Moutarde : après la pénurie, les producteurs face à un tournant en Bourgogne

En Bourgogne, les récoltes de graines de moutardes sont déjà lancées. Ces cultures, malgré la sécheresse, se développent de plus en plus dans la région. Pour autant, une production entièrement locale n'est pas encore à l'ordre du jour.

Les vacances commencent ce vendredi 6 juillet. Et avec elles bon nombre de rituels. Les apéritifs suivis des barbecues en font partie. Pour que le plaisir soit total, rien de tel qu'un petit peu de moutarde pour accompagner les chipolatas et autres merguez. Cela tombe bien, la récolte des graines a commencé plus tôt qu'à l'accoutumée en Bourgogne. Mieux, la production commence réellement à faire son trou dans la région. Mais les amateurs devront sans doute patienter un petit peu avant de pouvoir déguster un condiment totalement bourguignon. 

Une récolte démarrée plus tôt 

Comme pour les vendanges ces dernières années, cette moisson des graines de moutarde avant l'heure trouve son origine dans le climat. Débutée il y a une dizaine de jours, c'est déjà près de mille hectares qui ont été récoltés dès le début du mois de juillet. "Avec la météo, il y aura 80% de la récolte qui sera terminée d'ici à la fin de la semaine prochaine", explique Damien Beaumont, céréalier et vice-président de l'Association des Producteurs de Graine de Moutarde en Bourgogne (APGMB).

La récolte se terminera dans quelques mois avec l'arrivée de l'automne. Bien que précoce, elle n'en sera pas forcément meilleure. C'est même presque le contraire qui risque de se produire à en croire Phillippe Terrien, ouvrier depuis plus de 20 ans au GAEC de la Sans Fonds, à Noiron-sous-Gevrey (Côte-d'Or) : "à cause de la sécheresse, on a une récolte moyenne, voire très moyenne. Les rendements ne sont pas bons". 

La chaleur n'est pas la seule contrainte climatique que subissent les graines de moutarde. L'humidité apporte elle aussi son lot de déconvenues. Très défavorable aux cultures, elle entraîne une réduction des fleurs fournissant les graines. Et celles qui restent sont beaucoup plus petites que la normale.

La production locale a le vent en poupe 

Malgré les contraintes environnementales, les producteurs ne baissent pas les bras. Au contraire, en Bourgogne, la production ne cesse de croître, notamment depuis l'année dernière. Encore en minorité par rapport aux graines canadiennes (elles sont à 40% bourguignonnes et à 60% canadiennes) dans la fabrication de la moutarde dijonnaise, elle s'affirme toujours plus chaque jour.

Par exemple, le nombre de cultivateurs a tout simplement doublé depuis l'année dernière, pour passer de 300 à 600. Les surfaces cultivées ont quant elles triplé, pour passer de 4 000 à 12 000 hectares en un an. Grâce à cela, les professionnels du secteur espèrent récolter environ 15 000 tonnes de graines contre 7 000 l'année précédente. 

Une telle hausse s'explique facilement. Confrontés à des stocks limités en raison des difficultés d'approvisonnement du Canada, les producteurs locaux se sont rapidement retrouvés rationnés, comme l'expliquait Luc Vandermaesen, directeur général de la moutarderie Reine de Dijon et président de l'association moutarde de Bourgogne (regroupant fabricants et cultivateurs) dans cet article. Par conséquent, ils ont été incités à augmenter leurs surfaces dédiées à la culture des graines : "les industriels ne voulaient pas se retrouver face à une deuxième pénurie", explique Damien Beaumont. "Ils se sont donc tournés vers nous".

Pour les producteurs, on est passé de 1350€ à 2000€ payés pour la récolte 2023

Damien Beaumont, céréalier et vice-président de l'Association des Producteurs de Graine de Moutarde en Bourgogne (APGMB)

Justement, les industriels jouent le jeu en acceptant d'acheter plus cher la semence. 30% de plus pour la graine dite "conventionnelle" et 20% pour la biologique. "Forcément, le prix va augmenter pour le consommateur. Mais les Français dépensent environ 8€ par an dans la moutarde, donc on ne va pas les ruiner", détaille Luc Vandermaesen.

Bientôt une fabrication 100% bourguignonne ?

Suffisant pour passer à une production complétement localisée sur le territoire bourguignon ? Rien n'est moins sûr. En effet, la part canadienne de celle-ci représentait 80% encore jusqu'à l'année dernière. Même si cette dernière s'est réduite, il faudra naturellement beaucoup de temps avant de parvenir à renverser la vapeur.

Les professionnels ne semblent d'ailleurs pas emballés par cette idée. A commencer par les producteurs eux-mêmes : "c'est un gros travail de se couper totalement du Canada. On n'a pas la prétention de le faire à court-terme" admet l'un d'eux. Luc Vandermaesen partage ce constat, tout en rappelant l'importance du climat dans ce choix : "avec les sécheresses et les incendies, on ne sait pas ce qui nous attend. Même si je suis favorable à une croissance de la part bourguignonne dans la production, il faut rester prudent". 

Avec le risque climatique, ce serait dangereux de se détacher complétement du Canada

Luc Vandermaesen, directeur général de la moutarderie Reine de Dijon et président de l'association moutarde de Bourgogne

Malgré tout, certains voient des perpectives dans cette optique : "pour réussir à le faire, il faudra déjà se tourner vers des régions autres que la Bourgogne Franche-Comté", dit un cultivateur. Toujours pas de production purement régionale donc. Mais c'est un bon début.

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