"Je trouve que c'est mal découpé" : Beaune, Seurre, Arnay-le-Duc, portrait de la 5e circonscription de Côte-d'Or

Avant les législatives et l'élection des députés, France 3 fait le tour des circonscriptions de Bourgogne. Aujourd'hui, la 5e circonscription de Côte-d'Or, qui regroupe tout le sud du département, d'Arnay-le-Duc à Saint-Jean-de-Losne en passant par la côte viticole.

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Qu'est-ce qui lie les 111 400 habitants de la 5e circonscription de Côte-d'Or ? La réponse est loin d'être évidente. "Je trouve que c'est mal découpé", déplore Martine. Nous croisons cette retraitée à Gevrey-Chambertin, où elle réside depuis 17 ans. Elle est en grande discussion jardinage avec son voisin, Serge, 77 ans : "Nous, on est sur la côte viticole. Dans notre circonscription, il y a la plaine, les hautes côtes... Pour nous, la logique serait de ne pas être rattachés à la plaine." 

"On ne va jamais à Seurre, par exemple. Ni à Brazey-en-Plaine, ni à Saint-Jean-de-Losne... Ça fait loin pour nous !"

Martine, de Gevrey-Chambertin

De toute façons, juge Serge, "les politiciens ont toujours fait des découpages en fonction de ce qui les arrangeait". Martine renchérit : les élections ? "C'est du blabla." Pour autant, les deux septuagénaires iront quand même voter, sans aucun doute possible. "Parce que c'est notre devoir. On a été éduqués comme ça."

La politique, nombre d'habitants - dans cette circonscription comme ailleurs - ne s'y intéressent plus. "De moins en moins, c'est vrai. Pourtant je ne devrais pas, vu ma position de chef d'entreprise." À Beaune, Julien, chauffeur de taxi de 40 ans, reconnaît sans mal ses contradictions.

"Je m'intéresse uniquement à la politique par rapport à mon business et à l'aspect financier. Il y a les taxes sur l'essence, les charges... Je soutiens tout ce qui peut aller à mon avantage et à celui de ma société."

Julien, taxi

Sa circonscription, il avoue "ne pas la connaître du tout". Quand nous lui montrons le découpage géographique, il juge cela "pas très logique". "Je ne me sens pas proche de l'arrière-côte", lâche-t-il juste avant de partir pour sa prochaine course. 

Fins de mois difficiles et défiance envers la politique

Sur l'arrière-côte, on n'en pense pas moins. "Les gens qui habitent autour de Beaune n'ont pas du tout voté la même chose qu'ici à la présidentielle. On n'a pas du tout les mêmes préoccupations", affirme Elsa, presque 24 ans, buraliste à Bligny-sur-Ouche. Beaune, elle s'y rend "uniquement pour les rendez-vous médicaux". Son bassin de vie, c'est Bligny, et Arnay-le-Duc où elle réside. 

Arnay-le-Duc, où l'on pousse la porte du bar-tabac-PMU pour rencontrer Fabrice, le patron. Qu'attend-il de ces élections ? "Rien. Voter, ça ne sert plus à rien. C'est décidé d'avance, ce sont toujours les mêmes qui s'en sortent. Ce n'est plus la peine", lâche-t-il, résigné.

"Un candidat est passé nous visiter pour nous expliquer son programme. À part ça, on est vraiment mis à l'écart. Les petits commerces, les campagnes... On est les oubliés. Regardez autour, c'est le désert !"

Fabrice, à Arnay-le-Duc

"On essaie de tenir tant qu'on peut", confie le patron, "mais c'est vraiment triste que nos campagnes soient oubliées à ce point-là et c'est pour ça, je pense, que beaucoup de monde a voté Marine Le Pen. Parce que c'est tout pour les métropoles et rien pour les campagnes." Ses problèmes au quotidien ? "Les charges. Et pour les gens, les fins de mois sont difficiles. Dès le 15 du mois, les gens n'ont plus de sous. C'est un mal-être général, on le sait depuis longtemps mais rien n'a changé."

Dans la 5e circonscription pourtant, le niveau de vie médian est plus élevé que le reste de la France, d'environ 1000 euros par an. Mais cette moyenne ne reflète pas les nuances. Attablé à côté, un client, Gérard, 76 ans, se souvient du temps d'avant : "Dans les années 80, on avait de bons salaires ! Il y avait du pognon partout, on avait des liasses de billets dans la poche. Depuis qu'on est passés à l'euro, tout s'est effondré."

Comment changer les choses ? "Si j'étais député, j'essaierais de revenir un peu en arrière et repartir sur de bonnes bases", analyse Fabrice, le patron du café. "Chaque nouveau gouvernement propose des lois, le gouvernement suivant revient en arrière et propose d'autres lois... C'est de l'argent dépensé. Il faudrait une concertation entre tous les partis politiques. Même si ça met plus longtemps, c'est pas grave, mais au moins que ça serve sur le temps long et pas seulement sur cinq ans !"

