Paulette Lévy est la seule survivante des 87 personnes arrêtées en février 1944 à Dijon et déportées dans les camps de la mort. Une cérémonie en sa mémoire a eu lieu lundi 6 mai à Dijon. Parmi les personnes présentes, son fils qui a entendu pour la première fois le témoignage enregistré de sa mère.
Février 1944. Quartier Montchapet, Dijon. Paulette Lévy, sa mère et sa soeur sont dans leur maison, au 26, rue Nicolas Berthot. Son père et son frère sont sortis. Soudain, la police frappe à la porte. Elle vient arrêter la famille Lévy, sur ordre du gouvernement de Vichy. Les trois femmes sont embarquées.Pendant trois jours, les 24, 25 et 26 février, 87 personnes, hommes, femmes et enfants confondus, sont arrêtés et emmenés dans l'école Jules-Ferry, rue Jean Jaurès, à Dijon. Paulette Lévy, sa mère et sa soeur font partie de la rafle. Le lieu sert de centre de regroupement provisoire.
7 mars 1944. Ils sont tous déportés par le convoi 69 vers le camp d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne.
Tous vont être assassinés au seul motif qu'ils sont juifs. Paulette Lévy est la seule survivante. Sa mère est gazée à l'arrivée. Sa soeur décède du typhus.
Des documents originaux sont disponibles aux archives départementales de la Côte-d'Or. Ils témoignent de la déportation de Paulette Lévy vers le camp d'Auschwitz.
Paulette Lévy revient à Dijon en 1945
La jeune femme est ramenée à Dijon dans un train de déportés. Elle est alors accueillie par la soeur de Simone Franck. Cette dernière n'avait que 13 ans mais elle n'a rien oublié. Au-delà de sa rencontre avec Paulette Lévy, c'est un pan de l'histoire de Dijon qui se dessinne à travers ses mots.
"La gare de Dijon avait été bombardée en 1944, interrompant tous les services. La municipalité demandait alors à des bénévoles de venir les accueillir et de les conduire au "coin du miroir" [à l'angle de la rue de la Liberté et de la rue des Godrans]. L'endroit avait été transformé en refuge, en abris."
Le rez-de-chaussée est aménagé en restaurant tandis que le premier étage se change en dortoir. Les rescapés reprenaient des forces dans ce lieu.
"Ma soeur était bénévole. Elle accompagnait, en autobus, ces gens de la gare jusqu'au "coin du miroir". Parmi ces personnes se trouvait Paulette Lévy. Elle a dû lui faire encore plus pitié que les autres."
Simone Franck demande alors à Paulette Lévy ce qu'elle peut faire pour l'aider. La survivante lui raconte le décès de sa mère et sa soeur. Elle mentionne son père et son frère. Rappelez-vous, ils n'étaient pas présents lors de l'arrestation de la famille Franck, en février 1944.
Simone Franck décide de l'emmener voir son père, Edmond Franck.
L'homme possède une liste avec le nom des personnes déportées. "Il y avait peut-être 1000 ou 1500 noms", se souvient sa soeur. Elle espère que le nom des Lévy y figurera.
En consultant la liste, on a retrouvé son père et son frère.
Paulette Lévy est alors très affaiblie. Edmond et sa femme, Lucie, décident de l'héberger pour qu'elle se refasse une santé.
"Ma mère prépare un lit avec les plus beaux draps qu'elle avait. Elle dit à Paulette : voilà, vous allez pouvoir vous reposer. Paulette va dans le lit. Il n'y avait pas deux minutes qu'elle était allongée. Elle dit à ma mère : madame, il faut m'excuser mais je ne peux pas rester dans le lit, il faut que je sois par terre. Elle ne pouvait pas être dans un lit, c'était trop doux."
Reportage de Caroline Jouret, Dalila Iberrakene, Bertrand Vigier et Rachel Nectoux avec :
-Édouard Bouyé, directeur des Archives départementales de la Côte-d'Or
-Simone Franck
-Jean-Claude Leroy, fils de Paulette Levy
La vérité n'est dévoilée qu'au moment de sa mort
Paulette reste chez la famille Franck durant un an. Edmond s'est occupé de lui trouver un logement. Il l'installe dans un appartement rue de Fontaine, à Dijon, de façon à ce que Paulette puisse y vivre avec son père et son frère. La famille est alors reconstituée.Paulette occupe le logement plusieurs années avant de se marier. Elle part alors habiter à Lyon et crée une mercerie. "Elle voulait absolument avoir sa petite boutique", précise la soeur de Simone Franck dans un sourire."On ne s'est jamais perdu de vue. Chaque année, au Nouvel An, elle téléphonait à ma mère. Elle a toujours été reconnaissante." Jamais elle ne parlera à son fils, Jean-Claude Leroy, de cette période noire. Elle décédera à l'âge de 87 ans.
Ce n'est qu'après sa mort, grâce au travail de l'association Mémoire vives, relayé en Côte-d'Or par plusieurs articles et un long travail de recherche de la journaliste du Bien Public Anne-Françoise Bailly que le silence a pu être rompu. L'école Jules-Ferry, située rue du docteur Tarnier, a été rebaptisée du nom de Paulette Lévy en 2014.
Le 25 avril 2014, dans le cadre d'une cérémonie d'hommage aux 87 personnes déportées vers la Pologne, une plaque commémorative a été dévoilée sur le mur de l'école. Son fils et sa petite-fille, Sophie, très émus, ont tous deux assisté à la cérémonie. La jeune femme affirme alors, les yeux pleins de larmes : "Elle ne nous a jamais rien dit."
Des larmes partagées par son père : "C'est très émouvant, très solennel. Je découvre ce qu'ele a vécu. Elle n'en avait jamais parlé."
Son fils va entendre le témoignage de sa mère pour la première fois
Lundi 6 mai 2019, en fin d'après-midi, Dijon a accueilli une nouvelle cérémonie d'hommage à Paulette Lévy dans l'école qui porte son nom et où s'étaient déroulés les terribles événements de 1944.Le fils de Paulette Lévy a fait de nouveau le déplacement. Il est venu spécialement de Lyon pour entendre le témoignage de sa mère, enregistré et conservé au Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation à Lyon. Un moment chargé d'émotion pour celui qui a découvert le récit poignant de la survivante d'Auschwitz.