Alors qu'un week-end de manifestations en France est attendu pour défendre l'instruction à domicile (IEF), dans le viseur d'Emmanuel Macron, une petite centaine de parents et d'enfants se sont rassemblés à Dijon pour défendre leur manière d'enseigner.

"Nous sommes en colère et nous nous ferons entendre". Une centaine de parents et d'enfants, défenseurs de l'instruction en famille (IEF), se sont réunis sur la place de la République à Dijon ce 20 novembre avant d'aller protester devant le rectorat. En cause, le changement radical que souhaite Emmanuel Macron : rendre l'école obligatoire alors que jusqu'à présent l'est seulement l'instruction. "Dès la rentrée 2021, l'instruction à l'école sera rendue obligatoire pour tous dès 3 ans", a déclaré le chef de l'Etat, le 2 octobre lors d'un discours contre le séparatisme. Seules exceptions : les enfants ayant des problèmes de santé, les sportifs de haut niveau et ceux dont les parents sont en itinérance.

Les parents, et enfants, présents à Dijon n'ont pas ces particularités mais souhaitent faire cours à domicile (50 000 enfants seraient concernés). Difficile de faire un portrait robot du manifestant tant les situations sont différentes : les uns veulent retirer leur enfant de l'école publique à cause des difficultés qu'elle rencontre (classes surchargées et harcèlement scolaire), les autres veulent leur proposer une autre méthode pédagogique (Montessori, Unschooling, ...). Rencontres avec "les non-sco", comme ils s'appellent.
  • Océane et Sébastien, parents d'un enfant d'un an et demi : "nous ne sommes pas contre l'école, nous souhaitons défendre la liberté d'avoir le choix"

"Nous sommes là pour défendre l'avenir de notre fils. Nous voulons pouvoir lui faire l'école à la maison car cela nous permettrait de respecter son rythme d'apprentissage, de lui permettre d'acquérir naturellement les compétences. Nous ne sommes pas contre l'école, nous souhaitons défendre la liberté d'avoir le choix. L'instruction en famille permet d'évoluer sans carcan.

Personnellement (Océane), j'ai subi du harcèlement scolaire en CM2 et au collège qui a continué malgré les protestations de ma mère. Je suis fonctionnaire, donc je peux me mettre à temps partiel et mon conjoint est soignant, il travaille certains week-ends, il aura donc des jours de libre dans la semaine. Nous n'avons pas pour but de remplacer le professeur mais de proposer une approche différente, et notamment apprendre en s'amusant. Même s'il y a des professeurs des écoles très bien, il y a un manque de moyens dans l'école publique et les enfants se retrouvent dans des classes surchargées. L'école n'est pas adaptée à tous."
  • Carine, une des organisatrices : "l'école publique n'arrive pas à s'adapter à tous les enfants"

"Nous avons été très surpris par les déclarations du président. Notre manifestation permet de montrer ce que sont réellement les familles qui pratiquent l'IEF (l'instruction en famille, ndlr). Tout le monde ici n'a pas les mêmes motivations. L'école à la maison est souvent une bouée de sauvetage pour les enfants, notamment pour ceux qui se font harceler à l'école. Nous faisons un choix pédagogique alors que ceux qui mettent leurs enfants à l'école doivent composer avec la carte scolaire et leurs moyens financiers. Aujourd'hui l'école publique n'arrive pas à s'adapter à tous les enfants." 
  • Aurore, son fils Yannick de 17 ans et Pascale : "les professeurs, qui reprennent nos enfants après une période d'IEF, trouvent qu'ils sont très autonomes"

Y : "J'ai fait l'école à domicile de 4 à 15 ans. J'ai bénéficié de beaucoup de libertés au niveau de l'apprentissage. Le matin était consacré aux cours et l'après-midi, ma mère nous donnait quartier libre pour apprendre par nos propres moyens. Je regardais des documentaires, par exemple. Cette année, j'ai dû retourner au lycée et je regrette la liberté que j'avais avant. Je ne me suis pas encore trop penché sur ce que je veux faire après le lycée, peut-être intégrer une fac de droit."
 

Il ne faut pas croire que ceux qui travaillent à domicile sont sans relation avec d'autres enfants de leurs âges.

Pascale, une des manifestantes

A : "Il a repris le lycée en classe de terminale car mes connaissances étaient devenues trop limitées pour son niveau. Mais aussi parce qu'il est devenu très compliqué de s'inscrire dans le supérieur sans passer par le lycée à cause de l'apparition de Parcoursup. Les professeurs, qui reprennent nos enfants après une période d'IEF, trouvent qu'ils sont très autonomes. Je ne souhaite pas que l'on m'enlève cette liberté de faire école à domicile."
 
P: "Il ne faut pas croire que ceux qui travaillent à domicile sont sans relation avec d'autres enfants de leurs âges. Les rencontres qu'ils font, via des associations sportives ou par des familles qui font aussi le choix de l'IEF, débouchent souvent sur de réelles amitiés, parfois plus solides qu'avec des enfants qu'ils côtoient uniquement à la récréation. Avec les réseaux sociaux, il est même devenu très facile d'intégrer un réseau de parents dans le même cas que nous." 
  • Caroline et sa fille Sheila, 12 ans : "au collège, il y avait trop de devoirs écrits alors que je ne mémorise pas les choses comme ça"

C : "Ma fille n'était pas à l'aise au collège, elle n'arrivait pas à se concentrer, voilà pourquoi j'ai décidé de faire l'école à domicile. Finalement, organiser ce temps de travail me prend moins de temps que lorsqu'il s'agissait de lui faire faire les devoirs. Elle rentrait très fatiguée et nous étions moins efficaces."

S : "Je n'aimais pas l'ambiance au collège, je trouvais qu'il y avait trop de devoirs écrits alors que je ne mémorise pas les choses comme ça. Les notes aussi me déplaisent car j'avais toujours l'impression de devoir faire mieux que ce que j'avais fait. J'ai fait deux ans d'école primaire dans une école qui me plaisait mais une fois arrivée au collège, cela ne me convenait plus. J'hésite à essayer dans un autre collège. Je fais plein d'activités comme du tir à l'arc, du cirque, du hip-hop et du théâtre."
 

"Les gens qui ne connaissent pas l'IEF pensent que l'on veut se mettre à l'extérieur de la société. C'est faux

Catherine, mère de deux enfants instruits en famille

Catherine, mère de deux enfants instruits à domicile : "nous ne voulons pas supprimer l'école"

"Les gens qui ne connaissent pas l'IEF pensent que l'on veut se mettre à l'extérieur de la société. C'est faux. Nous voulons juste que nos enfants apprennent dans la joie et le plaisir. Certains sont faits pour l'école, d'autres non. Nous ne voulons pas supprimer l'école. Personnellement, j'instruis mes enfants sur la base de l'Unschooling, c'est-à-dire que l'on suit les centres d'intérêt de l'enfant, il n'y a pas d'apprentissage formel. En ce moment par exemple, nous travaillons sur les émotions."

Pour l'instant, rien n'est acté mais un projet de loi, qui devra être voté par le Parlement, pourrait voir le jour à l'occasion du conseil des ministres du 9 décembre. 
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