Grève du 19 janvier : les syndicats ont-ils le droit de couper l’électricité aux élus favorables à la réforme des retraites ?

L’union intersyndicale appelle à la mobilisation massive partout en France jeudi 19 janvier. La CGT énergie pourrait sanctionner les élus soutenant le report de l’âge de départ à la retraite par une coupure de courant ciblée. Une démarche potentiellement illégale qui divise syndicats et politiques.

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Tous les syndicats s’accordent sur un point : le 19 janvier doit être un “jeudi noir”. Dans les transports publics, les hôpitaux, les écoles, les raffineries ou encore la fonction publique, le mot d’ordre est le même pour s’opposer au projet de réforme des retraites porté par le gouvernement. 

Lundi 16 janvier, en amont de cette journée de mobilisation, le secrétaire général de la FNME-CGT, Sébastien Menesplier, a participé à une rencontre au siège de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Lors d’une allocution, l’élu a indiqué qu’il était prêt à couper l’électricité aux personnalités politiques qui se disent prêtes à adopter cette réforme. 

"On va aller voir ceux qui veulent la réforme, qui la soutiennent, ceux-là on va s'occuper d'eux. On va aller les voir dans leurs permanences, on va aller discuter avec eux, et puis si d'aventure ils ne comprennent pas le monde du travail on les ciblera dans les coupures qu'on saura organiser", a-t-il affirmé. "On sera vigilant pour ne pas avoir de dommages collatéraux, l'objectif n'est pas de se mettre à dos les usagers", a-t-il précisé. 

“Cette démarche ne sera pas suivie chez nous” 

Dans l’Yonne, la syndicaliste de la CGT Isabelle Michaud assure que tous les représentants syndicaux ne soutiennent pas cette démarche. Selon elle, à la CGT, “on considère qu’il ne faut pas toucher à l’outil de travail”. “Depuis ces déclarations, ils sont bien revenus en arrière. Et heureusement. D'ailleurs, on sait que cette démarche ne sera pas suivie chez nous”, poursuit cette militante. 

Le meilleur moyen de faire grève est de se montrer dans la rue et de manifester.

Isabelle Michaud, élue CGT dans l'Yonne

Engagée sous les couleurs de la CGT depuis plus de 25 ans, Isabelle Michaud ne cautionne pas l'idée soutenue par le représentant national. Elle assure "qu'il y a un risque de passer pour des preneurs d’otages, de renforcer l’idée que certains salariés sont des privilégiés et ce n’est pas dans les valeurs de la CGT”. Selon elle, “le meilleur moyen de faire grève est de se montrer dans la rue et de manifester”. Jeudi 19 janvier, la militante sera de ce fait dans le cortège de la manifestation prévue à 14h00 au départ de la maison des syndicats à Auxerre. 

Une décision “anormale”, selon un avocat de Dijon 

Selon la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, “le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique”. Cette même loi garantie “le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité". 

La décision de couper l’électricité de façon ciblée aux élus favorables à la réforme des retraites peut-elle tomber sous le coup de la loi ? En tous cas, “cette décision me semble anormale”, commente maître Eric Ruther, avocat au Barreau de Dijon. Spécialiste des droits des consommateurs, l’avocat dijonnais reconnaît toutefois que la législation qui encadre cette démarche “doit être étudiée plus longuement avant de répondre précisément”. 

Ce n’est pas normal de cibler délibérément des personnes en raison de leur appartenance politique ou de leurs positions.

Maître Eric Ruther, avocat au Barreau de Dijon

Le juriste  assure que des coupures ciblées existent “lorsqu’un usager ou un client ne paie pas ses factures d’électricité. Et là encore, c’est très encadré”.  Selon Maître Eric Ruther, “ce n’est pas normal de cibler délibérément des personnes en raison de leur appartenance politique ou de leurs positions”. Selon le juriste, “il faudrait évidemment vérifier ce que dit la loi à ce sujet et il est compliqué de répondre précisément. Mais cela peut tomber sous le coup de la loi et aller très loin”. 

Pas de consensus en politique 

Les déclarations de Sébastien Menesplier suscite la polémique au sein de la classe politique. À gauche et à droite, il n’y a pas de consensus à ce sujet. "Ce sont des méthodes illégales, des méthodes qui sortent de l'État de droit", a fustigé sur Europe 1 Bruno Retailleau. Le patron des sénateurs LR, fervent soutien de la réforme des retraites, pourrait être concerné par une coupure ciblée d’électricité si les syndicats décident de passer à l’acte. “J'appelle l'État à sanctionner fermement ce genre d'agissement. Moi, je ne cède pas sous la menace", a-t-il assuré. 

Attaquer un élu de la République (...), cela relève d'une dictature, pas d'une démocratie

Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur

"Ne comptez pas sur moi pour commencer à dénigrer, ou à m'attaquer aux organisations syndicales", a déclaré Manuel Bompard, le coordinateur national de La France Insoumise. Invité de la chaîne CNews, il a assuré que "ce n'est pas de la violence ça", affirmant qu'il a "toujours soutenu toutes formes d'actions à partir du moment où elles ne franchissaient pas un seuil”. Selon ce proche de l’ancien candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, cette ligne rouge serait "la violence contre les personnes et contre les biens".

Le gouvernement aussi a réagi suite aux menaces de coupure ciblée. À commencer par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Il a jugé que "ce serait absolument scandaleux". Le ministre a ajouté avoir donné des instructions ce mercredi matin pour "protéger notamment les permanences des élus, des parlementaires". "Attaquer un élu de la République, quel qu'il soit, quel que soit son bord politique, lui faire une pression, un chantage, cela relève d'une dictature, pas d'une démocratie", a condamné le ministre. 

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