Permis de conduire dès 17 ans : beaucoup d'auto-écoles pas convaincues, "les jeunes ne sont pas assez matures"

La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé la possibilité de passer le permis dès 17 ans à partir de janvier 2024. Si cette mesure a de quoi plaire aux jeunes, les professionnels du secteur sont, eux, beaucoup plus sceptiques quant à sa faisabilité. Législation, manque de personnel ... Pour les moniteurs, cette évolution est un non-sens.

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Qui n'a jamais rêvé de venir à l'école avec sa propre voiture ? Pas les moniteurs d'auto-école en tout cas. Si la perspective de pouvoir conduire sa voiture seul un an plus tôt, comme l'a affirmé hier la Première ministre Elisabeth Borne, peut satisfaire les adolescents, elle rebute beaucoup de professionnels du secteur. Pour eux, les obstacles sont bien trop nombreux pour que cette disposition ait une quelconque utilité. 

Trop jeunes pour conduire ?

Jusqu'alors, chacun pouvait commencer à conduire à partir de 18 ans. La seule variante se trouvait dans le format de la conduite accompagnée. Ici, les apprentis-conducteurs avaient la possibilité de passer l'examen du permis avant leur majorité mais ne pouvaient pas conduire seuls avant celle-ci. Ce futur projet, programmé pour le mois de janvier 2024, permettrait aux jeunes à partir de 17 ans de piloter seul. Ce qui inquiète Cédric Javouhey, moniteur à Chalôn-sur-Saône :"ce qui m'inquiète, c'est qu'ils soient tout seuls. Ils ne sont pas assez matures pour être laissé en autonomie comme ça".

En effet et même s'ils se refusent à tout amalgame, beaucoup pointent l'inexpérience à cet âge :"déjà qu'à 18 ans c'est limite mais à 17 c'est encore pire", poursuit Damien Bevelet dirigeant de l'auto école Gauron à Décize (Nièvre).   

On veut les envoyer conduire alors qu'ils sont nombreux à ne pas savoir remplir une enveloppe

Cédric Javouhey, moniteur d'auto-école

Des bouchons à l'entrée des auto-écoles 

Surtout, le problème est pris à l'envers par les instances dirigeantes, insistent les professionnels du secteur. Depuis la pandémie de COVID-19, le secteur connait des pénuries à tous les niveaux. Le manque d'examinateurs se fait ressentir un peu partout en France, en particulier dans les territoires ruraux comme en Bourgogne. Les élèves doivent parfois attendre entre trois et six mois pour espérer trouver une place.

Et le problème semble bel et bien persister :"en Saône-et-Loire, on avait quatorze examinateurs il y a quelques années. Aujourd'hui, ils ne sont plus que neuf" soupire Cédric Javouhey. Même chose dans la Nièvre :"pour espérer faire quelque chose, il faudrait qu'il soient cinq. Or, on en a que trois pour l'instant" abonde Damien Bevelet. Ornikar, qui compte près de trois millions d'élèves en France avance même les chiffres de "400 à 600 000 jeunes qui vont se concurrencer pour trouver des dates d'inscription au permis" dans un communiqué. 

S'il n'y a pas de financements, on n'y arrivera pas

Damien Bevelet, moniteur

Le manque de place serait aussi accru dès l'arrivée à l'auto-école. Etant bien souvent des petites structures, ces entreprises ne comptent pas beaucoup d'instructeurs dans leurs rangs :"rien qu'à Dijon, on aurait besoin de plus de moniteurs" confie une professionnelle proche de la Toison d'Or. Chaque leçon s'effectuant en individuel, la recrudescence de potentiels candidats à la conduite suite à l'annonce de la cheffe du gouvernement le jviendrait qu'aggraver une situation déjà tendue.

Quid de la majorité ? 

Cet abaissement de l'âge légal pour partir à la conquête de la route pose fatalement une autre question : celle de la majorité. Comme l'indique Benjamin Gaignault, fondateur d'Ornikar dans un communiqué, "il y a fort à parier que les assureurs traditionnels ne voient pas la mesure d’un bon œil et soient encore plus récalcitrants à assurer ces jeunes encore plus jeunes". C'est là que le problème de l'âge refait surface. Les assurances pourraient être peu nombreuses à accepter de prendre en charge des mineurs. Par extension, si l'un d'eux provoque un accident, que fera la loi ? Cette question ainsi que le flou qui l'entoure actuellement revient sans cesse chez les professionnels.

La mobilité, un faux argument 

Pour justifier son choix, la Première ministre avance l'argument de la mobilité, notamment dans les territoires ruraux, régulièrement en déficit de transports en commun. L'ex-ministre des Transports s'appuie sur la situation des jeunes qui travaillent tôt, comme les apprentis. Mais chez une grande partie des spécialistes, ce dernier ne tient pas debout :"les jeunes ne sont pas obligés d'avoir une voiture ! Il y a des alternatives comme le scooter par exemple" dit une monitrice. Pour eux, la situation actuelle n'a rien de différent d'autres époques. Les jeunes ne possèdent pas de véhicules et font avec :"moi qui gère une auto-école, je ne vois pas un seul élève qui se plaint" explique Cédric Javouhey. 

De façon générale, cette décision est considérée comme hâtive et "pas réfléchie". Tout le contraire de la conduite en somme. Un démarrage poussif donc pour une évolution qui devrait entrer en vigueur en janvier prochain.

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