Fracture numérique et mobilité, deux défis de cette circonscription

Pour l'instant, le système est tel qu'il est : les 577 députés qui seront élus les 12 et 19 juin prochains seront chargés, à l'Assemblée nationale, de voter et de soumettre des propositions de loi pour les cinq prochaines années. Dans la 5e circonscription, quelles nouvelles lois attendent les habitants ? "C'est une méchante question, il y a tellement de choses à faire !" sourit Roger. Ce Beaunois fêtera ses 85 ans en juillet. "Il y a une chose qui m'intéresse en particulier", finit-il par dire : "Il faut absolument s'occuper des personnes âgées au niveau informatique. Là, je sors de chez Orange et j'ai la tête complètement farcie... À mon âge, ça commence à être délicat."

"L'informatique, il en faut, mais pour nous, personnes âgées, c'est beaucoup trop. On dérape."

Roger, à Beaune

Comme Roger, 15 à 20% des habitants du territoire sont "largués" par le numérique, comme en atteste la dernière étude de l'Insee sur l'illectronisme. Autre sujet de préoccupation de Roger : les déplacements. "On nous parle de voitures électriques, mais les piles (sic) ça coûte cher..." Il nous confie son inquiétude, lui qui roule avec une voiture diesel "comme neuve, qui fait à peine 3000 km par an" : "J'ai peur qu'un jour, on m'interdise de venir à Beaune avec."

La mobilité : un sujet brûlant et très concernant, car dans cette circonscription, 82% des habitants utilisent leur voiture pour aller au travail. Et les retraités, comme Roger, sont également nombreux à ne pas pouvoir se passer de conduire. Ici, la moitié de la population ne dispose pas de médecin, de pharmacien ou de dentiste sur sa commune de résidence et doit donc se déplacer pour accéder à ces services de santé. 

L'accès aux soins encore limité

Autre préoccupation en matière de santé : "Ouvrir davantage de structures adaptées au handicap", nous confie une femme âgée que nous croisons au centre-ville de Beaune. "Mon fils a 54 ans. Il est sourd et muet, et malade. Autour de Beaune, il n'y a rien pour l'accueillir. On a dû le placer dans une résidence pour personnes âgées." Elle se plaint aussi de la complexité des aides accordées aux handicapés : "Il ne touche déjà pas beaucoup de l'AAH (l'allocation adulte handicapé), et quand on demande si l'on a droit à une allocation logement, on nous répond qu'on ne sait pas, qu'on verra, qu'on va attendre." En colère et fatiguée, elle se sent délaissée.

"Mon fils, je l'ai gardé avec moi pendant 26 ans. Je suis veuve. Je n'ai eu aucune aide."

Une habitante de Beaune

Et la question de l'accès à ces services de soins n'est pas la seule préoccupation des habitants en matière de santé. Le nerf de la guerre, c'est l'argent : "Il faut donner beaucoup plus de moyens à l'hôpital, des moyens humains et matériels." C'est le souhait de Marie-Mathilde, aide-soignante à l'hôpital de Beaune. La crise du covid et celle, plus profonde, de l'hôpital public, elle connaît. Pour changer les choses, elle voudrait rétablir l'ISF, l'impôt sur la fortune.

"Taper à la porte de nos gentils capitalistes et leur dire qu'il est peut-être temps maintenant de redistribuer les richesses aux travailleurs, à nous, petites gens."

Marie-Mathilde, aide-soignante

Il faut noter que les "travailleurs" dont parle Marie-Mathilde sont plus nombreux dans la 5e circonscription que dans le reste de la France. Selon les données de l'Insee, près de 30% des actifs de la zone sont ouvriers ou employés. Les cadres et professions intellectuelles sont en revanche près de 10% de moins qu'à l'échelle nationale. On retrouve aussi une part plus élevée d'artisans et commerçants, mais aussi d'agriculteurs exploitants : ils représentent près de 5% des actifs. 

Il faut "du respect" de l'environnement

Dans cette circonscription marquée par son côté rural, les habitants sont nombreux à se sentir concernés par l'écologie. "L'environnement, il faut que ça passe d'abord par l'éducation", juge Franck. Nous le rencontrons à Seurre, mais ce quadragénaire originaire de Beaune suit une formation de maintenance des bateaux à Saint-Jean-de-Losne, à l'est de la circonscription. "Il faut commencer, dès le plus jeune âge, à prendre soin de la nature, de la faune et de la flore, à s'intéresser au bio."

"Il faut savoir entretenir un amour de la terre, et ça, on ne l'apprend pas à l'école."

Franck, à Seurre

Respecter davantage la nature : c'est aussi ce que veut Nathalie, qui tient un carroussel pour enfants à Beaune. "On trouve des masques partout par terre, je trouve ça inadmissible. Jusqu'à présent, j'y faisais moins attention, mais là c'est trop flagrant.

► Les élections législatives ont lieu les 12 et 19 juin prochain. Dans la 5e circonscription de Côte-d'Or, neuf candidats vont s'affronter.

 

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