Moussa Dieng, ambulancier de la société Jussieu, a perdu la vie alors qu'il intervenait chez un homme en proie à des troubles psychiatriques, à Besançon. Ce dernier lui a assené un coup de couteau mortel. Le procureur de la République revient ce lundi 30 août sur ce drame qui interroge. Détails.
L'émotion est forte et les questions nombreuses deux jours après le décès de Moussa Dieng, ambulancier tué à Besançon samedi 28 août alors qu'il devait prendre en charge un homme avec des troubles psychiatriques dans le quartier de Planoise. Accompagné de l'un de ses collègues, ce dernier ne savait pas qu'une patrouille de police était en route et venait leur prêter main forte, selon nos confrères de l'Est Républicain. L'auteur présumé des faits, âgé de 40 ans, n'a pour l'instant pas pu être interrogé en raison de son état de santé mentale fortement dégradé. Il a été examiné par un psychiatre à la suite de la violente agression et transféré au Centre Hospitalier de Novillars.
Le jour des faits, c'est sa mère, voyant son fils dans un état très préoccupant après plusieurs visites agressives à son domicile, qui a prévenu le centre 15 pour qu'il soit pris en charge médicalement. Il était alors 9h15. "Elle connaissait sa pathologie. Elle le décrit comme quelqu’un de gentil quand il va bien mais elle sait que quand il décompense il présente des signes d’agressivité qui le rendent violent et dangereux" a expliqué Etienne Manteaux, procureur de la République de Besançon ce lundi 30 août, précisant que l'individu souffre de troubles psychotiques et qu'il avait été mis en cause pour des violences en 2006.
Cinq minutes fatales
Selon les premiers éléments de l'enquête, qui est toujours en cours, l’opérateur du SAMU a appelé le Centre d'Information et de Commandement (CIC) de la police de Besançon, à la suite de l'appel de secours. "Nous avons la retranscription de l’entretien. L’opérateur du commissariat fait observer à l’opérateur du SAMU que l’usage veut que ce soit les soignants qui se présentent en premier lieu, et ensuite si la mission ne peut être effectuée, il y a l’envoi d’une patrouille de police. Il précise également que, par expérience, la vue d'une patrouille de police peut tendre considérablement la situation et agiter encore plus la personne qui doit recevoir des soins" poursuit le procureur de Besançon. Une patrouille de police qui se trouve néanmoins dans le secteur se rend sur les lieux.
Pendant ce temps les deux ambulanciers, Moussa Dieng et son collègue, sont allés au domicile de l'auteur présumé des coups de couteau. Ils se trouvent alors au rez-de-chaussé dans le couloir. "La porte s’ouvre sur l’homme agressif qui semble parler de gens qui veulent attenter à sa vie. Le monsieur refuse de suivre les ambulanciers" détaille Etienne Manteaux. Dans ce contexte, leur mission ne peut donc pas être exécutée. Le deuxième ambulancier repart et interpelle Moussa Dieng, qui est resté devant la porte et qui rappelle le 15 "pour obtenir des consignes supplémentaires et faire un rapport".
"La porte s’ouvre alors à nouveau et l’individu est armé d’un couteau. Il assène au niveau du thorax deux coups à l’ambulancier qui recule et qui est pris en charge par son collègue qui va l’emmener très rapidement dans l’ambulance puis à l'hôpital" énumère le procureur. L'homme violent se rue ensuite sur un voisin de palier et lui donne quatre coups de couteau, mais non mortels. Alors qu’il assène des coups à cette deuxième victime, un père de famille de 38 ans sort de l’ascenseur avec son enfant de 7 ans. Il se précipite sur l’individu qui le menace poing en l'air. Ce dernier réussit dans une lutte acharnée à le désarmer malgré qu'il soit touché à l'oreille. Les policiers arrivent et prennent la relève pour interpeller le forcené, fortement véhément. Les forces de l'ordre utilisent même un pistolet électrique pour le maîtriser.
La question de la prise en charge des cas psychiatriques dangereux
Malheureusement, ce drame s'est noué en cinq minutes seulement. Il a suffit d'un court laps de temps entre l'intervention de la police et celle de l'ambulance Jussieu pour que Moussa Dieng perde la vie. La mort de l'ambulancier, blessé mortellement et décédé dès son arrivée à l'hôpital, met en lumière les difficultés de la prise en charge des patients en forte détresse psychologique et parfois très dangereux. Ce drame aurait-il pu être évité ? L'enquête doit permettre de définir les responsabilités mais s'annonce complexe.
"L’échange entre l'opérateur du SAMU et la police est très intéressant. A ce stade, je ne parlerai pas de dysfonctionnement majeur. Les échanges sont extrêmement éclairants sur la complexité de ce qui doit être fait dans ce genre de situation" détaille Etienne Manteaux. Les bandes du SAMU sont en cours de saisie et devraient permettre d'apporter de nouveaux éléments.
Je mesure bien le drame absolu de ce dossier mais je ne ferai pas de conclusions hâtives. Il faut analyser les antécédents et puis ensuite on pourra se diriger vers des conclusions.
De nombreux personnels de santé demandent régulièrement à être mieux accompagnés pour plus de sécurité, notamment lors de la prise en charge de patients à risque comme ce fut le cas cette fois-ci. "Ce genre de drame peut faire évoluer les choses potentiellement. A cinq minutes près, probablement, il n’y aurait pas eu ce drame. Malheureusement, l'usage n’est pas de systématiser l’intervention de patrouilles de police ou gendarmerie aux côtés de pompiers ou ambulanciers. La question des moyens engagés et disponibles dans ce genre de situation est à poser à l'exécutif" conclut Etienne Manteaux, qui a ouvert une information judiciaire pour homicide volontaire. Ce dernier envisage la mise en examen de l’individu actuellement hospitalisé avant un potentiel placement en détention provisoire dans un centre spécialisé, après le respect d'un délai de 10 jours prévu par la loi et qui sera sans doute bénéfique vu l'état psychologique dans lequel se trouve encore à l'heure actuelle l'auteur présumé des faits.
Moussa Dieng, la victime, était née en 1971. Il était marié et père de deux enfants de 2 et 7 ans. Ce drame a particulièrement marqué les professionnels de secours, et ce aux quatre coins de France. Les personnels de la société Jussieu Besançon ont fait preuve de beaucoup de courage en reprenant le travail ce lundi matin.