui j'ai posé la question 'avez-vous prévenu les autres familles ?'. La réponse a été non."
Un témoignage différent
Mais le ressenti des familles n'est pas forcément unanime, dans ces moments si difficile. A la lecture du premier témoignage, Annie Gambon nous a contacté pour nous faire part d'une expérience totalement différente. "je tiens absolument à défendre Champmaillot, ce sont des gens extraordinaires. Je respecte tous les témoignages mais je suis en total désaccord avec les propos tenus." Et elle raconte :
Ma maman a été fiévreuse, et j'ai été immédiatement prévenue par le cadre de service. Il s'est avéré qu'elle est positive au Covid 19 et là encore j'ai été prévenue par un médecin qu'elle allait être transférée. ( ...) Son état s'est dégradé rapidement, et j'ai été informée de tout ça dès le lendemain. Je suis fâchée qu'on puisse mettre en cause un personnel dévoué,qui se met en danger, qui est au bord de l'épuisement et qui continue malgré tout à nous rassurer du mieux qu'ils peuvent...
Le CHU réagit
Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, dont dépend l'Ehpad Champmaillot, a réagi à nos sollicitations par écrit. Il rappelle avoir adapté ses organisations avec des mesures d’hygiène renforcées pour limiter la propagation du virus."La transmission spontanée par téléphone des informations relatives à un résident est assurée par les équipes médico-soignantes du centre et sur demande des familles. En cas de signes évocateurs d’une infection au coronavirus, un médecin assure l’information auprès des familles. Néanmoins, au regard de l’évolution parfois très rapide des symptômes liés au Covid-19, un certain délai, souvent anxiogène, entre le moment de la suspicion et celui de la disponibilité du diagnostic (le temps du dépistage, soit 48h) peut ainsi intervenir", explique le CHU.
"À ce titre, nous n’avons pas connaissance à notre niveau de la situation individuelle dont vous vous faites le relais. L’asymétrie d’information relevée appelle toutefois une vigilance toute particulière et nous souhaitons rappeler aux proches de nos résidents que les professionnels du CHU sont à la totale disposition des familles souhaitant obtenir des éléments complémentaires d’information."
L'hôpital ajoute travailler "à une institutionnalisation des informations transmises aux familles afin de faciliter la coordination, même à distance, entre les proches et les équipes médico-soignantes du centre et ainsi faciliter le transfert d’éléments fiables et clairs."
Dans d'autres établissements, des familles ont également dénoncé une omerta sur la situation de leurs proches. Par exemple à Saint-Jean-de-Losne, où on comptait 25 décès du Covid-19 à l'Ehpad "La Saône" au 8 avril.
Mais la maladie peut évoluer extrêmement rapidement. "Les familles ont du mal à comprendre qu’on les prévient au dernier moment mais ça va très vite. Oui, 24 heures avant on peut dire que ça va. J’ai eu le cas avec une famille. La femme du monsieur m’a appelé. Ça allait. Dix minutes après, il était décédé", nous avait alors expliqué une infirmière, sous couvert d'anonymat.
Nous avons également interrogé l'Agence régionale de santé afin de savoir si des dysfonctionnements dans la structure dijonnaise lui avaient été remontés. Elle ne souhaite pas faire de commentaires sur un établissement en particulier et assure que ses équipes accompagnent au mieux l'ensemble des structures de la région.
L'épidémie de coronavirus a fait au mois 386 morts dans les Ehpad de la région, selon des données arrêtées au 14 avril et publiées par Santé Publique France ce vendredi. De nombreux résidents ont été contaminés : 29% dans le Doubs, 26% en Côte-d'Or.