Au cours de l'année 1915, la situation de l'armée française devient dramatique. Personne n'avait prévu qu'il faudrait autant de canons, d'obus, de munitions. La guerre s'industrialise. On ne sait pas combien de temps elle va durer. Il faut fournir des armes et les usines ne produisent pas assez.
Une armée insuffisamment dotée en matériel de guerre
A la veille de la guerre en 1914, l'armée française pensait que ses stocks de munitions seraient suffisants. L'idée dominante pendant les premiers mois était que cette guerre serait courte : trois mois ou six mois, un an tout au plus. Avant l'éclatement du conflit, on discutait encore en haut lieu de l'utilité de l'artillerie lourde, qui disait-on, empêchait la mobilité de l'armée en campagne.
Un matériel peu performant
En février 2013, des crédits avaient été ouverts pour réorganiser l'artillerie : il s'agissait d'adapter et de compléter le matériel existant. La France avait confiance en son fameux 75, mais son artillerie lourde de campagne et les réserves d'artillerie lourde dataient de la période 1876-1881. Les portées et la rapidité de tir du matériel français étaient bien inférieures à celles du matériel allemand.
Des usines vidées de leur personnel
Pendant les premiers mois de la guerre, la mobilisation ayant enlevé aux usines un grand nombre d'ouvriers, le personnel était insuffisant et il était quasiment impossible d'arriver à honorer les commandes déjà passées. Les ateliers étaient vides. Dans un premier temps, ce sont des vieux matériels d'artillerie transformés ou adaptés qui sont livrés au front, mais qui présentaient l'avantage de pouvoir être immédiatement utilisés.
Une cadence de production impossible à tenir
En septembre 1914 dans les établissements d'artillerie on fabriquait 235 obus de 155 par jour et 230 obus de 120 long.En janvier 1915, le général en chef demandait 3 000 obus de 155 par jour, 2 500 obus de 105, 2 500 obus de 95, 4 000 obus de 90.
Les industries tentaient péniblement d'arriver à cette production sans y parvenir quand au moment de la bataille de l'Artois (mai-juin 1915) le chiffre demandé passait en juin 2015 à 12 000 obus de 155 par jour, 10 000 de 120, 10 000 de 95 et 3 000 de 220.
(Source : Journal Officiel de la République française - Débats Parlementaires - Comités secrets du Sénat du 4 juillet 1916 )
Déploiement des capacités de production à partir de Juin 1915
En juin 1915, 550 000 soldats sont renvoyés à l'arrière dans les usines. Les femmes, les réfugiés, des prisonniers de guerre et de la main d'oeuvre de Chine et d'Afrique du Nord participent à l'effort de guerre. Les établissements industriels d'Etat ne suffisent pas à la production. Des sociétés et entreprises privées vont produire pour l'armée.
Les entreprises bourguignonnes mobilisées dans l'effort de guerre militaire
Parmi les gros industriels de guerre, les établissements Schneider basés au Creusot en Saône-et-Loire font référence. Mais en Bourgogne, de nombreuses autres entreprises privées se reconvertissent dans la production de matériel militaire et d'armement. Les historiens Gilles Vauclair et Didier Callabre, auteurs de nombreux ouvrages sur la Première Guerre mondiale, ont fait des recherches à ce sujet. Dans leur ouvrage "La vie en Côte-d'Or pendant la Grande Guerre" ils écrivent :
A Dijon :
- L'entreprise Vernet, constructeur de machines-outils, se spécialise dans la réalisation de tours à obus et de machines pour fabriquer des balles.
- L'usine Pétolat, fabricant d'équipement ferroviaire, devient également une usine de guerre. La plus grande partie de sa production était réservée à l'armée : caissons de munitions pour l'artillerie, système d'aiguillage, wagonnets et locomotives à voie étroite sont utilisés au front pour approvisionner au plus près les champs de bataille.
- La menuiserie Lalouette fabrique des crosses de fusils et des cercueils.
- Les chaussures Belorgey se lancent dans la confection de brodequins pour les soldats.
- L'usine Terrot, fondée au XIXe siècle par une famille d'origine allemande, après avoir été mise sous séquestre au début des hostilités à cause de la présence de fonds allemands dans ses capitaux, redémarre rapidement et voit sa production de cycles et motocycles absorbée par l'armée.
A Châtillon-sur-Seine :
Les fonderies Brun, devenues en 1916 les fonderies et aciéries de Châtillon, fondent des obus qui sont ensuite ébavurés et polis dans l'usine de machines agricoles Dhotel-Montarlot.
(Source : La vie en Côte-d'Or pendant la Grande Guerre - Gilles Vauclair et Didier Callabre - Editions Sutton)
A Lacanche, les usines Costes-Caumartin, spécialisées dans la fabrication de cuisinières, sont également appelées à modifier leur production pour faire face aux exigences de la guerre. Durant le conflit, elles fabriquent des grenades et des obus.
Histoires 14-18 il y a cent ans : Caroline Jouret - Alain Tixier (Image) - Jean-Renaud Gacon (Eclairage)- Francis Nivot (Son)
Source archives :
- Pathé Gaumont
- Association "Les amis du Châtillonnais"
- Collection privée G. Vauclair
- Archives Municipales de Dijon
•
©France 3